Accablé par les révélations sensationnelles de la presse concernant son management, Henri Claude Oyima a récemment été porté à la Présidence du Conseil d’administration du groupe BGFIBank. Son éloignement du gouvernail de cette banque n’a cependant pas estompé les fuites sur les dossiers chauds de l’institution financière sous sa direction. 

L'agence centrale de BGFIBank, son siège historique - © Gabonreview.com

Puissant actionnaire de la BGFIBank, Henri Claude Oyima vient de bénéficier d’une promotion hiérarchique plutôt que d’être éjecté, ainsi que l’annonçaient ses détracteurs. Le dernier Conseil d’administration de cette banque a eu lieu le 7 mai 2012, selon une source digne de foi, mais ses conclusions ont tardé à s’ébruiter. M. Oyima a donc été muté au poste honorifique de Président du conseil d’administration (PCA). Le poste central d’administrateur directeur général qui était le sien a échu à Patrice Otha, précédemment PCA de BGFIGroup. Des sources internes de cette banque indiquent que depuis mars 2012, un poste de directeur général, jusque-là inexistant dans l’organigramme, a été créé qui est occupé par Brice Laccruche Alihanga, précédemment secrétaire général de BGFI Holding Corporation S.A. et, par ailleurs, PDG du groupe Wali Hotels & Resorts.

Certains cadres de la BGFIBank ricanent et murmurent que malgré son poids dans le cartel, la cabale visant à en sortir M. Oyima se poursuit. On pourrait en convenir, si l’on tient compte des dernières révélations relatives à son management ces dernières années. En effet, hormis le flou sur la gestion des comptes bancaires d’Omar Bongo, de nouveaux griefs sont venus s’ajouter au passif de manager de l’ex-ADG inamovible de BGFI. Au sujet des comptes d’Omar Bongo, l’hebdomadaire Echos du Nord a fait état, le 2 juillet dernier, d’indiscrétions ayant transpiré d’une mission de la Commission bancaire d’Afrique centrale (Cobac) : «plusieurs comptes appartenant au défunt chef de l’État n’avaient pas de dossiers client (…) leur création n’a probablement jamais été initié par leur titulaire.» Autrement dit, des comptes bancaires attribués à Omar Bongo auraient été créés sur lesquels on se serait permis quelques entourloupettes.

Mais le plus édifiant des révélations d’Echos du Nord concerne le financement par Crédit-bail de la flotte aérienne d’Afrijet, à hauteur de 58 milliards de francs CFA. Un engagement à haut risque, d’autant plus que cette compagnie aérienne, «propriété conjointe de la SCI Obali et de la famille Tomi», se porte très mal depuis des années et peine à honorer son échéancier de remboursement. Pour éviter la forte exposition au «risque de crédit», celui que les cadres de la BGFIBank ont surnommé «Super Oyima» a trouvé une solution : faire payer les traites d’Afrijet par le Trésor public, «on nom d’on ne sait quel arrangement», s’étonne Echos du Nord, et voyager au maximum sur les jets de la compagnie lors de missions auprès des différentes succursales de BGFIBank dans la sous-région (Congo, RDC, Guinée Équatoriale, Benin, Cameroun, etc.). Des missions refacturées auxdites filiales, selon l’hebdomadaire qui indique que «l’objectif premier est donc de renflouer les comptes de la très endettée Afrijet afin que BGFIBank ne se retrouve pas avec un encours contentieux à approvisionner de près de 20 milliards à ce jour.» Selon la rumeur, une heure de location d’un jet d’Afrijet coûterait entre 3 et 4 millions de francs CFA.

Mais les missions de sauvetage entreprises par Oyima afin d’éviter de «faire crasher le groupe BGFIBank» concernent également Air Service et Gabon Airlines, deux compagnies aériennes en liquidation. Echos du Nord totalise près de 40 milliards de francs CFA concernant «les garanties et autres concours complaisants apportés par l’État à BGFIBank sur ces sociétés». Air Service : 6 milliards FCFA, Afrijet : 20 milliards FCFA, Gabon Airlines : 13 milliards FCFA. Donc, il suffirait que l’État gabonais arrête sa duplicité avec cette banque pour que tout le groupe s’effondre.

Pour finir, l’hebdomadaire dresse la liste des montages financiers foireux réalisés par Henri Claude Oyima : le Club de Libreville, Air Service, Gabon Airlines, Afrijet, déguerpissement des populations de la vallée Sainte Marie, de Sotéga et de la Sorbonne, Crédit-bail de 120 milliards à l’État, etc. En conclusion, les résultats extraordinaires de la BGFBank n’existeraient pas si l’État gabonais n’offrait pas des garanties et des remboursements indus. Mais est-ce la faute du seul Henri Claude Oyima. «Qui veut noyer son chien l’accuse de rage», dit le proverbe.

En principe, à son nouveau poste de PCA, Oyima organise et dirige les travaux du conseil, veille au bon fonctionnement des organes de la société, mais ses pouvoirs sont limités par ceux du conseil, du directeur général et éventuellement par les statuts. Dans une interview à jeuneafrique.com, fin juin dernier, le banquier a laissé entendre que «C’est toujours ceux qui ne savent pas qui parlent. Nous sommes dans un métier qui commande la confidentialité et cela engendre des fantasmes. Mes relations avec le chef de l’État sont excellentes : il me consulte, prend mon avis… Quant aux affaires de l’ancien président, elles tombent sous le sceau de la succession et je n’ai aucune influence là-dessus. Les valeurs de cette maison sont simples : fidélité et loyauté envers le Gabon et son chef.» La messe est dite.

 
GR
 

11 Commentaires

  1. Patriote dit :

    Nous sommes en face d’un scandale financier qui mouille aussi bien Oyima, l’Etat gabonais et des proches de la famille Bongo.

    Exerçant moi même dans le secteur bancaire je suis surpris que les règles élémentaires de Bâle II, applicables à toutes les banques ne sont pas respecter à BGFI et font courir à l’Etat le risque d’une crise financière.

    1- Le risque de défaut des contreparties

    Comment peut-on exposer les avoirs d’une banque, à des montants aussi élevés, à un petit groupe de contreparties dont le business plan n’est même pas bancable?

    Comme on peut le constater, BGFI n’applique pas le principe de diversification des risques. Normal, puisque derrière, l’Etat, c’est-à-dire le contribuable gabonais apporte sa garantie.

    2- Le conflit d’intérêt

    BGFI mis devant le fait accompli résultant de l’insolvabilité d’une de ses contreparties (en l’occurrence Afrijet) décide tout bonnement de contourner le problème en utilisant des vols privé Afrijet pour effectuer ses missions à l’étranger.

    Ca s’appelle « casser le thermomètre pour faire baisser la température ». Par ailleurs je ne comprends pas pourquoi la commission bancaire et l’autorité de contrôle ne sont pas encore saisies de l’affaire, des sanctions s’imposent.

    3- Les crédits et autres faveurs accordés aux dirigeants et actionnaires de BGFI

    Là encore la réglementation Bâle II est très claire, un établissement bancaire ne peut accorder des crédits à hauteur de plus de 20% de ses avoirs à son personnel, ses dirigeants ou aux intérêts de ses actionnaires.

    Or à ma grande surprise, Afrijet, Gabon Airlines ou encore Air Service dans lesquelles la famille Bongo (par ailleurs actionnaire de BGFI) disposent de participations importantes bénéficient de ligne de crédits importantes avec comme principale garantie : L’Etat gabonais. J’aimerai qu’on m’explique.

    4 – La garantie de l’Etat gabonais

    On peut comprendre que l’Etat apporte sa garantie aux emprunts et investissements privés quand ceux-ci ont un intérêt national ou une utilité publique. L’Etat doit cependant, préalablement s’assurer de la solvabilité, la faisabilité et la pérennité desdits investissements avant un quelconque engagement.

    Mais que constate-t-on ?

    – L’Etat s’engage à fonds perdus dans la garantie d’investissements hasardeux ;
    – Les entreprises auxquelles l’Etat apporte sa caution appartiennent à un petit cercle gravitant autour de la famille Bongo ;
    – Ces garanties de l’Etat ne sont pas connues du parlement donc des gabonais ;

    Et là une question me vient, à quel chapitre de la Loi des Finances apparaissent les fonds versés à BGFI par le Trésor public au titre de garantie des crédits d’entreprises privées ?

    5 – L’inexistence de « dossier client » pour certains comptes appartenant à Omar Bongo

    Pour chaque entrée en relation, la réglementation bancaire prescrit une application stricte du Know Your Costumer (KYC) traduit en Françcais par Connaissance du Client.

    La connaissance du client est fondamentale, en plus de connaitre son identité et son activité professionnelle, elle permet de déterminer son profil de risque. Elle permet surtout de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

    En clair, il ne peut y avoir d’ouverture de compte bancaire sans dossier client.

    A ce sujet si les autorités de contrôles ne réagissaient pas, ce serait une grave faute qui décrédibilisera les banques de la zone CEMAC dans le monde puisqu’elle consacrera cette zone comme étant une plate forme de financements illicites dans le monde.

    • scha dit :

      exposé vraiment très clair de votre part qui nous fait mesurer l’ampleur du mal qui gangrène cette institution financière!
      je pense que rien ne sera fait malhereusement pour sanctionner et améliorer les choses car ainsi va notre pays: on fait la promotion des cancres et des voleurs.

  2. Guy Massard dit :

    Une banquier, entrepreuneur privé supposé, qui jure « fidélité et loyauté » à un homme politique ? On aura tout vu avec ces gens. On croyait qu’Oyima, en tant que banqiier devait être fidèle et loyal aux textes, notament las statuts du FMI et de la Cobac, la réglementation Cemac sur le régime de change….. On découvre qu’il jure fidélité à des politiques. Après ça vous direz qu’il peut diriger le patronat en toute neutralité et au gré des intérêts communs des seuls patrons ou plutôt de l’homme politique à qui il jure fidélité ? En un mot comme en mille, ça fait de BGFI une banque « politiquement exposée ». Quelle garantie il y a alors à y mettre son argent ? Qu’adviendra-t-il alors de cette banque en cas d’alternance….. Les choses se clarifient grâce…. à l’amétauerisme et la non maîtrsie du langage de ce monsieur à la réputation surfaite

  3. GAB CONSULTING dit :

    Je partage beaucoup les détails apportés par notre Patriote. Je veux juste spécifier que ce scandale ne concerne pas seulement la zone CEMAC. La BGFI est installée au Bénin et en Côte d’Ivoire, donc en zone UEMOA que je ne connais bien, puisque je réside à Niamey où j’exerce comme consultant en investissement.
    Il faut savoir le scandale qui vient d’être détaillé ressemble fort bien à celui de la BEAC (au faite le nom de Patrice OTHA n’a t-il pas été cité dans l’affaire dite BEAC ?).
    Voici un sujet que je demande à mes frères gabonais de débattre, car il s’agit de notre souveraineté bancaire. Il faut que les gabonais vivant au pays et ceux de la diaspora, qui sont du domaine financier et bancaire attirent l’attention des autorités de notre Gabon D’abord. Si le scénario du scandale financier se revèle au grand jour, notre économie va connaitre un dégringolade au niveau de son PIB, car les investisseurs ne feront plus confiance à notre secteur bancaire. Et comme dit l’adage « il n’y a pas de fumée sans feu », un audit des rapports financiers de la BGFI s’impose pour s’assurer que cette forte progression en terme de croissance n’est pas un écran de fumée, avant que l’incendie ne se propage dans la secteur bancaire gabonais. Là se serait le scandale du siècle, pire que la fraude électorale.

  4. jules obiang dit :

    @ le Patriote Merci
    Pour m’avoir permi de mesurer la réalité de la situation de BGFFI et ses possibles conséquence sur l’économie du pays mais sutrtout sur les risques de perception du système financier de la sone CEMAC.

  5. dworaczek-bendome dit :

    d’accord avec « patriote »,

  6. GABONAIS dit :

    Je voulais faire une petite étude financière sur le groupe BGFI Banque à partir des comptes consolidés qu’ils se devaient de publier. Je suis resté sur ma soif. On pourrait se demander quelle crédibilité compte-t-elle avoir si toutefois elle reste dans le flou en entretenant une asymétrie informationnelle… Si une personne sur cet espace a les résultats financiers de BGFI, prière de m’en communiquer pour qu’une petite étude soit faite, histoire de voir si crédibilité y a.

  7. maroundou200 dit :

    très édifiant tout ce qui a été dit plus haut, ça craint vraiment !!! vous vous rendez compte gabonais ce qui se passe dans ce pays corrompu…le banquier et la politique ??? affaire d’état. Fidélité et Loyauté envers le président, à quel niveau d’entendement ? c’est enrageant, choquant !!! il nous laissent par terre pour ces intérêts personnels ???? On laisse dire des choses pareilles, vive la médiocrité de certaines personnes de ce pays???

  8. le petit-fils de la veuve dit :

    Kerangal, Oyima, Otha, Bongo, Abéké, Gomez..même pipe, même tabac.

    Il faut juste espérer que notre système bancaire dominé par BGFI (45% de parts de marché en emplois) ne sombre pas avec le navire en cas de choc, tant notre BGFI national ressemble aujourd’hui à l' »insubmersible » TITANIC. Et pourtant.

  9. Anus dit :

    Le Gabon est un pays pourri dans un système pourri bâti par les forestiers et Franc-maçons pourris. Vous êtes parti loin en parlant de Bâle II et il y a aujourd’hui Bâle III. La Bfi c’est pas une banque à l’origine. C’est l’ancienne Banque de ELf, en quelque sorte un groupe de tontine occulte et elle est l’ai demeurée malgré qu’elle a été fermé en France et ses activités interdites. En cela le Gabon est un paradis fiscal, un pays Off- Shore.

  10. azer dit :

    La saga continue … avec des perles cette fois ci !

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