Quand les éléphants s’invitent chez les hommes : le désespoir des villageois gabonais face à un conflit sans fin
Au Gabon, l’exaspération monte dans les villages confrontés à des incursions répétées d’éléphants de forêt détruisant leurs cultures et menaçant leur sécurité. Ce conflit homme-faune, rapporté par l’Agence France-Presse, reflète un dilemme complexe entre la conservation d’une espèce menacée et la survie des communautés locales.
Dans les villages reculés du Gabon, comme Bakoussou, les habitants vivent dans une peur constante des éléphants de forêt, ces géants qui ravagent plantations et moyens de subsistance. Kévin Balondoboka, habitant du village, résume le désespoir ambiant : «La solution pour dégager les pachydermes, c’est de les abattre.»
Les récits se ressemblent : des récoltes dévastées, des enfants et des femmes effrayés sur les routes, et des champs autrefois fertiles désormais envahis. «Nous subvenons aux besoins de nos enfants à travers l’agriculture. Maintenant que cette agriculture est au bénéfice de l’éléphant, que va-t-on devenir ? », déplore Viviane Métolo, également résidente de Bakoussou.
Les chiffres sont parlants : le Gabon, avec ses 95 000 éléphants et une population humaine de seulement deux millions d’habitants, est surnommé «le refuge des éléphants de forêt». Pourtant, cette cohabitation forcée semble de plus en plus difficile, comme le souligne Aimé Serge Mibambani Ndimba, haut-fonctionnaire au ministère de l’Environnement : «Le conflit homme-faune aujourd’hui est permanent, et les dévastations s’étendent du nord au sud, de l’est à l’ouest.»
Pourquoi ces pachydermes s’approchent-ils des villages ?
L’explication est multifactorielle, selon le Dr Léa Larissa Moukagni, responsable du programme «conflit homme-faune» à l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN). Le changement climatique, la réduction des ressources alimentaires dans les forêts profondes, le braconnage et l’exploitation humaine des terres contribuent à ce phénomène. «Scientifiquement, il est prouvé qu’il y a plus d’éléphants qu’avant», ajoute-t-elle.
Des solutions, comme l’installation de clôtures électriques, sont en cours d’expérimentation. Ces dispositifs visent à repousser les éléphants sans leur nuire, en créant une barrière psychologique. Mais les résultats tardent à se faire sentir, laissant les villageois dans une détresse croissante.
Concilier conservation et survie humaine : un défi colossal
Le Gabon porte une responsabilité unique. En tant que gardien de la plus grande population d’éléphants de forêt d’Afrique centrale, le pays joue un rôle clé dans la biodiversité mondiale. Ces animaux, qualifiés de «jardiniers des forêts», participent activement à la régénération des forêts du bassin du Congo, essentielles pour l’absorption de carbone.
Mais cette priorité à la conservation, prônée par le précédent gouvernement, a été remise en question par le président de transition, le général Brice Oligui Nguema. En décembre 2023, il a surpris en déclarant ouvertement soutenir les populations affectées : «Je vous autorise à abattre ces éléphants (…) Je suis un humaniste», a-t-il affirmé, tout en annonçant la libération des personnes emprisonnées pour avoir tué ces animaux en situation de légitime défense.
Cependant, cette déclaration a suscité des interprétations divergentes. «Lorsque le président avait dit abattez-les, il faisait allusion à la légitime défense prévue par la loi», précise Jérémy Mapangou, juriste à l’ONG Conservation Justice.
Vers une solution durable ?
Le ministère de l’Environnement insiste sur la nécessité d’un équilibre entre protection de la faune et bien-être des populations. Aimé Serge Mibambani Ndimba lance un appel à la communauté internationale : «Il faut apporter de l’aide au Gabon pour qu’on n’arrive pas à des situations où les populations se soulèvent et veuillent se faire justice. Sinon, des têtes d’éléphants vont tomber.»
Face à ce défi, une chose est certaine : la coexistence pacifique entre humains et éléphants au Gabon nécessite des mesures urgentes et innovantes, impliquant autant les gouvernements que les communautés locales et les partenaires internationaux.
(Article basé sur un reportage de l’Agence France-Presse)
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