Dans un monde en perpétuel bouleversement, comment agir face à l’imprévisibilité du changement climatique ? Adrien NKoghe-Mba* explore ici une approche inspirée de l’entrepreneuriat : l’effectuation. Ce concept, loin des schémas traditionnels, invite à transformer l’incertitude en moteur d’innovation. À travers des exemples concrets et des idées audacieuses, il propose une réinvention radicale de notre manière d’envisager l’adaptation, où l’action immédiate et la co-création remplacent l’attente de solutions parfaites. Une réflexion essentielle pour réconcilier résilience et créativité face aux défis du XXIe siècle.

L’incertitude n’est pas une limite, mais une invitation à innover et à co-créer des solutions résilientes. Il faut faire avec ce qu’on a aujourd’hui pour bâtir le monde de demain. © GabonReview

 

Dans le vaste champ des défis du XXIe siècle, il y a peu de domaines aussi vertigineux que l’adaptation au changement climatique. Ce n’est pas seulement une question de construire des digues ou de planter des arbres. C’est une réinvention de notre manière d’habiter la planète, une redéfinition de ce que nous entendons par résilience. Mais dans ce chaos apparent, une logique entrepreneuriale méconnue pourrait bien nous offrir une boussole : l’effectuation.

Connaissez-vous ce mot ? Probablement pas, à moins d’être un passionné de théorie entrepreneuriale. L’effectuation, concept développé par Saras Sarasvathy, propose une approche radicalement différente de la planification classique. Imaginez un chef cuisinier : au lieu de choisir un plat et de courir au marché pour chercher tous les ingrédients parfaits, il ouvre son réfrigérateur et commence à cuisiner avec ce qu’il a. L’effectuation, c’est cette philosophie appliquée à des situations incertaines. Plutôt que de chercher à prédire l’avenir ou à planifier méticuleusement, on agit avec ce qui est à portée de main, on mobilise les partenaires disponibles, et on ajuste le tir au fur et à mesure.

Cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ? Pour moi, c’est une métaphore parfaite de ce que devrait être l’adaptation au changement climatique.

Faire avec ce qu’on a

Prenons un exemple simple. Imaginez une ville côtière vulnérable à la montée des eaux. La stratégie traditionnelle consisterait à commander des études détaillées, à élaborer des plans sur 20 ans et à attendre le financement d’une digue « parfaite ». Résultat ? Quand la digue est enfin construite, la mer a déjà changé les règles du jeu.

L’effectuation nous dit : stop. Plutôt que de paralyser l’action en attendant l’idéal, commençons avec ce que nous avons. Peut-être qu’au lieu d’une digue, nous pouvons mobiliser les habitants pour restaurer les mangroves, planter des herbiers marins ou tester des technologies low-cost de barrières flottantes. Ces actions, même imparfaites, nous donneront des données précieuses et du temps pour ajuster nos stratégies.

Co-créer avec les parties prenantes

L’une des idées centrales de l’effectuation est la co-création. Plutôt que de définir une solution de manière descendante, on implique les acteurs locaux pour concevoir quelque chose qui ait du sens sur le terrain. Cela résonne particulièrement avec les politiques climatiques modernes. Prenons l’exemple de Rotterdam, cette ville néerlandaise qui refuse de considérer la montée des eaux comme une menace, mais plutôt comme une opportunité d’innovation. En travaillant avec des urbanistes, des architectes et les habitants, elle a transformé des espaces publics en zones inondables qui servent de réservoirs temporaires d’eau. Ce n’est pas une solution parfaite ni définitive, mais elle répond à une réalité locale tout en créant des opportunités sociales et économiques.

Préférer le contrôle à la prédiction

Dans un monde où le climat est de plus en plus imprévisible, l’obsession des prédictions peut devenir un piège. Combien de projets d’adaptation échouent parce qu’ils reposaient sur des données erronées ou obsolètes ? L’effectuation nous dit de nous concentrer sur ce que nous pouvons contrôler, ici et maintenant. Plutôt que de dépendre de modèles climatiques complexes pour concevoir des solutions rigides, pourquoi ne pas multiplier les micro-expérimentations ? Imaginez une agriculture résiliente qui repose sur la diversification des cultures locales plutôt que sur une monoculture hyper-optimisée pour un climat qui n’existera peut-être plus dans 10 ans.

Apprendre à aimer l’incertitude

L’un des enseignements les plus puissants de l’effectuation est qu’elle transforme l’incertitude en opportunité. Le changement climatique ne suit pas les règles que nous aimerions lui imposer. Les politiques d’adaptation doivent donc embrasser cette incertitude au lieu de la fuir. Au lieu de rêver de solutions définitives, acceptons que l’adaptation sera un processus permanent, une série d’essais et d’erreurs. Et si, au passage, nous pouvons créer des communautés plus soudées, des écosystèmes plus riches et des villes plus vivantes, alors peut-être que l’incertitude n’est pas si effrayante après tout.

Une adaptation entrepreneuriale

L’adaptation au changement climatique est trop souvent présentée comme une tragédie en attente. Mais et si nous changions de récit ? Et si nous la voyions comme une occasion d’innover, de réinventer nos modes de vie et de créer un futur où le chaos ne serait pas une menace, mais un moteur d’action ?

C’est là que l’effectuation peut devenir une philosophie clé. Parce qu’elle nous apprend que nous n’avons pas besoin d’attendre des certitudes pour agir. Parce qu’elle nous rappelle que les solutions les plus durables naissent souvent de l’imperfection et de l’imprévu.

Alors, que ce soit pour protéger nos côtes, réinventer nos villes ou nourrir nos populations dans un monde en mutation, souvenons-nous de cette leçon simple : nous ne pouvons pas tout contrôler, mais nous pouvons toujours avancer. Et parfois, c’est tout ce dont nous avons besoin.

*Directeur général de l’Institut Léon Mba et président de l’association Les Amis de Wawa pour la préservation des forêts du bassin du Congo.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. issiane dit :

    concepte tres interessant,nous dans nos villages ,nous sommes obliges de veiller sur nos champs pour eloigner les elephants de ceux -ci,mais le probleme, c’est que nous sommes d’un certain age et donc enclin aux maladies telles que l’hyper tension arterielle du au manque de sommeil,au risque de paludisme.Mais entre la famine et ces maux ,nous sommes d’agir avec les moyens de bords.

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