Même si l’Union européenne n’enverra pas de mission électorale, la prochaine concertation politique devra traiter de l’amélioration du cadre juridique et institutionnel ainsi que de la prévention des risques de contestation ou de violences.

L’observation électorale facilite l’«évaluation impartiale et indépendante des processus électoraux». Conditionnée par une invitation, elle traduit l’engagement du pays-hôte à respecter les valeurs démocratiques et droits humains. De la part d’un régime réputé autoritaire, le refus d’y recourir augure de desseins peu nobles. © Gabonreview

 

Certains l’avaient espérée. D’autres l’avaient crue automatique. Elle n’aura finalement plus lieu. Selon l’ambassadrice, cheffe de délégation, «il n’y aura pas de mission électorale au Gabon pour les élections 2023». En 2016, la présidentielle avait été marquée par la présence de la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE-UE). A travers un rapport sans concession, elle avait émis des doutes sur la sincérité du scrutin, évoquant des «anomalies évidentes». Entre autres, la MOE-UE avait dénoncé l’opacité du processus, la partialité de l’autorité électorale, la suspension d’internet, «le manque de professionnalisme et de méthodologie de sécurisation (…) du processus de centralisation des résultats», l’absence de «base textuelle» à «la procédure du contentieux», les «activités d’achat de cartes d’électeurs», des lacunes dans le cadre juridique relatif à l’accès à l’information, la mauvaise qualité de l’encre prétendument indélébile…

Des idées sur la table

Comme on pouvait s’y attendre, ce rapport cristallisa l’attention, offrant aux médias internationaux les outils pour une appréciation circonstanciée de la situation. Pour cette seule raison, l’annonce de l’Union européenne en dit long sur le rapport du gouvernement à la question électorale. En vue de parvenir à des élections libres, crédibles et transparentes en 2023, la MOE-UE avait formulé de nombreuses recommandations en 2016. Depuis un peu plus de huit mois, de nombreuses forces sociales lui ont emboîté le pas, mettant leurs idées sur la table. Au nombre de celles-ci, «la reconnaissance légale du rôle de l’observation électorale nationale et internationale». A priori, cette question devrait être débattue durant la concertation annoncée pour compter du 13 du mois en cours. Naturellement, des thématiques sous-jacentes devraient être abordées, notamment la «réduction des niveaux de fraude», l’«atténuation des conflits» et, le «renforcement de la confiance de l’électorat dans le processus électoral».

Même si elle ne constitue pas une garantie de transparence, l’observation électorale facilite l’«évaluation impartiale et indépendante des processus électoraux». Conditionnée par une invitation, elle traduit l’engagement du pays-hôte à respecter les valeurs démocratiques et droits humains. De la part d’un régime réputé autoritaire, le refus d’y recourir augure de desseins peu nobles.  De ce point de vue, deux enjeux majeurs seront au centre de la prochaine concertation politique : d’une part, l’amélioration du cadre juridique et institutionnel, d’autre part, la prévention des risques de contestation ou de violences. Comme l’affirment les signataires du Mémorandum pour la réforme du système électoral, ces assises devront permettre de «clarifier les rôles des acteurs, sécuriser les opérations de vote et de dépouillement puis, garantir la transparence du mécanisme de centralisation des résultats». Autrement, ce serait la porte ouverte aux divisions et «tensions aux conséquences incalculables».

Relier les causes aux effets, établir le lien entre problèmes et acteurs concernés

De l’avis général, la déclaration de Rosário Bento Pais fait craindre un remake du vaudeville de 2016, ravivant le souvenir d’événements à la fois traumatisants et peu glorieux. Outre la mise sur écoute des membres de la MOE-UE, en plus de l’assaut des forces de défense contre le quartier général de Jean Ping, le traitement réservé à la province du Haut-Ogooué alimente les conversations. Pêle-mêle, l’on revient sur le gonflement de sa population, le taux de participation fantaisiste de 99,93% et l’achat des consciences, illustré par une vidéo devenue virale. L’on évoque aussi l’annulation de 21 bureaux de vote dans le 2ème arrondissement de Libreville et le refus d’y ordonner la reprise des opérations électorales conformément aux dispositions légales. Au-delà, l’on glose sur le rôle des institutions, particulièrement la Cour constitutionnelle, accusée tantôt d’avoir rusé avec la procédure, tantôt de s’être arrogée le pouvoir de désigner le président de la République en lieu et place du peuple souverain.

Pour mieux en cerner le sens et la portée, il faut analyser la sortie de Rosário Bento Pais à la lumière des faits sus-énoncés. Si les participants à la prochaine concertation politique veulent annihiler l’effet de découragement induit par l’absence annoncée de la MOE-UE, ils doivent garder à l’esprit les causes de ces dérives : conception patrimoniale du pouvoir d’État, tribalisation de certaines institutions, longévité inexpliquée de nombreux dirigeants, sectarisme partisan et, opacité des procédures. Sans transformer le débat d’idées en querelle de personnes, ils doivent avoir le courage de nommer les choses puis d’inviter les détenteurs de l’autorité publique à moins d’irresponsabilité. Relier les causes aux effets ou établir le lien entre problèmes et acteurs concernés : telle peut être la voie pour inventer des solutions consensuelles et amener certaines personnalités à prendre la mesure des enjeux.

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GR
 

1 Commentaire

  1. Moussavou Ibinga Jean dit :

    Durant cette concertation, l’opposition devra exiger le départ dd Mborantsuo. Cette dame a fait trop de mal a ce pays. Je ne sais pourquoi les dialogueurs d’Angondje n’avaient pas posé son cas. Il faut en faire un préalable à la tenue de toute élection au Gabon

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