Présidentielle 2023 : Le PDG face au casse-tête Ali Bongo
S’il a récemment affirmé être «en bonne santé», le candidat putatif du Parti démocratique gabonais (PDG) pourrait devenir une difficulté pour les siens. Pour éviter un contentieux pré-électoral, ses soutiens doivent avoir le courage de l’interroger sur son état réel.
Elle n’est pas encore officielle, mais sa recevabilité suscite déjà la controverse. À quelques mois de la présidentielle, la candidature d’Ali Bongo déchaîne les passions. S’il a lui-même récemment affirmé être «en bonne santé», nombre de Gabonais doutent de ses capacités physiques et cognitives, comme en témoignent les parodies diffusées sur les réseaux sociaux. Si certains ne se prononcent pas par pudeur ou peur de devoir en répondre, d’autres n’hésitent plus à étaler leur incrédulité, quitte à recourir à un humour douteux. Pendant ce temps, le Parti démocratique gabonais (PDG) feint de ne rien voir et de ne rien entendre. Visiblement gêné aux entournures, il se mure dans un silence assourdissant. Comme tétanisés à la seule évocation de cette question, ses cadres préfèrent s’affairer à autre chose, faisant comme si tout était déjà consommé.
Se soumettre à une expertise médicale
Pourtant, la loi spéciale sur l’élection du président de la République le prescrit : tout dossier de candidature doit comporter «un certificat médical datant de moins de trois mois établi par une commission médicale (dédiée)». Autrement dit, Ali Bongo devra se soumettre à une expertise médicale. Conformément au protocole des présidentielles antérieures, il devra passer un examen somatique complet, c’est-à-dire un électrocardiogramme, un électroencéphalogramme, une radiographie pulmonaire et un bilan biologique comportant un hémogramme, le dosage des lipides, du cholestérol et des triglycérides, une glycémie, une azotémie, une leucémie et des sérologies syphilitiques et rétrovirales. Candidat en 2009 et 2016, il s’était plié à cette exigence, s’autorisant même à médiatiser son passage. Pourra-t-il s’y soustraire ou le faire en catimini sans légitimer la suspicion ? Loin de tout voyeurisme, nul ne peut l’affirmer.
S’il rechigne à jouer le jeu ou s’il fait montre de moins d’enthousiasme cette fois-ci, Ali Bongo deviendra un casse-tête, une difficulté supplémentaire pour le PDG. Dans cette hypothèse, il contribuera à l’élargissement du fossé entre gouvernants et gouvernés. Par ricochet, il entraînera les institutions, y compris l’Ordre des médecins, dans les abysses du discrédit. Après tout, pendant près de deux ans, le collectif Appel à Agir a multiplié les démarches aux fins de faire la lumière sur l’état de santé du président de la République. Ni le gouvernement ni le Parlement ni la Cour constitutionnelle n’entendirent ses prétentions. Encore moins la justice. Bien au contraire. Tordant le cou à toutes les procédures, la Cour de cassation rejeta sa demande, s’autorisant même un curieux bras de fer avec la Cour d’appel. Comme on peut le subodorer, l’attitude du candidat putatif du PDG sera analysée à l’aune de ces événements de fraîche date.
La religion de l’opinion est faite
Certes, le PDG feint l’assurance, étalant des certitudes aux confins de l’arrogance. Certes, l’Ordre des médecins n’est pas directement concerné. Certes, le Centre gabonais des élections (CGE) et la Cour constitutionnelle peuvent toujours arguer de leur incompétence sur les questions médicales. Mais tout ceci ne pourra jamais convaincre de leur sincérité voire de leur honnêteté intellectuelle. Sur le fondement des images d’un Ali Bongo vacillant sur perron de l’Élysée, se déplaçant avec peine à Londres et de son lapsus sur ses «cinq années d’absence», la religion de l’opinion est faite. «Un chef ne doit pas faire pitié. Beaucoup d’entre nous le pensent : vous n’avez plus les capacités physiques pour diriger notre pays», lui écrivait, en octobre 2022, l’auteur de polars Janis Otsiemi.
Lors des deux dernières présidentielles, la validation de la candidature d’Ali Bongo fut précédée d’un contentieux pré-électoral. En 2009 et davantage en 2016, l’authenticité de son acte de naissance fut mise en doute, donnant lieu à un déballage peu honorant. Mairie du 3ème arrondissement de Libreville, mairie centrale de Brazzaville, Centre d’archives de Nantes et même paroisse Saint Jérôme d’Akiéni, toutes ces entités émirent des documents sans parvenir à faire baisser la tension. Cette fois-ci, le débat pourrait ne pas avoir une portée administrative mais personnelle. Pour ne pas en arriver là, le PDG doit faire montre de courage. En interne et sans langue de bois, ses dirigeants doivent interroger leur champion sur son état réel. Même s’ils ne l’admettront jamais, ils ont jusque-là fait l’impasse de cette discussion. A quelques encablures de la date fatidique, peuvent-ils avancer ainsi ? Sauf s’ils ne redoutent pas de compromettre les institutions ou de parasiter la campagne par une querelle oiseuse, ils feraient mieux de se poser la question.
6 Commentaires
Un texte majeur, comme dirait un de mes amis qui est à la Hac aujourd’hui
Gabonreview,je l’ai toujours dit, vous êtes les meilleurs. Merci pour votre professionnalisme, merci pour votre audace et merci d’exister.
«Un chef ne doit pas faire pitié…… »
Après avoir suivi le documentaire sur le politicien Italien ALDO MORO, je comprends mieux combien de fois la politique est cruelle, sans cœur et sans âme.
L’amitié ne compte pas, la famille n’a pas d’importance, seul la stabilité du pays compte.
Le PDG semble être dans la même logique.
Mais, l’Humanisme nous rattrape toujours, comme actuellement en FRANCE avec le décès du jeune Nahel à Nanterre.
Combien de personnes faisant parti du PDG ou supporters d’ABO font semblant de ne rien, ne rien entendre? ceci pour une ou des raisons plus ou moins inavouable(s), surtout par intérêt, raison(s) qui leur est (ou sont) personnelle(s)?. ils sont très nombreux mais ne voudront JAMAIS L’admettre publiquement. Tout le monde sait q’ABO a un très grave problème de santé, c’est un secrêt de polichinel La famille (ou clan) BONGO croit que le GABON est une propriété privée, un hérritage, leur appartient; il faut être aveugle pour ne pas s’en rendre compte. Avez-vous vu un fou dire qu’il est fou? Non jamais. C’est le cas de certains dirigeants de ce monde. Ils se figurent que le peuple, le monde les considère comme des Dieux, comme le messi.
Bonjour la bantoue Roxanne BOUENGUIDI,
Vous avez présenté un article le 27 juin 2023. Vous l’avez intitulé : « Elections générales d’août prochain: un bond dans l’inconnu ».
Je vous aurai suggéré de l’intituler « Elections générales d’août prochain: UN BOND AVEC UNE INCONNUE ».
Cette inconnue est le Président sortant et sa santé chancelante. Donc l’inconnue est déterminée dans cette équation électrorale. Comme d’habitude les abonnés du PDG (parti des loosers) font l’autruche. Personne ne veut se rendre à l’évidence (circulez, il n’y a rien à voir!) puisque chacun pense à préserver son « petit » portefeuille, sa popote.
Le cynisme est d’ailleurs porté à sa paroxysme lors d’un certain téléthon visant à réunir la somme de 10000000 Fcfa pour inciter Monsieur le Président sortant à se représenter. Nous donnons le spectacle d’un pays qui n’a plus de repères, vidé de sa substance. Le Gabon est devenu le théâtre d’expériences absurdes comme par exemple « externaliser » la gestion des forêts, des eaux (etc.) à un natif de Manchester. Une vraie dessinée. On a fait mieux que RG.
De plus lorsqu’un Président dit explicitement que Messieurs les présidents J. Biden (USA), X. Jinping (RPC) et E. Macron (France) peuvent attester de sa santé cognitive, une fois de plus il se trompe (c’est de l’enfumage). Seuls des examens médicaux rigoureux permettent d’établir l’état de santé d’une personne. Quelle qu’elle soit, elle doit s’y soumettre. Pire que que son état de santé, c’est la gestion globale du pays depuis 14 ans qui est le point d’orgue. Il y a un malaise sociale (le désarroi gagne les populations), un problème de gouvernance (usage d’un pouvoir discrétionnaire abusif), une destruction des capitaux et des valeurs du Gabon, etc.
Monsieur Abslow a élaboré un discours sur le retrait de la vie politique du Président sortant. Il devrait peut-être songé à le lire. Il est temps de passer la main. Une alternance pacifique est préférable dans ce cas-là. On me retorquera que l’alternance n’est pas écrite dans la Constitution. Mais celui qui l’a pensé est un « cerf-volant » (cerveau lent).
Se rappeler de ce vieux proverbe français: « Pierre qui roule n’amasse pas mousse ». Elle renvoie à une réalité précise selon laquelle une vie insouciante et instable ne permet pas la construction d’un patrimoine consistant. Pour finir, j’aimerai citer une pensée de Rudyard Kipling (1865-1936, Prix Nobel de littérature en 1907 et auteur du Livre de la jungle entre autres).
« … Si tu peux … perdre en un seul coup le gain de cent parties, sans un geste et sans un soupir,… si tu sais méditer, observer et connaître sans jamais devenir sceptique ou destructeur, … si tu sais être bon, si tu sais sage , sans jamais être moral ni pédant,… ALORS TU SERAS UN HOMME, MON FILS »
Mes salutations.
Rectificatifs et précisions.
(1) Une vraie dessinée = une vraie bande dessinée;
(2) RG = Rémi Georges (1907-1983) est le créateur de Tintin. Je compare Monsieur Lee White à Tintin. Lisez la BD « Tintin au Congo », vous verrez que cette comparaison n’est pas inappropriée;
(3) … si tu sais sage = si tu sais être sage…
Merci de votre compréhension.