Durant les deux mandats d’Ali Bongo, Alain-Claude Billié-By-Nze s’est démené pour apparaître comme un ténor, justifiant tout et rien. N’empêche, le comportement de certains habitants de Mitzic, comme la réponse du délégué spécial de la commune d’Oyem, posent problème.

Vieux baroudeur de la vie politique, Billié-By-Nze n’en demande pourtant pas tant. Mais, il doit s’en délecter. Il doit ricaner de voir ses adversaires d’hier reproduire des stratagèmes naguère dénoncés par eux-mêmes. À la fin des fins, il doit se satisfaire de cette publicité gratuite. © GabonReview

 

Droits consacrés par la Constitution, les libertés de réunion et d’expression sont des principes fondamentaux en démocratie. En tout temps et en tout lieu, elles doivent être promues et respectées. Sous aucun prétexte, elles ne peuvent être malmenées ou niées. Pour leur bonne application, il faut rechercher le juste milieu entre l’esprit et la lettre, la loi et le droit, l’ordre public et les bonnes mœurs, la déontologie et l’éthique. Ni le juridisme le plus étroit ni les considérations politiciennes ne doivent guider la décision. En cette période particulière, ne pas le comprendre reviendrait à dévoyer la Transition, à l’emmener sur les traces du régime déchu voire à lui assigner des objectifs nouveaux. En clair, cela équivaudrait non pas à œuvrer à la «restauration des institutions», mais à se livrer à une contreproductive vengeance. Est-ce l’objectif ? 0n n’ose le croire. Pourquoi alors se complaire dans des comparaisons et rappels historiques hasardeux, comme on peut le lire çà et là ?

Ce kounabélisme tant décrié

Certes, Alain-Claude Billié-By-Nze est un cadre du régime déchu. Certes, durant les deux mandats d’Ali Bongo, il s’est démené pour apparaître comme un ténor, justifiant tout et rien, y compris les décisions les plus liberticides. Ses bravades, foucades et formules tout à trac hantent encore les esprits. Moralement blâmable, sa posture relevait alors non pas du combat politique, mais de la lutte de positionnement. Politiquement attaquable, elle relevait non pas du débat d’idées, mais d’une forme de «servitude volontaire», selon la notion forgée par Etienne de La Boétie. Dès lors, les récriminations à son encontre peuvent se comprendre. Tout comme la tentation de lui appliquer la réciprocité ou de lui montrer les dérives induites par la lettre de lois formulées par les gouvernements auxquels il a appartenu. N’empêche, le comportement de certains habitants de Mitzic, comme la réponse du délégué spécial de la commune d’Oyem, posent problème. Du point de vue des principes démocratiques, tout cela reste discutable.

Jouissant de ses droits civils et politiques, le dernier Premier ministre d’Ali Bongo est chez lui sur l’ensemble du territoire national. Dans le Woleu-Ntem comme dans l’Ogooué-Ivindo, dans l’Estuaire comme dans le Haut-Ogooué, il a le droit d’organiser des réunions. Il est fondé à s’adresser aux populations. Faut-il l’inviter à se conformer à la loi ? Certes. Mais, en plusieurs points, la loi n° 001/2017 du 03 août 2017 s’affranchit des principes démocratiques. Comme nous l’écrivions au lendemain de son adoption, elle ressemble à une «camisole de force», conçue pour brider l’activité politique et rétrécir l’espace civique. Cadre de l’ancienne opposition, Jean-Christophe Owono Nguéma le sait. Dans un passé récent, il a proclamé son opposition à ce texte. Pourquoi s’arc-boute-t-il aujourd’hui contre des dispositions jugées scélérates par lui-même ? Par légalisme ? Quand on connait l’homme, promoteur d’un projet d’aménagement urbain dénommé «Oliguiville», on y voit une manœuvre politicienne, une manifestation de ce kounabélisme tant décrié.

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À vouloir empêcher Alain-Claude Billiié-By-Nze de se déployer, on l’installe dans la posture de victime. On accrédite l’idée selon laquelle le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) cherche à le bâillonner. On crédibilise la thèse selon laquelle son discours fait mouche. Vieux baroudeur de la vie politique, il n’en demande pourtant pas tant. Mais, il doit s’en délecter. Il doit ricaner de voir ses adversaires d’hier reproduire des stratagèmes naguère dénoncés par eux-mêmes. À la fin des fins, il doit se satisfaire de cette publicité gratuite et de cette propension à le présenter comme un leader d’envergure, un challenger de taille. Pourtant, il aurait été plus simple de le laisser tenir ses réunions, le peuple étant assez mâture pour se faire son jugement.

Au moment où nous publions ce texte, la polémique enflait. Pour ne pas encourager des propos divisionnistes ou pratiques attentatoires aux libertés, il faut rappeler les principes et envoyer un message de fermeté. Au lieu de renvoyer Alain-Claude Billié-By-Nze à ses outrances passées ou de pinailler sur la lettre d’une loi controversée, il faut le redire : aucune société ne s’est construite sur le ressentiment et des lois sur-mesure. En revanche, avant de songer aux réformes institutionnelles, toutes les sociétés ayant fait face à des exactions sont passées par trois étapes :  établissement de la vérité, procès équitables et, réparations. Et si la justice transitionnelle était finalement la réponse à ces dérives ?

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Serge Makaya dit :

    Moi je VOIS L’Archevêque ( PATRICK IBA-BA) être Président du Gabon pour 7 ans. Il fera MIEUX que tous ces hypocrites. A Ntare Nzame!!!

  2. Cyr tiburce MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. le juste milieu tant recherché ne sera jamais atteint. Pour une raison simple les principaux protagonistes au strapontin présidentiel sont naturellement divisionnistes. A l’image de ce que renvoi les rebelles de Mitzic  » ici c’est chez nous… ».

    l’onde de choc opérée par le coup du 30 aout 2023 avec comme leitmotiv la restauration des institutions et donc la moralisation de la vie politique à gabao s’étiole à la caricature d’une vague dont l’intensité diminue au fur et à mesure qu’elle touche la rive.

    Sinon, comment comprendre et admettre qu’au fait de la loi n° 001/2017 du 03 août 2017 le dernier premier ministre de l’ancien PR est voulu braver l’étape d’Oyem et mitzic si étant qu’il savait effective l’irrégularité de sa démarche ?

    Il s’agit ici de dire que l’autorité militaire couplé à une durée aussi courte de la transition devrait plutôt produire la peur de reproduire des stéréotypes d’avant et après présidentielle chaotique que le pays à connu par le passé.

    Nous nous apprêtons à peine à prendre le bateau « élection présidentielle »(12 avril 2025) que le bateau tangue déjà avant d’avoir engagé la mer. D’ici fin mars 2025 beaucoup vont plonger dans les eaux du como(c’est dommage).

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