Quand les questions identitaires s’invitent dans le débat politique, l’intolérance, la déflagration et la déconstruction de la société ne sont plus loin. Un rappel à l’ordre n’est-il pas nécessaire ?

Quand les questions identitaires s’invitent dans le débat politique, l’intolérance, la déflagration et la déconstruction de la société ne sont plus loin [Montage à titre purement illustratif]. © GabonReview

 

L’Alliance des anciens élus Mèriè de l’Ogooué-Martime veut «affirmer l’identité Mèriè« , «assumer pleinement le leadership politique de sa communauté», «œuvrer à une juste et équitable répartition des responsabilités politiques», «promouvoir les valeurs de solidarité, de cohésion, d’éthique et de vivre-ensemble» et, «apporter un soutien multiforme à ses membres, candidats aux prochaines élections législatives et locales» (Lire «anciens élus Mériés-Métiés pour peser dans le débat national»). Eu égard à l’actualité récente, personne n’aura l’outrecuidance de blâmer Jean-Philippe Doukagha et ses amis. Comme l’association des Ekang du Gabon, l’association «Meke Me Noma», l’association «Kumba Y’Inongo Guwamani», ils disent s’inscrire dans la promotion de la tradition. La Constitution ayant consacré l’«attachement (du peuple gabonais) à ses valeurs (…) traditionnelles, à son patrimoine culturel, matériel et spirituel et à ses langues nationales», tout le monde s’accommode de telles initiatives. Pourtant, cette exaltation de l’identité, cette «restauration du communautarisme» soulève de nombreuses questions. Pourquoi chacun doit faire cause commune avec les siens, avec ses parents et affiliés ? Pourquoi, chacun doit défendre son clocher, son origine ? Est-ce légitime ? Peut-être. Mais, est-ce conforme aux principes républicains ? Voire…

Des méthodes d’un autre âge

Si de telles structures doivent avoir pignon sur rue, c’est à des fins strictement culturelles. Pour peser sur la vie publique, elles doivent reposer sur les valeurs et principes de la République et non sur le reflexe communautaire. Au-delà, elles doivent se garder d’induire une malsaine compétition entre ethnies. On ne soutient pas un candidat en raison de son origine ou de son appartenance ethnique. On le soutient pour ses idées et sa vision du pays, de notre destinée commune. Si les Mèriè soutiennent les Mèriè et Mètiè, les Fang défendront les Fang, les Myènè les Myènè. Qu’adviendra-t-il ensuite de la République, de ses valeurs et du vivre-ensemble ? Distinguer les candidats aux législatives et locales sur la base de l’ethnie, revient à s’opposer à la construction de la nation. C’est aussi œuvrer à la naissance d’une ethnocratie. Est-ce l’objectif ? On sait où mène l’instrumentalisation du fait ethnique à des fins politiques.

Certes, depuis au moins l’instauration du parti unique, les «équilibres ethniques, géographiques et provinciaux » sous-tendent la répartition des rôles et fonctions politiques. Certes, Omar Bongo Ondimba s’est maintenu et a pu rallier des élites avec cette pratique, improprement baptisée «géopolitique». Mais pourquoi faire sienne une conception antirépublicaine, mille fois dénoncée ? Pourquoi recycler des méthodes d’un autre âge, sentant bon la naphtaline ? Pour occuper une «chambre dans la maison du père» ? Ou pour privilégier «le mérite et la responsabilité» ? Si chacun a le droit de revendiquer sa juste place, ça ne doit pas se faire au nom d’une communauté, mais des idées. Autrement, on est aux antipodes de cette méritocratie vantée par Jean-Philippe Doukagha, avec le risque de se retrouver dans une kakistocratie.

Maîtres-chanteurs et vils tribalistes

L’attitude des anciens élus Mèriè de l’Ogooué-Maritime dénote d’une mauvaise compréhension des fondements de notre État et de sa nature.  «La République gabonaise est une, indivisible, laïque, démocratique et sociale», proclame notre Constitution. Cela emporte des conséquences. D’abord, le caractère unitaire de l’État : sur son territoire, il est constitué d’une seule organisation juridique et politique détenant l’ensemble des attributs de la souveraineté. Ensuite, l’uniformité du droit : les lois s’appliquent de la même manière et indistinctement sur l’ensemble du territoire et aucune dérogation n’est possible. Enfin et surtout, l’unité du peuple : élément constitutif de la nation, détenteur de la souveraineté, il forme une communauté. Au Gabon, l’unicité du peule renvoie à l’égalité des citoyens, la première permettant d’atteindre la seconde. Ainsi, les groupes d’individus liés par des intérêts communautaires ou ethniques ne peuvent prétendre jouir d’une reconnaissance dans l’arène politique. Encore moins, y jouer un quelconque rôle.

Peu importe sa justification, l’initiative des «anciens élus Mèriè de l’Ogooué-Martime» est dangereuse. Révélatrice d’un curieux particularisme, elle est annonciatrice de revendications identitaires. Jean-Philippe Doukagha et ses amis se disent victimes de «marginalisation». Ils entendent poser les «problèmes spécifiques à (leur) communauté». Peut-on les entendre quand ils reconnaissent eux-mêmes avoir déjà été élus ? Peut-on les laisser faire quand ils disent eux-mêmes avoir déjà été parlementaires ou dirigeants de collectivités locales ?  Sans s’en rendre compte, ils ruinent leur discours, apparaissant en maîtres-chanteurs et en vils tribalistes prêts à tout pour faire rayonner leur identité en terre marigovéeenne. Or, quand les questions identitaires s’invitent dans le débat politique, l’intolérance, la déflagration et la déconstruction de la société ne sont plus loin. Un rappel à l’ordre n’est-il pas nécessaire ?

 
GR
 

5 Commentaires

  1. Rapha dit :

    La réalité est que l’homme gabonais est resté immature, les nombreuses années d’études ni peuvent rien. Retenez que notre cerveau est le même que celui de l’homme blanc, quand je vois ce que je vois, quand j’entends ce que j’entends, les bras m’en tombent. Comment s’entêter à appeler à la candidature de quelqu’un, lorsque vous voyez que tout a été fait pour qu’il le soit, le dialogue national inclusif, pipeau, la constitution taillée sur mesure, pipeau, le code électoral bidon, pipeau, et j’en passe. Le repli identitaire vient couronner le tout. Ce type va se présenter. Pour l’en dissuader, il faut savoir que d’autres putchistes regardent. S’il réussit son Hold-up, ils diront pourquoi lui et pas nous. Union Africaine devra désavouer le putchiste du ctri. Wait and sée.

  2. Biswe dit :

    Merci Roxanne, akiba abuign!!!!

  3. Jhibet dit :

    Bjr à tous et à toutes,
    Personnellement je pense qu’ il faut voir la diversité comme une richesse et rechercher l’unité dans la diversité : ainsi va le monde pour ne pas dire la Création.Regardez ce qui se passe ailleurs… Dans le même pays il y a les Bretons, les Normands,les Picards, les Auvergnats, les Alsaciens… et mêmes les Corses ne font ils pas partie d’une même République ? Et les mariages mixtes dont certains avaient peur hier ne contribuent pas t-ils à la création de cette unité nationale que nous recherchons tous. Une Nation se forge progressivement et elle n’est pas une création statique selon la vision de certains!
    C’était ma contribution,merci et salutations!

  4. messowomekewo dit :

    Ce qui me semble tout aussi blâmable, c’est le fait que Gabon première relaie une telle actualité, qui plus est, à une heure de grande écoute. La télévision nationale doit être un outil qui doit favoriser l’enracinement ainsi que l’affermissement des valeurs républicaines tout en œuvrant autant que possible, pour parfaire notre vivre ensemble.

  5. Yann Levy Boussougou-Bouassa dit :

    Les « vénérables du sommet » ont remis au goût du jour la question des particularités ethniques et culturelles avec encore beaucoup plus de maladresse que le Président Omar Bongo. Les conséquences inévitables sont ces revendications communautaristes méphitiques.

    On a dénoncé une République aux mains des métèques pour trouver des coupables à la situation chaotique du pays (oubliant la responsabilité des naturels du pays); on a dit que les « sang-mêlés » n’avaient aucune allégeance à l’égard du Gabon, leur niant, dans un premier temps, le droit d’occuper la magistrature suprême ; on nous a expliqué qu’une personne originaire du sud n’est pas chez elle à Libreville… Bref. On est en train de faire une éducation politique des gabonais basée sur le repli identitaire et le rejet d’autrui. La communication des dirigeants actuels est très scabreuse. La cohésion, en conséquence, fissure par incrémentation. Et chose très surprenante est que personne au sein du régime ne semble réaliser cela. Nous sommes tous des êtres humains doués de raison et d’amour pour le Gabon ou non ?

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