Poste SA : après l’éviction de Ndama, la descente aux enfers ?

Présenté comme le principal responsable des déboires financiers de la Poste SA, Éric Reynard Ndama a été écarté puis incarcéré, tout comme sa directrice des affaires financières. Pourtant, depuis leur départ, la situation de l’entreprise publique ne s’est pas améliorée. Bien au contraire. Augmentation artificielle de la masse salariale, recrutement opaque de stagiaires mieux rémunérés que des agents expérimentés, chute drastique des recettes et perte des acquis sociaux… La gestion actuelle suscite de vives inquiétudes et pose de sérieuses questions sur les réelles intentions de la tutelle.

Loin d’être sauvée, la Poste SA semble aujourd’hui en péril. © D.R.
Le 2 décembre 2024, le PDG de la Poste SA, Éric Reynard Ndama, et sa directrice des affaires financières, Laurence Mboungadi, sont arrêtés pour des soupçons de détournement de fonds. Cette action spectaculaire est intervenue dans un climat de tension marqué par la suspension de plusieurs cadres. Pourtant, trois mois plus tard, seul le duo dirigeant est poursuivi. Une décision qui suscite des remous en interne : nombreux sont ceux qui crient à la cabale, rappelant que les difficultés de la Poste ne datent pas de l’ère Ndama.
Depuis le changement de direction, la masse salariale de la Poste SA est passée de 479 millions à 635 millions de FCFA en quelques semaines. Comment expliquer une telle inflation ? Des primes exceptionnelles, des sursalaires et des contrats bien au-delà des standards habituels auraient été attribués à une poignée de cadres et à… des stagiaires. Selon des témoignages internes, certains de ces derniers toucheraient plus que des agents ayant plus de dix ans d’ancienneté. Ces recrutements – 23 au total entre novembre et décembre 2024 – posent problème, tant sur le fond que sur la forme. Leur financement devait provenir d’une enveloppe spéciale de 5 à 6 millions FCFA mise de côté par l’équipe précédente. Enveloppe qui aurait mystérieusement disparu.
Des recettes en chute libre, une transparence absente
Alors que les recettes mensuelles de la Poste avoisinaient les 60 à 100 millions de FCFA en moyenne par mois sous la précédente direction, elles peinent aujourd’hui à dépasser les 5 millions. Un effondrement inexpliqué, accentué par le manque de communication de la Direction générale. Les employés, désormais dans l’ignorance totale de la gestion des comptes bancaires, s’interrogent : pourquoi exclure systématiquement certains responsables de tout regard sur les flux financiers ? Pourquoi centraliser les fonds à la Direction financière, sans rendre compte ni au personnel ni aux organes sociaux de l’entreprise ?
L’un des indicateurs les plus alarmants de cette gestion est la disparition progressive des acquis sociaux. L’assurance santé, essentielle pour nombre d’agents, n’est plus fonctionnelle. Les salaires sont payés en retard, sans visibilité, et aucune explication officielle ne vient apaiser les tensions. Dans ce contexte, la dignité des travailleurs est bafouée, et leur quotidien gravement affecté.
Un front syndical qui se renforce
Face à cette dérive, les syndicats n’entendent pas rester silencieux. Un préavis de grève est déposé, avec pour revendication majeure : le départ immédiat de la Direction générale et de ses alliés. Pour beaucoup, il est urgent de rompre avec une gouvernance jugée opaque, arbitraire et destructrice. «Si nous ne faisons rien maintenant, nous allons finir sans salaire ni protection sociale», confie un agent mobilisé.
Ironie du sort, c’est au moment où l’on découvre les effets délétères de la nouvelle gestion que se pose la question : Ndama était-il véritablement le problème ? Plusieurs employés saluent aujourd’hui les réformes qu’il avait engagées et regrettent une mise en cause prématurée. Certains pointent même une instrumentalisation judiciaire visant à faire place nette pour d’autres intérêts.
Loin d’être sauvée, la Poste SA semble aujourd’hui en péril. Si les accusations contre l’ex-PDG doivent suivre leur cours judiciaire, il serait irresponsable d’ignorer les défaillances actuelles. Entre favoritisme, opacité financière et démolition sociale, l’avenir de cette entreprise publique ne peut se construire sur l’oubli des faits et l’impunité. Il est temps d’ouvrir les yeux : la vraie faillite est peut-être ailleurs.

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