Dans un Gabon post-électoral où le silence des vaincus est souvent synonyme de ralliement quand ils ne le laissent pas clairement entrevoir, Alain-Claude Bilie-By-Nze campe sur la rupture. Deuxième à la présidentielle du 12 avril 2025, il dégaine une parole tranchante, revendique un projet politique de fond, et balaie les accusations de connivence avec le pouvoir. Dans un entretien sans filtre avec Georges Dougueli de Jeune Afrique, l’ancien Premier ministre se dévoile en opposant intransigeant, porteur d’un avenir alternatif pour un pays qu’il juge pris en otage par une fausse transition.

Alain-Claude Bilie-By-Nze : «Je n’ai passé aucun deal avec personne.». […] Quelqu’un … s’est attribué un score soviétique, faisant entrer le Gabon dans le club fermé des républiques bananières.» © Reuters/Luc Gnago/Jeune Afrique

 

Dans la sobriété de sa résidence d’Angondjé, Alain-Claude Bilie-By-Nze a reçu, deux jours après l’élection présidentielle du 12 avril 2025, l’envoyé spécial à Libreville du média panafricain Jeune Afrique : Georges Dougueli. Le visage, selon le journaliste, est marqué par l’insomnie, mais la voix est d’une acuité intacte, presque tranchante.

Un scrutin verrouillé et une parole sans concession

L’ancien Premier ministre, arrivé deuxième dans une course dominée outrageusement par Brice Clotaire Oligui Nguema, refuse de courber l’échine. Il n’a pas de mots assez durs pour qualifier un scrutin dont il rejette autant les conditions que les résultats. Il ne félicitera pas un homme qui, dit-il, «a verrouillé la Constitution, la loi électorale et tout l’appareil d’État à son profit». À ses yeux, le Gabon vient de faire son entrée dans «le club fermé des républiques bananières». Et de conclure d’un trait de plume noir : «Je ne peux féliciter quelqu’un dont on sait bien que le résultat n’a pas été obtenu à la régulière. Il a gagné, tant mieux pour lui. Je lui souhaite bonne chance

Mais derrière cette façade de défaite apparente, Bilie-By-Nze revendique une victoire d’un autre ordre : «Cette élection est une victoire politique pour moi. J’ai pu partager un projet politique alternatif et crédible, construit avec les Gabonais.» Il dit avoir reçu de nombreux messages de soutien, y compris du camp adverse, où certains confiaient qu’ils adhéraient à son programme sans pouvoir le rejoindre «par crainte de représailles». Pour lui, les idées semées finiront par l’emporter : «Le temps viendra où les idées que nous avons portées seront majoritaires.»

Une ligne de rupture assumée

Face aux rumeurs de deal secret avec le général-président, Bilie-By-Nze se montre catégorique : «Je n’ai passé d’accord avec personne. Aucun.» Sa campagne n’était pas une caution démocratique, mais un acte de vérité : faire connaître «une pensée politique, sociale, économique et géopolitique» mûrie depuis des années. Et surtout, briser son image d’ancien PDGiste : «Je voulais que les Gabonais me découvrent tel que je suis.» Loin des compromis et des calculs, il rejette d’un revers de main l’idée d’entrer dans un quelconque gouvernement. «je vais me poser en vigie et je serai totalement intransigeant car les attentes des Gabonais sont importantes à tous les niveaux, notamment sur la réforme de l’État et la pratique politique. Ceux qui me connaissent le savent, je ne leur ferai aucun cadeau parce que c’est un système qui a usé de démagogie lors de cette campagne», promet-il.

Son diagnostic est tranchant : «Ils ont promis la lune en sachant très bien qu’ils n’en auront pas les moyens.» Les finances sont exsangues, l’économie à la dérive, le pétrole ne suffit plus, et le pouvoir, dit-il, va devoir affronter la réalité. «Maintenant, il va falloir gouverner et là, face aux réalités, le plus dur va commencer.» Il pointe aussi la continuité masquée derrière les habits neufs du CTRI :  «Il s’est entouré de tous les anciens qui ont accompagné Omar Bongo, puis Ali Bongo. En réalité, il s’est entouré du PDG et de tous les partis politiques.» Et pourtant, malgré cette armada, il rappelle avoir affronté seul, «l’État, une centaine de partis, mille associations», et fait entendre une autre voix, celle de la rupture.

Un projet pour demain et un avenir déjà en marche

Son programme, souvent ignoré dans le vacarme électoral, misait sur des axes clairs : réforme économique, révision des relations avec la France, minima sociaux pour les jeunes et les aînés, et revenu universel garanti. Des propositions audacieuses pour un Gabon encore largement gouverné à coups de slogans. Pour Bilie-By-Nze, cette présidentielle n’était qu’un début. Il prépare déjà les prochaines échéances : législatives, locales, et surtout la transformation de sa plateforme Ensemble pour le Gabon en véritable parti politique. «Nous y sommes allés au culot», dit-il, aujourd’hui «je reçois de nombreux messages du pays et de la diaspora.»

Enfin, à ceux qui continuent de le renvoyer à sa proximité passée avec les Bongo, il oppose une rupture définitive : «Je n’ai pas été le candidat des Bongo. J’y suis allé en mon nom. Pour moi, il y aura un avant et un après 12 avril. La page des Bongo et du PDG est définitivement tournée avec cette élection. À partir de maintenant, je suis Alain-Claude Billie-By-Nze, un homme politique portant un projet pour le Gabon.»

Un homme libre, sans parti, sans maître, mais avec un cap. Et une mission.

 
GR
 

12 Commentaires

  1. Gayo dit :

    Arrête un peu, ACBBN, avec ta mauvaise foi. Ce scrutin a été nettement plus transparent que tous ceux organisés sous Ali Bongo, que tu défendais pourtant en dépit des fraudes massives.

    Non, le Gabon est en train de sortir progressivement de la République bananière que vous avez contribué à installer, un système dont l’apogée fut une élection organisée avec un bulletin inique, en violation flagrante du principe fondamental de séparation des pouvoirs, sans observateurs internationaux, ni médias étrangers… une mise en scène taillée sur mesure pour masquer la fraude.

    C’est cela, votre modèle de République bananière. Alors, épargne-nous tes leçons de démocratie : tu n’as de leçons à donner à personne. Et on pourra refaire cette élection 10 000 fois, on t’élira jamais.

    • Gayo dit :

      Quand on traîne un passé aussi lourd que le vôtre, Monsieur ACBBN, adopter aujourd’hui une posture radicale et intransigeante ne joue pas en votre faveur. Cela ressemble davantage à de la méchanceté gratuite qu’à une exigence de justice, surtout quand on se souvient que vous avez été complice, voire défenseur, d’actes politiques gravissimes relevant parfois de la haute trahison.

      Une telle posture serait sans doute plus cohérente et crédible venant de personnalités comme Yama, qui n’ont jamais été mêlées de près à une gouvernance injuste et oppressive. Chez vous, elle sonne faux, comme une tentative de réécriture de l’histoire.

  2. DesireNGUEMANZONG dit :

    Bonsoir,

    Il faut être clair : Monsieur Alain-Claude Billie-by-Nzé (ACBBN ci-après) ne sera jamais Président de la République gabonaise. C’est bien par cette affirmation que je suis en cheville avec Monsieur Gayo lorsqu’il dit 1000 fois cette élection aurait lieu; 1000 fois il serait battu par son principal adversaire Brice Clotaire Oligui Nguema (BCON par après). BCON ne tripatouille pas. C’est plus un joueur d’échecs qui a dix coups d’avance sur ses adversaires politiques. Et qui a su communiquer une manière de gouverner moins froide que les communicants de l’ancien régime qui ne faisaient pas dans la dentelle par leurs déclarations cyniques. Ce qui me conduit vers un sujet central pour notre « démocratie »: le vote du peuple. Notre Constitution repose sur un principe affirmé : »Le gouvernement du peuple, par le peuple pour le peuple ».

    Voter est un acte civique et libre. On vote pour un candidat; contre un ou plusieurs candidats; ou blanc. Cette élection présidentielle est un succès et nous attendons de Monsieur BCON des réformes profondes pour le pays. Si sa victoire est immense (90.35%), il serait risqué d’affirmer son premier mandat consolidera la « dictature » dans notre pays. Dans ce cas BCON deviendra (lui aussi) un « dictateur cool » comme l’est Nayib Bukele, Président du Salvador, élu à plus de 84% dans son pays dont la politique sécuritaire est félicitée par le
    monde entier. En politique, il faut parfois faire preuve d’humilité.

    Ce n’est pas le cas de Monsieur ACBBN. Il a une haute opinion de lui. Un égo surdimensionné. C’est bien ce défaut que les gabonais.es lui reprochent. Venir
    demander « pardon » aux gabonais.es, demander leur suffrage et ne pas reconnaître la victoire de son adversaire est indubitablement une faute politique. Comme un crachat sur le visage d’un peuple qui a fait un choix contre lui. J’ai affirmé
    sur ce média que Monsieur ACBBN est un politicien d’alcôve (de bureau).
    Son score le traduit bien (moins de 5%). C’est un homme impopulaire. En 1993, Mba Abessolo avait fait 26% (6 fois plus). Même si les résultats de cette
    élections, dit-il, étaient biaisés.

    En conclusion, pour ACBBN, tant que les résultats d’une élection ne lui sont
    pas favorables, il y aura toujours un doute persistant. D’où l’expression qui sied bien dans cette situation : » Tout fait farine au blé de mon moulin ». Des interrogations me viennent à l’esprit:
    1-. Aura t-il le courage de se présenter aux élections législatives,
    sénatoriales et locales à venir?
    2-. Quelle part de l’électorat va t-il capter en supposant une coalition de
    « Ensemble pour le Gabon » et « La République, c’est nous »?
    3-. Si cette coalition ne réussit pas à former un groupe parlementaire, alors
    faut-il croire que les électeurs.trices gabonais.es se soient encore une fois de plus trompé.es?

    « A la fin de l’envoi, je touche » (Cyrabo de Bergerac, Edmond de Rostand).

    • Gayo dit :

      Oui en effet, ACBBN n’a que du mépris pour ces gabonais qui ont choisi Oligui? Il se dit représenter la rupture? Quelle rupture? Celle du PDG qu’il voulait entrainer dans une posture de défiance pour ses propres ambitions? Il reproche à Oligui de travailler avec les mêmes du PDG qu’il voulait entrainer dans son opposition. Ce sont les naïf qui ne voient pas l’incohérence de ce monsieur dont la rupture est encore plus hypothétique. Mais les gabonais ont voté massivement. Généralement lorsqu’on a un taux de participation de moins de 60% ce que les populations ne croient plus à la sincérité des scrutins pour la présidentielle. C’était le cas sous Ali et ACBBN. À plus de 70%, les populations croient au respect de leur votre. ACBBN méprise le fait même que les gabonais se soient réconciliés avec les urnes. Un personage narcissique.

  3. Franck dit :

    ACBBN est un grand homme politique et sera Président du Gabon demain. L’eau sale n’empêche pas les plantes de pousser. Les moqueries des gens sont sa motivation. Nous le soutiendrons. Personne ne sait de quoi demain sera fait.

    • DesireNGUEMANZONG dit :

      Vous faites certainement partie des 3% de l’électorat de Monsieur ACBBN. Par conséquent, vous avez le droit de croire en son avenir politique. Et vous avez raison sur un point précis: »Personne ne sait de quoi demain sera fait ».

      Toutefois en me fondant sur les mathématiques, j’ose peine à croire qu’il deviendra Président de la République gabonaise un jour. Je vous faire simple.

      L’article 43 de la Constitution précise que sont éligibles à la Présidence de la République, tous les Gabonais des deux sexes remplissant les conditions ci-après (notamment) : être âgé.e de 35 au moins et 70 ans au plus.

      Monsieur ACBBN est né en 1967. Il aura 58 ans en septembre 2025. En supposant que Monsieur Brice Clotaire Oligui Nguema (son cadet) fasse deux mandats de sept (7) ans (ce qui est probable), en 2039 Monsieur ACBBN aurait (aura) 72 ans (2039-1967). Il serait, d’après la Constitution non éligible à la Présidence de la République gabonaise. La vérité du piment, disait S.M. Diakité, est préférable à l’hypocrisie du sucre.

      Son seul combat reste la bataille des législatives pour créer les conditions d’une opposition crédible. On mesure le poids d’un homme politique au nombre de parlementaires issu.es de sa formation politique. Demain, Un jour nouveau !!!???

      CQFD.

      Cordialement.

      • Yann Levy Boussougou-Bouassa dit :

        Hmm… faut voir. Le Président Oligui Nguema dit qu’il est possible de changer les choses en 7 ans. S’il ne tenait pas ses promesses, il compromettrait sérieusement ses chances de 2e mandat (dans une élection transparente). ACBBN aurait alors une carte majeure à jouer, s’il maintenait son cap et restait d’une opposition constructive. Comme a chanté ma chanteuse préférée: « And if at first you don’t succeed Then dust yourself off and try again ». Qu’il garde foi en ses idées et son projet.

        Cette campagne était surtout une campagne de notoriété pour ACBBN, la popularité de son adversaire est sans égale aujourd’hui.

        En ce qui concerne la limite d’âge, les dispositions y afférentes ne sont pas intangibles (l’article 169 de notre constitution ne les concerne pas). En conséquence peut être que le Président Oligui Nguema ou un de ses successeurs ou des parlementaires souhaitera plus tard revenir dessus, ouvrant ainsi la voix à des « candidatures séniors ». Seul le temps révèle la vérité.

    • Gayo dit :

      Malheureusement une fraude pouvant faire passer un civile comme ACCBN n’existe pas. Le souvenir de ses discours méprisants et blessants en feront toujours un personage clivant. La posture de radical intransigeant avec ce passé est une imposture que beaucoup ne comprennent pas. Mais il ne peut s’empêcher de regarder le peuple ou ses adversaires haut. Ça pouvait plaire à Ali Bongo d’abord un chien de garde mais les aboiements agacent le peuple.

  4. FAUSTIN NOUGNUI dit :

    Ce sont trop d’éloges au Président élu qui risquent de faire de lui un vrai dictateur s’il ne l’est pas encore. Aider le en lui disant la vérité, vous les conseillers et proches. Ce que nous voulons, c’est un Gabon meilleur.
    Rappelons nous que les Beninois avaient vomi le Président KEREKOU. Quelques années plus tard, il était accueilli en héros.

  5. ACTU dit :

    Laissons lui jouer son role d’opposant !!

    Apres tout c’est le débat démocratique qui s’enrichie..

  6. Cyr tiburce MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. Pourquoi ce Monsieur gène t-il autant les gens, bon DIEU qu’on nous éclair un peu !!! Amen.

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