[Paru sur le Gabon] France-Gabon : Pierre Duro, l’épouvantail qui menace des décennies de partenariat
La visite officielle du président de la transition gabonaise, en mai 2024, en France a pris une connotation inattendue avec la présence controversée de Pierre Duro dans la délégation, selon le média Mondafrique. Le personnage sème l’inquiétude dans les milieux d’affaires. Son influence pourrait bien menacer des décennies de partenariats établis et l’avenir des investissements français dans le pays. En tout cas, la présence de Duro dans la visite présidentielle en France soulève de nombreuses questions. Analyse succincte.
Le voyage officiel, en mai 2024, du général Brice Oligui Nguema en France, premier déplacement européen du nouveau dirigeant gabonais, a suscité l’attention non seulement pour son importance diplomatique, mais aussi pour la composition surprenante de sa délégation. Au cœur de cette controverse se trouve, selon le média Mondafrique, Pierre Duro, un personnage dont la présence dans la délégation officielle gabonaise soulève de graves inquiétudes sur l’avenir des relations économiques franco-gabonaises.
Pierre Duro, acteur controversé au passé trouble, est décrit par Mondafrique comme «un français chargé d’une mission d’évaluation des grands contrats du gouvernement gabonais avec ses partenaires étrangers». Son parcours au Gabon, rien de bien nouveau par rapport à ce qui se sait, remonte aux années 1970, où il est arrivé en tant qu’ingénieur d’Elf. Sous le régime d’Ali Bongo, il avait été nommé chef de la taskforce gabonaise sur le règlement de la dette, avant d’être écarté en octobre 2022 suite à des désaccords avec Noureddin Bongo, fils de l’ancien président. Cette éviction n’était pas sans raison, comme le souligne un homme d’affaires cité par Mondafrique : «Pierre Duro n’était pas une lumière, il a dû partir suite à des désaccords avec le fils d’Ali Bongo, Noureddin Bongo, qui avait la prétention de piloter les appels d’offre du Gabon».
Climat des affaires
La surprise et l’inquiétude viennent de sa réintégration par le général Oligui Nguema, qui l’a chargé de relancer la taskforce sur la dette publique. Comme le souligne Mondafrique : «Malgré les soupçons de corruption et les doutes sur son expertise ayant entaché sa précédente mission en 2022, Monsieur Duro a été remis à la tête de la taskforce sur les dettes gabonaises par le président de la transition.» Cette décision soulève de sérieuses questions sur le jugement du nouveau régime et ses intentions envers le milieu des affaires, en particulier les intérêts français.
Le climat d’affaires au Gabon s’est considérablement détérioré depuis l’arrivée de Duro. Mondafrique dresse un tableau alarmant : «Le climat des affaires est devenu malsain à Libreville. Des hommes d’affaires sont arrêtés, des passeports retenus par le régime gabonais et des redressements importants imposés aux entreprises étrangères.» Cette situation préoccupante touche particulièrement les entreprises françaises, piliers historiques de l’économie gabonaise.
Plusieurs groupes français sont dans la ligne de mire de Duro, qui semble prendre un plaisir particulier à éplucher et à redresser leurs comptes. SOBEA, filiale de Vinci, Eiffage, dont les comptes ont été saisis pour 8 millions d’euros sans notification préalable, Total, confronté à un redressement fiscal d’environ 100 millions d’euros, et Perenco, dont les dirigeants ont été convoqués suite à une explosion sur une plateforme, sont autant d’exemples de la campagne agressive menée par Duro. Ces actions, menées souvent en dehors de tout cadre juridique clair, créent un climat d’insécurité juridique et économique préjudiciable aux investissements étrangers.
Attractivité économique du Gabon à long terme
La présence de Duro lors du voyage officiel en France soulève de sérieuses inquiétudes quant aux intentions du nouveau régime gabonais. En incluant un personnage connu pour sa remise en cause systématique des intérêts français, le général Oligui Nguema envoie un message ambigu et potentiellement menaçant à Paris. Cette démarche pourrait être interprétée comme une volonté de renégocier les termes des relations économiques entre les deux pays, mais d’une manière qui risque de compromettre la stabilité des investissements français au Gabon.
Par ailleurs, cette stratégie pourrait être une tentative de répondre aux pressions d’une opinion publique traversée par des courants souverainistes et anti-coloniaux. En montrant sa fermeté envers les intérêts étrangers, le nouveau régime chercherait à asseoir sa légitimité populaire. Cependant, cette approche à court terme risque de nuire gravement à l’attractivité économique du Gabon à long terme.
L’hypothèse d’une redistribution des rentes minières pour consolider le pouvoir du général en s’assurant le soutien d’acteurs économiques locaux est également préoccupante. Si elle se confirmait, cette stratégie pourrait conduire à une déstabilisation profonde de l’économie gabonaise, en remettant en cause des partenariats établis de longue date et en introduisant une incertitude majeure pour les investisseurs étrangers.
La présence de Duro dans la délégation gabonaise en France apparaît comme un choix délibéré et potentiellement dangereux du général Oligui Nguema. Elle illustre la complexité et la fragilité des relations franco-gabonaises post-coup d’État et laisse présager des négociations tendues sur l’avenir des intérêts économiques français au Gabon. Cette situation met en lumière les risques considérables auxquels font face les entreprises françaises opérant au Gabon, confrontées à un environnement de plus en plus hostile et imprévisible.
La figure controversée de Pierre Duro et son influence grandissante sur la politique économique gabonaise représentent une menace sérieuse pour la stabilité du milieu des affaires au Gabon. Son approche agressive et ses méthodes contestables risquent non seulement de détériorer les relations franco-gabonaises, mais aussi de dissuader les investissements étrangers futurs, compromettant ainsi les perspectives de développement économique du pays à long terme.
1 Commentaire
Sekou Toure disait « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage ». Cette position un moins risquée et moins dommageable aujourd’hui qu’en 1958. Si la France ne comprends pas que les temps ont changé, tant pis pour elle. Si retrouver notre souveraineté et notre dignité passe par un détériorations du climat d’affaire comme vous dites pour mettre fin aux contrats léonins et au bradage de nos ressources, plus qu’en 1958 ou 1960, c’est le bon moment pour casser les œufs pour que même si nous ne mangeons pas cette omelette, que la génération de nos enfants et nos petits enfants puissent savourer l’essor vers la félicite qu’apporte une vrai libération, une vraie indépendance des serres impérialistes et de l’exploitation abusive des multinationales. Sans bras de fer, il n’y aura pas ce transfert (technologie, compétence, capitaux) nécessaires sans lesquelles le Gabon et l’Afrique en général resteront des vaches a la lait pour l’occident.