[Paru sur le Gabon] : Deep politics. Les deepfakes : la preuve par le Gabon
Alors que les débats se cristallisent autour de l’intelligence artificielle (IA), les réflexions faites au Gabon prennent-elles en compte l’utilisation des «deepfakes», ces hyper truquages reposant sur l’IA ? Ce lundi 30 décembre 2024, le pays est présenté à l’international comme l’un des premiers pays au monde voire le premier à avoir utilisé le deepfake sur le plan politique (deep politics). Vrai ou faux ? La question vaut son pesant d’or tant la vidéo soupçonnée, remonte à 2018 alors qu’Ali Bongo s’adressait pour la première fois à la Nation après son accident vasculaire cérébral. Était-ce finalement un truquage ? D’à peine 3 minutes, ladite vidéo avait nourri la controverse. Ci-après l’intégralité de l’article du journal français L’Opinion, paru sur le Gabon.
LES DEEPFAKES, ces vidéos hyperréalistes créées par intelligence artificielle (IA), se répandent à une vitesse alarmante. On estime, en 2024, qu’un quart de la population mondiale est régulièrement exposé à ces vidéos aussi virales qu’elles sont fausses. Plus inquiétant encore, des experts estiment que 90% du contenu en ligne pourrait être synthétique… dès 2025 ! Le futur, c’est maintenant ! Il ne nous reste plus qu’à prendre un exemple précis afin de cerner les contours de ce qui risque de nous arriver en prenant l’exemple du premier pays à avoir connu une grave crise politique à cause de l’authenticité discutée d’une vidéo : le Gabon.
Revenons en arrière et plantons le décor ! En octobre 2018, le président Ali Bongo fut hospitalisé en Arabie saoudite suite à un AVC et son absence prolongée finit par alimenter de nombreuses rumeurs sur son état réel de santé et sa capacité à pouvoir encore diriger le pays. Le 31 décembre, le gouvernement décida de diffuser une vidéo du président Bongo formulant ses bons voeux du Nouvel An afin de rassurer la population et faire taire la petite mélodie du doute. Las ! Elle eut strictement l’effet inverse, remettant une pièce dans la machine à spéculations ! Des bizarreries furent, en effet, constatées dans l’apparence et le comportement du président : son bras droit semblait étrangement rigide, ses expressions faciales manquaient de fluidité et son discours se faisant parfois confus.
Plutôt que de mettre toutes ces anomalies sur le compte des séquelles post AVC, ces éléments entretinrent la rumeur que cette intervention n’était in fine rien de moins qu’une… deepfake !
Coup d’Etat. L’errance et la confusion médiatique s’emballent ! Des experts extérieurs furent méme sollicités afin de déterminer l’authenticité de la vidéo. Steve Grobman, directeur technique de l’entreprise de cyberdéfense McAfee, conclut à une authenticité probable à 92 % de ladite vidéo ! Ouf ! Sauf qu’Hany Farid, professeur d’informatique à Dartmouth, se mit à exprimer des doutes, notifiant que «quelque chose n’allait pas», sans pouvoir toutefois affir-mer avec certitude qu’il s’agissait d’une fausse vidéo.
Alors authentique, pas authentique ? Au point où en est rendu le pays, à la rigueur qu’importe ! L’incertitude et le chaos ne cessant de grandir. Une semaine seulement après la diffusion du message d’Ali Bongo, des militaires tentèrent un coup d’Etat, justifiant leur action par leurs doutes sur l’authenticité de la vidéo. La tentative échoua mais cet ubuesque épisode mit en lumière toute la fragilité d’un système usé jusqu’à la corde. La seule possibilité que la vidéo soit fausse a causé autant de dégâts que si elle avait été véritablement truquée. D’ailleurs, de nombreux psychologues alertent sur cette difficulté croissante à distinguer le vrai du faux.
Cette incertitude et ce doute systématique finissant par provoquer anxiété informationnelle et fatigue cognitive. Constamment sur nos gardes, nous développons un scepticisme exacerbé qui finit, souvent, par mener tout droit à l’impasse de la démobilisation citoyenne. La multiplication des deepfakes nous oblige à renégocier notre rapport à l’imagerie en politique. Claire Martin, sociologue des médias, le résume d’ailleurs très bien : «Nous entrons dans une ère où la vérité visuelle devient contextuelle et négociée. Cela exige de chaque citoyen une vigilance accrue et une capacité à naviguer dans un paysage informationnel de plus en plus complexe».
Pour le résumer en peu de mots, c’est au citoyen que revient désormais le devoir de démêler le vrai du faux. A lui de se composer sa propre réalité avec les indices qu’il a glanés ici et là. La vérité n’a jamais été une, désormais il en existera autant d’exemplaires que d’individus ! A quand un remake de l’épisode gabonais en France ? S’interroge L’Opinion qui note que la technologie devient, plus que jamais, un enjeu de pouvoir incontournable. Le journal français aborde les rapports qu’entretiennent les personnalités politiques avec l’intelligence artificielle.
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