Invités à se prononcer sur le projet de constitution, les Gabonais sont restés chez eux. L’abstention semble être le principal vainqueur du scrutin de samedi dernier.

Centre de vote presque vide d’électeurs : Si le CTRI n’entend pas le message de samedi dernier, les lignes de fracture pourraient s’élargir. A terme, on pourrait assister à un délitement du lien citoyen né du coup de force du 30 août 2023. © Facebook/marc logan tchango

 

À l’évidence, les Gabonais sont restés chez eux. Invités à se prononcer sur le projet de constitution élaboré à l’initiative du Comité pour la transition et le restauration des institutions (CTRI), ils ont boudé les urnes. Même si le taux de participation n’a officiellement pas encore été communiqué, l’abstention semble être le principal vainqueur du scrutin de dimanche dernier. Comment expliquer ce désintérêt ? Par la tonalité de la campagne, marquée notamment par une dérive plébiscitaire, des amalgames volontairement entretenus, un recours abusif à l’argument comparatif, l’usage de notions mal connues, de demi-vérités et même de contre-vérités ? Ou par l’implication bruyante et trop voyante du Parti démocratique gabonais (PDG) ? Quel sens revêt cette attitude ? La traduction d’un sentiment de lassitude ? Une manière de proclamer le refus de cautionner un scénario écrit d’avance ? Une façon de réaffirmer des doutes ? Ou la traduction d’un déficit de confiance dans le processus ?

Ne pas se cacher derrière son petit doigt 

Poser ces questions, c’est sonner le tocsin. Même si elle peut être motivée par des raisons conjoncturelles ou personnelles, l’abstention indique toujours deux choses : une mauvaise compréhension des enjeux et, un certain fatalisme voire une méfiance à l’égard du système politique ou des organisateurs. De ce point de vue, le CTRI aurait intérêt à procéder à rechercher les raisons d’un tel désaveu pour, le cas échéant, en tirer enseignements ou conséquences. Certes, les militaires et leurs soutiens peuvent se réjouir de la victoire annoncée du «Oui». Certes, ils peuvent tirer gloriole du caractère impersonnel de cette bouderie, aucun parti ni leader d’envergure n’ayant appelé au boycott. Certes, ils peuvent se gargariser de la probable faiblesse du «Non». Mais, ils ne doivent pas minimiser la portée de ce manque d’engouement populaire. A l’inverse, ils doivent chercher comment ramener les citoyens aux urnes.

Quitte à changer de braquet, le CTRI doit marquer une halte. Pour la réussite de la Transition, il ne peut faire comme si de rien n’était, comme si la participation électorale ne disait rien de la qualité du processus. Il ne peut raisonner comme si ce n’était pas un indicateur des relations entre gouvernants et gouvernés, d’une part, institutions et citoyens, d’autre part. Certes, victimes des pratiques anciennes, de nombreux électeurs n’ont pu exercer leur droit du fait de l’éloignement de leurs lieux de vote. Certes, la brièveté de la campagne n’a peut-être pas permis d’expliciter les enjeux. Mais, il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt : depuis plusieurs mois, nombre d’observateurs ont alerté sur les risques inhérents à une stratégie attrape-tout, visant à briser les clivages idéologiques traditionnels ou à installer la confusion entre espace civique et vie politique. Las…

Analyser l’ensemble des paramètres

Si le CTRI n’entend pas le message de samedi dernier, les lignes de fracture pourraient s’élargir. A terme, on pourrait assister à un délitement du lien citoyen né du coup de force du 30 août 2023. Comme tous les peuples victimes d’abus, les Gabonais veulent des garanties de non-répétition. Instruits par le passé, ils rêvent de réformes institutionnelles allant dans le sens d’un renforcement de la responsabilité individuelle, de la transparence et de l’équité. Autrement dit, ils demandent aux bourreaux d’hier de reconnaître leurs fautes et erreurs puis de les expier en changeant de comportement. Au-delà, ils veulent en finir avec cette culture de la dissimulation, de la fraude, des passe-droits et autres traitements de faveur. Pour avancer dans la sérénité, il faut satisfaire cette exigence, d’une manière ou d’une autre. D’ici aux prochaines élections, il faut lui apporter une réponse. Autrement, les choses pourraient aller se dégradant.

Première élection post-30 août 2023, le référendum constitutionnel a eu lieu. Il faut maintenant en analyser le déroulement, l’issue et l’ensemble des paramètres. Avec froideur, rigueur et franchise, le CTRI se soit de conduire cet exercice. Selon le chronogramme de la Transition, des élections auront lieu en août 2025, c’est-à-dire dans neuf mois. Entre-temps, on devrait avoir droit à une révision de loi électorale puis des listes électorales. Or, le scrutin de samedi dernier suscite controverse et railleries, faisant craindre une survivance des méthodes du passé. Vidéos à l’appui, on parle d’achat de conscience ou de distribution d’argent. Comme au bon vieux temps, on évoque des scores «soviétiques» ou surréalistes dans le Haut-Ogooué. Comme sous Ali Bongo, on suppute sur un éventuel bourrage des urnes. Comme sous le régime déchu, les militants PDG nient tout en bloc, alimentant la polémique. Est-ce l’amorce d’un retour à l’ordre ancien ? Au CTRI de dissiper tout malentendu éventuel.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Hermann O. dit :

    Dans un article précédent GR indique que les autorités auraient annoncé un taux de participation de 68% à la mi-journée du samedi? Même si cela me semble improbable, je crains que la communication officielle ne fasse dans la dénégation de l’abstention. Wait and see.

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