La rencontre mars prochain essaiera de répondre à quatre questions. Mais, elle n’évoquera pas le «contrôle démocratique des politiques, ressources, financements et moyens de production».

Le One Forest Summit 2023 de Libreville relève de l’affichage. À chercher à réinventer la roue, on alimente des débats peu féconds. À faire comme si aucune étude n’avait été menée jusque-là, on suscite doutes et perplexité quant à ses réelles motivations. © Montage GabonReview

 

Du 1er au 02 mars prochain à Libreville, les interactions entre changements climatiques et déclin de la diversité biologique seront analysés. Il s’agira de voir comment «avancer (…) sur l’action climatique et la préservation de la biodiversité» dans un contexte de «solidarité Nord-Sud». Concrètement, les participants tenteront de répondre à quatre questions : «comment augmenter les paiements pour les services écosystémiques rendus par les forêts (…) du Bassin du Congo» ; «comment renforcer l’utilisation durable des ressources forestières (…) au bénéfice des populations locales» ; «comment accroître l’accès aux financements internationaux pour les États forestiers du Bassin du Congo» et ; «comment renforcer la coordination régionale». Tels sont, en tout cas, les objectifs officiels consignés dans une note de concept consultable en ligne.

Ressasser la bonne parole

Si des imprécisions subsistent quant au nombre de chefs d’État et de gouvernement ou de délégations censés participer à cette rencontre, les organisateurs espèrent réunir «tous les acteurs non-gouvernementaux clés impliquées dans la protection des forêts (…) à l’échelle des trois bassins (Congo, Amazonie et Asie).» Objectif ? Mettre en place un «One forest Lab» capable de «fournir des conseils et des solutions aux pays». Afin de parvenir à une meilleure compréhension du fonctionnement des écosystèmes, des experts seront invités à développer des «réseaux scientifiques dans les pays possédant les plus grandes réserves de carbone et de biodiversité». En vue de promouvoir «une utilisation durable (…), permettant aux communautés de prospérer et de protéger le savoir-faire local», les entreprises seront priées de prendre des engagements relatifs à «l’approvisionnement en ressources certifiées» et à s’investir dans «la transformation et la formation locales». Pour «permettre aux investisseurs de financer des projets de conservation de la biodiversité», un groupe de travail se penchera sur les financements innovants.

De toute évidence, le One Forest Summit va ressasser la bonne parole. On y déflorera les sujets pour mieux faire illusion. Ni le libre consentement des populations ni la reconnaissance de leurs droits traditionnels ni la sanctuarisation de leurs espaces de vie ne seront abordés. Ce constat vaut aussi pour les conflits homme-faune ou pour la conversion des forêts pour le développement des plantations à grande échelle. On peut en dire autant de la sécurisation des financements. Certes, on y parlera d’utilisation durable. Certes, on y évoquera les paiements pour services écosystémiques ou l’accès aux financements internationaux. Mais tout ceci relève de l’affichage. A chercher à réinventer la roue, on alimente des débats peu féconds.  A faire comme si aucune étude n’avait été menée jusque-là, on suscite doutes et perplexité quant à ses réelles motivations.

Placer la Comifac au centre jeu

S’ils avaient à cœur d’«avancer à la fois sur l’action climatique et la préservation de la biodiversité», les promoteurs de la rencontre de Libreville auraient songé à valoriser les travaux de la Commission des forêts d’Afrique centrale (Comifac). S’ils avaient l’ambition de «promouvoir la solidarité Nord-Sud», ils se seraient appuyés sur cet organisme spécialisé de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), par ailleurs défini comme l’«unique instance d’orientation, de décision et de coordination des actions et initiatives sous-régionales en matière de conservation et de gestion durable des écosystèmes forestiers». Ainsi le Plan de convergence 2015-2025 et les directives énoncées par la Série politique de la Comifac auraient été d’un précieux apport. Au-delà, la rencontre n’aurait peut-être pas eu lieu à Libreville mais à Yaoundé, siège de l’organisme, ou à Brazzaville, lieu de signature du Traité constitutif.

Ni «l’action climatique» ni la «préservation de la biodiversité» ne sauraient s’accommoder d’inavouables desseins personnels. Ces luttes commandent d’agir selon une approche intégrée, capitalisant les initiatives passées ou en cours. Quant à la «solidarité Nord-Sud», elle doit tenir compte des dynamiques d’intégration et des institutions existantes. Mettre la «priorité sur le Bassin du Congo» signifie placer la Comifac au centre jeu. Or, cette question est passée sous silence. Ayant déjà accueilli un atelier organisé par Chatham house puis la Semaine africaine du climat, Libreville semble être devenue le lieu de convergence des «pollueurs (soucieux) d’accroître leurs bénéfices en exploitant (…) les combustibles fossiles, en profitant des nouveaux marchés du carbone, (…) en spéculant sur la nature et en privatisant les écosystèmes», selon la formule du World rainforest movement (WRM). N’ayant pas inscrit le «contrôle démocratique des politiques, ressources, financements et moyens de production» à son agenda, le One Forest Summit peut déjà être décrite comme une opération de mystification politicienne.

 
GR
 

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