Agents de terrain, gardiens de la biodiversité, soldats de l’ombre : les agents de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) sortent du silence. Dans une déclaration forte adressée au président de la Transition, ils dénoncent une décennie d’abandon institutionnel, d’irrégularité salariale et d’invisibilité sociale. Une parole rare et poignante, à quelques jours d’un scrutin national décisif.

Capture d’écran de la déclaration des agents de l’ANPN devant le trésor public. © GabonReview

 

Alors que le Gabon se veut champion de la conservation de la biodiversité, les agents de l’ANPN dénoncent une décennie de précarité, d’injustice et d’oubli. Dans un ton grave mais empreint de dignité, ces hommes et femmes de la protection de l’environnement ont, sans affiliation politique ni commandite partisane, pris la parole à quarante-huit heures des élections pour s’adresser directement à Brice Clotaire Oligui Nguema, exposant une réalité souvent ignorée du grand public : celle d’hommes et de femmes dévoués à la préservation du patrimoine naturel gabonais, mais privés de leurs droits fondamentaux.

C’est une prise de parole rare, sobre mais puissante, qui résonne comme un cri de survie. À travers leur déclaration, ces agents ont levé le voile sur une réalité aussi dure qu’invisible : celle d’un personnel essentiel à la souveraineté écologique du Gabon, mais maintenu dans la précarité depuis plus de dix ans.

« Nous sommes les sentinelles de la nature gabonaise. Nous protégeons la faune et la flore, souvent au péril de nos vies, dans des zones isolées, dans des conditions extrêmes. Mais comment continuer à protéger la vie sauvage quand nous ne pouvons pas nourrir nos propres enfants ? », interpelle le porte-parole.

Les 800 agents de l’ANPN, répartis sur l’ensemble des neuf provinces du pays, font partie intégrante du dispositif de préservation des ressources naturelles du Gabon. Pourtant, ils subissent une injustice systémique : salaires irréguliers, absence de statut clair, manque de reconnaissance. Derrière leurs uniformes et leur engagement se cachent des familles en détresse, des foyers rongés par le désespoir.

« L’armée gabonaise peut-elle rester trois mois sans salaire ? Pourquoi nous, qui défendons aussi cette nation, sommes-nous traités comme s’il fallait mendier notre dû ? », s’interroge avec amertume le porte-voix de ce collectif.

Loin d’un discours revendicatif classique, cette sortie médiatique se veut d’abord un appel à la dignité. Les agents affirment n’être manipulés par aucun parti politique ni candidat. « Notre mouvement n’a ni couleur politique, ni affiliation partisane. Il est guidé par une seule chose : la douleur de voir nos enfants manquer de tout pendant que nous servons le pays avec honneur », soulignent-ils.

Malgré tout, ils reconnaissent les efforts du gouvernement de Transition : la promesse d’un statut particulier, la création de postes budgétaires, les discours inclusifs. Mais pour eux, le temps des promesses est révolu. Ils veulent des résultats, et vite. « L’ANPN ne ressent pas encore l’inclusivité prônée. Nous vivons dans un paradoxe : on nous félicite à l’international, mais chez nous, nous sommes invisibles », lâche-t-il.

Ce malaise social intervient dans un contexte politique particulier. Le pays s’apprête à voter, et ces agents espèrent un déblocage immédiat de leur situation pour participer sereinement au scrutin. « Nous avons une parfaite confiance en vous, monsieur le président. Nous espérons que notre souffrance sera abrégée d’ici le 11 avril, pour que nous puissions voter avec dignité le 12 », conclut le message.

Dans un pays où l’environnement est un pilier de la stratégie nationale et de la diplomatie verte, ce témoignage révèle un paradoxe troublant : les héros de la forêt sont épuisés, oubliés, fragilisés. Leur appel n’est pas seulement social, il est politique, stratégique, humain.

 
GR
 

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