Comment la deuxième ville du Gabon a-t-elle pu être livrée aux mains de gangs violents sans que police, gendarmerie et services de renseignement ne réagissent immédiatement ?  Machettes, commerces pillés, citoyens terrifiés, pendant près de trois heures, Port-Gentil a ainsi sombré dans le chaos sous le regard presque impuissant de ses forces de l’ordre. Une nuit de terreur qui révèle au grand jour l’inquiétante déliquescence d’un système sécuritaire pourtant réputé infaillible. Étonnement sur les failles béantes d’un dispositif qui pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses.

Dans un pays qui s’enorgueillit de l’efficacité de ses services de renseignement, l’incapacité à prévenir et à répondre promptement à ces troubles est absolument préoccupante. Comment la DGR, la P.J. et les autres services spécialisés ont-ils pu être pris au dépourvu par des événements qui couvaient depuis plusieurs jours ? © GabonReview

 

Les événements ayant secoué Port-Gentil, le week-end écoulé, induisent d’importantes appréhensions quant à l’efficacité et la réactivité des forces de sécurité dans la ville. Pendant près de trois heures, des bandes de jeunes armés ont semé la terreur dans les rues, pillant des commerces et agressant des citoyens, sans que les autorités n’interviennent de manière décisive. Cette situation alarmante met en lumière des failles préoccupantes dans le dispositif sécuritaire d’une ville pourtant connue pour avoir une forte, sinon une bonne, présence policière et militaire.

Un échec flagrant d’anticipation et de réactivité

Les affrontements entre gangs, qui ont débuté dès le mercredi précédent, auraient dû alerter les services de renseignement et les forces de l’ordre. Comment expliquer qu’aucune mesure préventive n’ait été prise pour empêcher l’escalade de la violence ? La mission fondamentale des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) n’est-elle pas justement d’anticiper et de prévenir de tels débordements ?

La lenteur de la réponse des autorités face à cette crise est particulièrement troublante. Comment des groupes de délinquants ont-ils pu parcourir plusieurs quartiers, terroriser la population et piller des commerces pendant quelques heures sans rencontrer d’opposition ? Cette inaction apparente soulève également des interrogations légitimes sur l’état de préparation et la capacité d’intervention rapide des forces de sécurité à Port-Gentil.

Si des arrestations ont finalement eu lieu, elles sont intervenues bien après les faits, une fois que les principaux auteurs s’étaient déjà dispersés. Ces opérations a posteriori, bien que nécessaires, ne peuvent masquer l’échec de la mission initiale de protéger la population et maintenir l’ordre public au moment crucial.

Des dysfonctionnements systémiques inquiétants

Port-Gentil, connue pour son histoire de contestation politique, a toujours bénéficié d’un important déploiement des forces de l’ordre. Dans ce contexte, l’inefficacité de la réponse sécuritaire est d’autant plus incompréhensible. Faut-il y voir les conséquences d’un certain laxisme, voire la conséquence d’une forme de «pantouflage» des responsables locaux de la sécurité, dont certains occupent leurs postes depuis de nombreuses années, entrainant ainsi une sorte d’embourgeoisement incompatible à la réactivité et prise de décisions urgentes ?

Dans un pays qui s’enorgueillit de l’efficacité de ses services de renseignement, l’incapacité à prévenir et à répondre promptement à ces troubles est particulièrement préoccupante. Comment la Direction Générale des Recherches (DGR) et les autres services spécialisés ont-ils pu être pris au dépourvu par des événements qui couvaient depuis plusieurs jours ?

L’absence remarquée de la Police Judiciaire (PJ), pourtant spécialisée dans la lutte contre le banditisme, soulève également des questions. Pourquoi cette unité réputée pour son efficacité n’a-t-elle pas été en mesure d’intervenir rapidement pour neutraliser les fauteurs de troubles sur un objectif, des acteurs récidivistes et un terrain bien connus ?

Un impératif de refonte du dispositif sécuritaire

En tout cas, les événements de Port-Gentil mettent en évidence des dysfonctionnements graves dans la chaîne de sécurité de la ville. Alors que le Gabon est sous régime militaire depuis août 2023, avec un couvre-feu toujours en vigueur, l’incapacité des forces de l’ordre à assurer la sécurité des biens et des personnes est résolument alarmante.

Il est impératif que les autorités tirent les leçons de cet échec et réévaluent en profondeur leur stratégie sécuritaire à Port-Gentil, mais aussi dans les villes névralgiques du pays. Cette refonte devrait inclure une révision des protocoles d’intervention, un renforcement de la coordination entre les différentes forces de sécurité, et potentiellement une rotation des cadres pour insuffler une nouvelle dynamique.

La population, déjà éprouvée par un climat d’insécurité croissant, mérite des réponses claires et des actions concrètes pour restaurer la confiance et garantir sa protection. Sans une remise en question profonde et des changements significatifs, le risque est grand de voir se reproduire de tels débordements, mettant en péril la stabilité de la deuxième ville du pays et, par extension, celle du Gabon tout entier.

 
GR
 

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