Lutte contre le covid-19 : Controverse sur la stratégie du gouvernement
S’il veut éviter l’effondrement de l’économie ou s’il entend prévenir le délitement des liens sociaux, Ali Bongo gagnerait à mettre le gouvernement en garde contre la dramatisation et la psychose.
En mars dernier, Ali Bongo mettait l’opinion en garde contre trois dérives : la dramatisation, la psychose et la minimisation. Pour éviter l’effondrement de l’économie, il aurait dû y veiller. Afin de prévenir le délitement des liens sociaux, il aurait gagné à le rappeler aux ministres. Et pour cause : au lendemain de l’apparition du premier cas de coronavirus, le gouvernement étalait zèle et fébrilité. Invitant le pays à se couper de tout, il décrétait la fermeture des lieux de sociabilisation, l’interdiction des rassemblements de plus de 50 personnes et, la suspension de la délivrance des visas pour les personnes en provenance des pays de l’Union européenne, de Chine, de Corée du Sud et des Etats-Unis. En agissant de la sorte, il installait la panique dans les esprits.
Peu d’appétence pour le débat contradictoire
Sur fond de polémique sur l’opération Scorpion, la covid-19 offrait au gouvernement le prétexte rêvé pour réorienter le débat. Ne s’embarrassant d’aucun scrupule, il ne reculait devant rien pour contraindre les populations à changer leurs habitudes. Sans se donner le temps d’évaluer la portée de ses préconisations, il décidait de les corser quelques jours plus tard, décrétant la fermeture des lieux de culte, cours et tribunaux. Dans le même élan, il réduisait les rassemblements à 30 personnes tout en interdisant les visites aux malades et prisonniers. «(Ce) dispositif sanitaire (permettra) de répondre avec efficience à la situation», annonçait péremptoire le Conseil des ministres du 16 mars 2020. Au moment où naissait la controverse sur le protocole proposé par le Pr Didier Raoult, le gouvernement gabonais se disait sûr de lui. Quand les plus éminents virologues et épidémiologistes cherchaient à savoir si l’association chloroquine/azithromicine peut venir à bout du mal, il vantait ses options.
Tout ceci serait anecdotique si cette situation n’était pas préjudiciable à l’économie. Tout cela serait accessoire, si elle ne se traduisait pas par une limitation des libertés individuelles. Il n’y aurait aucun intérêt à la relever si elle n’entamait pas les liens sociaux. Reflet d’une incapacité à inventer des solutions conformes à la réalité locale, l’attitude du gouvernement souligne une curieuse conception des relations entre gouvernants et gouvernés. Pour le gouvernement, tous les prétextes sont bons pour détourner l’attention de l’opinion. S’il se fait le champion d’une cause, c’est par esprit de cour. Cela se ressent à travers son peu d’appétence pour le débat contradictoire. Sauf à accepter de se couper toujours un peu plus du peuple, il serait bien avisé d’y réfléchir.
Crise de confiance
Condensé d’autoritarisme, l’attitude du gouvernement tient aussi à une volonté de se légitimer sur le plan extérieur. Décidée de façon unilatérale, sa stratégie de lutte contre la covid-19 est un patchwork des préconisations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS et de mesures prises par le gouvernement français. Le 02 mars dernier, le directeur général de l’OMS recommandait des «mesures précoces et agressives, (…) (pour) arrêter la transmission et sauver des vies.» Dix jours plus tard, Emmanuel Macron décidait de la fermeture des «crèches, écoles, collèges, lycées et universités», recommandant aux entreprises d’opter pour le travail à distance. Usant de la même formulation et, à quelque chose près, de la même rhétorique, le gouvernement gabonais lui emboîtait le pas dès le lendemain. Pourtant, en raison de son coût économique et humain, le confinement reste objet de débat. Se traduisant par une limitation des déplacements, il ne favorise guère le dépistage de masse, le traçage et la mise en quatorzaine. Or, ce triptyque a fait ses preuves, particulièrement en Corée du Sud.
Peu adaptée au contexte local, la stratégie du gouvernement est la source de nombreux problèmes. N’ayant pas intégré les vulnérabilités des industries extractives, elle a entraîné une baisse d’activité, occasionnant même des faillites. Ayant fait fi du poids de l’économie populaire, elle est à l’origine de la désorganisation de nombreux secteurs et de l’accroissement des difficultés quotidiennes. N’ayant pas tenu compte du déficit en infrastructures, elle a aggravé la crise du secteur éducatif. Même si on peine encore à mesurer l’ampleur des impacts, une chose est déjà certaine : comme leur nature, la durée des mesures de restriction sera une variable déterminante. Pourtant, sur le continent, de nombreux pays n’ont pas opté pour le confinement. Quand ils l’ont fait, cette mesure a été levée depuis. Sont-ils devenus des mouroirs ou des charniers à ciel ouvert ? Au lieu de prendre le risque d’accentuer la crise de confiance, le gouvernement devrait y réfléchir.
2 Commentaires
Il y a eu beaucoup d’argent donné par des organismes européens, il me semble. Cet argent à été détourné par les mêmes : Bongo-Valentin et compagnie. A Ntare Nzame !! Les tests au Covid n’auraient même pas du être payants. Malheureusement, nous sommes en présence d’un régime corrompu. C’est regrettable. Et le peuple gabonais regarde sans rien dire. Un peu comme s’il approuvait cette MAFIA. Pitié!!
Le plus triste c’est la promptitude à faire du copier-coller de la France. Au moment où la nyanga ne présentait aucun cas positif; il fallait juste circonscrire cette province par exemple et laisser les activités suivrent leurs chemin. Et les incohérences multiples. Pour ma part cela ressemblait plus à one Man show. Cette année scolaire combien d’élèves seront inscrits et combien refoulés? Il faut être humble de reconnaître que le gouvernement a agit par zèle. Je suis aussi d’avis que faire payer le teste covid est juste un moyen d’extorquer de l’argent à la population qui déjà souffre des maux des décisions prises à la télé.