L’urne virtuelle : Quand Facebook redessine la présidentielle 2025

À moins de deux semaines de l’élection présidentielle du 12 avril 2025, les réseaux sociaux sont devenus l’épicentre du débat politique national. L’analyse des discussions sur Facebook révèle comment cette plateforme transforme le paysage électoral gabonais, donnant la parole à des citoyens autrefois exclus du débat public, tout en cristallisant les espoirs et les craintes d’une population à la croisée des chemins. Entre la candidature controversée du général putschiste Oligui Nguema, celle de l’ancien Premier ministre Bilie-By-Nze et l’émergence de voix alternatives, c’est une nouvelle forme de citoyenneté qui se dessine dans le Gabon numérique.

En transformant des ‘sujets’ en citoyens actifs et exigeants, Facebook contribue à une révolution silencieuse dont les effets pourraient dépasser largement le cadre de l’élection du 12 avril 2025. © GabonReview
À l’approche de l’élection présidentielle du 12 avril 2025, les réseaux sociaux, et plus particulièrement Facebook, sont devenus le théâtre d’intenses débats politiques reflétant les aspirations et les inquiétudes d’une société civile de plus en plus engagée. L’analyse des échanges sur ces plateformes offre un regard inédit sur les dynamiques électorales en cours et révèle une maturité politique croissante de l’électorat gabonais.
Le duel Oligui Nguema – Bilie-By-Nze : cristallisation des espoirs et des craintes
Sur Facebook, la campagne électorale se polarise autour de deux figures majeures incarnant des visions contrastées de l’avenir du pays : le général Brice Clotaire Oligui Nguema et l’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze.
Oligui Nguema : le «libérateur» à l’épreuve du pouvoir
Artisan du coup d’État d’août 2023 ayant mis fin à 55 ans de dynastie Bongo, le général Oligui Nguema, suscite des réactions ambivalentes sur les forums Facebook. Pour de nombreux internautes, il représente une rupture avec un système politique antérieur. Les discussions sur le groupe «L’élection Présidentielle au Gabon» reflètent cette perception d’un changement potentiel dans la gouvernance du pays.
Cette image de réformateur est nuancée par un scepticisme croissant, particulièrement depuis l’adoption de la nouvelle Constitution en novembre 2024. Les discussions sur les forums Facebook expriment des préoccupations concernant la nature de la transition et la concentration des pouvoirs. Citant un article du Monde un Facebookeur émet des «réserves quant à ses intentions et à la concentration des pouvoirs entre ses mains.» Cette défiance s’observe dans les commentaires qui questionnent certaines décisions du Conseil national de la transition (CNT), perçues par une partie des internautes comme consolidant l’emprise du général sur les institutions.
Alain-Claude Bilie-By-Nze : entre expérience et héritage contesté
L’ancien Premier ministre Bilie-By-Nze est perçu par un bon nombre de Facebookeurs comme l’alternative «civile» et expérimentée. Sa connaissance des rouages de l’État est présentée comme un atout par ses partisans sur Facebook. Certains internautes apprécient «sa connaissance des rouages de l’État» et estiment qu’il est «le mieux placé pour assurer une transition stable».
Toutefois, son passé au sein du système Bongo constitue un sujet de débat sur les forums. De nombreux commentaires critiques questionnent «sa capacité à incarner le changement attendu» étant donné ses années au sein du précédent régime. Sa critique de la nouvelle Constitution, qu’il a qualifiée de «mortifère», est souvent mentionnée dans les discussions en ligne et semble avoir marqué une partie de l’électorat présent sur les plateformes numériques.
Facebook : un révélateur des inquiétudes sur l’intégrité du processus électoral
L’analyse des interactions sur les groupes Facebook gabonais révèle une transformation profonde du rapport des citoyens à la politique. La plateforme est devenue un espace de délibération où s’expriment des opinions diverses, souvent inaccessibles dans les médias traditionnels.
Cette démocratisation de la parole politique s’observe particulièrement dans les groupes Facebook comme Infos Kinguélé Libre, Métandou Mia Mékambo ou Je-n’ai-pas-choisi-d’être-gabonais où des échanges entre citoyens, analystes et acteurs politiques prennent place. Les discussions observées témoignent d’une appropriation croissante des enjeux électoraux par une population qui dispose désormais d’espaces d’expression directe sur les questions politiques.
Facebook s’est imposé comme un levier d’émancipation pour les partis d’opposition, leur permettant de contourner les médias traditionnels souvent accusés de partialité. Cette utilisation stratégique de Facebook a potentiellement modifié les équilibres de la communication politique au Gabon. Des candidats disposant de moyens financiers limités peuvent désormais atteindre un public plus large.
Par ailleurs, les discussions sur Facebook révèlent également des préoccupations concernant l’équité du processus électoral. À titre d’exemple, des commentaires sur la page Infos Kinguélé critiquent «la disqualification de certains candidats de l’opposition», traitant le processus électoral d’«imposture inqualifiable».
À l’aube de cette élection présidentielle historique, Facebook apparaît à la fois comme le miroir des espoirs et des craintes de la société gabonaise et comme un acteur à part entière du processus de transition démocratique.
Les débats passionnés qui s’y déroulent révèlent un pays à la croisée des chemins, partagé entre la tentation du retour à l’ordre ancien, l’adhésion à un nouveau régime aux contours encore flous, et l’aspiration à une véritable alternance démocratique. Et, au-delà des préférences pour tel ou tel candidat, c’est peut-être dans cette appropriation citoyenne du débat politique que réside le changement le plus profond. L’enjeu réside désormais dans la capacité de cette effervescence numérique à se traduire dans les urnes et, plus encore, à influencer durablement la gouvernance du pays.

1 Commentaire
Bjr. Gabao est encore à l’heure du culte de la personnalité. Autrement dit, on ne vote pas le projet de société mais la personne qui tente de le réaliser. Exemple: les gabonais chantent tous les jours que les principaux protagonistes que sont BCON et ACBBN sont des « créations » du système ancien. Donc, comptable de l’aspect inachevé du Gabon.
logiquement, aucun suffrage ne devrait leur être accordé. De façon naturelle donc, une figure fraiche ou disons moins « mouillés par rapport au système ancien doit être président afin d’incarner la rupture totale et faire place à un ordre nouveau.
Que nenni, en plus de 50 ans il faut être connu des gabonais, la proximité physique joue encore pour beaucoup dans le landerneau politique à gabao. Vous ajouté à cela le pognon que seul les 2 premiers détiennent vs comprenez aisément le choix. Dommage. Amen.