L’Odyssée Verte 2024 : Entre le cri du Pape et l’avertissement de Guterres
Les appels à l’action du pape François et d’Antonio Guterres sur l’urgence climatique en 2024 ont trouvé un écho particulier au Gabon, où la préservation des forêts et le développement durable se heurtent aux réalités économiques. L’analyse d’Adrien NKoghe-Mba* sur les défis et les opportunités d’un pays à la croisée des chemins écologiques.
2024 fut une année marquée par des voix prophétiques et des réalités implacables. Celles du pape François et d’Antonio Guterres résonnent comme des tocsins dans un monde qui vacille au bord de l’abîme écologique. Leurs paroles, empreintes d’une gravité exceptionnelle, ont été à la fois des constats glaçants et des appels à l’action. En les écoutant, nous sommes confrontés à une vérité difficile : l’humanité a franchi le point de non-retour, mais cela ne signifie pas que tout est perdu. Il est encore temps de s’adapter, de limiter les dégâts, et peut-être de transformer cette crise en une opportunité de réinvention collective.
Le pape François, dans sa mise en garde sans ambiguïté, a déclaré que nous avons dépassé le point de bascule. Sa voix, empreinte de sagesse morale et spirituelle, a transcendé les frontières religieuses pour interpeller une humanité égarée. Il ne s’est pas contenté de dénoncer l’inaction des puissants ; il a aussi mis en lumière notre responsabilité collective. Cette année, dans ma chronique sur ses propos, je rappelais que cette déclaration n’est pas un simple constat, mais un appel à une conversion écologique radicale, individuelle et systémique.
Ce cri rejoint celui d’Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, qui, à plusieurs reprises en 2024, a exhorté les nations à se préparer à un « chaos climatique ». En soulignant que les mécanismes internationaux actuels sont insuffisants, il a dressé un tableau d’un futur proche où les crises environnementales deviendront des crises sociales, économiques et politiques. La préparation au chaos ne signifie pas s’y résigner, mais se doter des outils nécessaires pour le traverser.
Les réponses locales au cri global
Face à ces déclarations, 2024 au Gabon a été une année de réflexions profondes et d’actions, parfois timides, mais souvent porteuses d’espoir. Alors que le pape nous invitait à une conversion spirituelle et que Guterres nous poussait à une adaptation pragmatique, le Gabon a tenté de conjuguer ces deux approches.
La gestion des forêts gabonaises, longtemps vantée comme un modèle, a cette année été mise au défi de prouver qu’elle peut allier préservation écologique et bénéfices économiques. L’initiative de traçabilité du bois, qui garantit que les exportations proviennent de sources durables, a pris un nouvel élan. Ces efforts, bien que cruciaux, montrent aussi leurs limites face à la pression croissante des marchés internationaux.
Dans le même temps, les programmes de végétalisation urbaine ont commencé à prendre racine, littéralement et symboliquement. Ces projets, souvent modestes mais significatifs, traduisent une vision locale du développement durable. Ils s’inscrivent dans l’esprit des paroles du pape, qui nous invite à réinventer notre relation à la nature, et de celles de Guterres, qui nous exhorte à bâtir des infrastructures résilientes face aux crises à venir.
Les paradoxes de 2024
Mais 2024 fut aussi une année de contradictions. Alors que des avancées étaient réalisées, les contradictions inhérentes à notre système économique et politique ont freiné le progrès. Les discussions sur l’exploitation pétrolière, notamment dans des zones sensibles, ont rappelé que le Gabon reste tiraillé entre ses ambitions écologiques et ses besoins économiques.
La jeunesse gabonaise, pourtant prometteuse, a été en partie laissée de côté. Alors même que les petits métiers verts pourraient constituer une solution au chômage, peu d’efforts concrets ont été faits pour former et encadrer cette main-d’œuvre potentielle.
Un horizon pour 2025
Si 2024 nous a appris une chose, c’est que les avertissements du pape et de Guterres ne doivent pas nous conduire au désespoir, mais à l’action. Leur gravité doit inspirer des réponses locales audacieuses, tout en gardant un œil sur l’engagement global.
Les forêts du Gabon, par exemple, ne sont pas seulement une ressource nationale ; elles sont un patrimoine mondial. En 2025, leur gestion pourrait devenir un modèle si des alliances internationales permettent de financer leur préservation tout en soutenant les communautés locales.
L’éducation écologique, encore embryonnaire, devra être au cœur des priorités. L’avenir appartient à ceux qui comprennent les enjeux écologiques et savent agir en conséquence. Former une nouvelle génération de leaders verts, capables de conjuguer innovation et éthique, est une nécessité.
Enfin, le Gabon devra prendre pleinement conscience de sa position stratégique. À la croisée des chemins entre le Nord et le Sud, entre les ressources naturelles et les crises climatiques, notre pays peut devenir un exemple de résilience et de transformation. Mais cela nécessitera un leadership courageux et une mobilisation collective.
Une ode à la résilience
Le pape François et Antonio Guterres, chacun à leur manière, nous rappellent que nous vivons une époque de grandes épreuves, mais aussi de grandes possibilités. Le Gabon, avec ses défis et ses richesses, incarne ce paradoxe.
Alors que nous entrons en 2025, il nous revient de répondre à leur appel. Pas par des promesses vides, mais par des actions concrètes qui traduisent notre volonté de survivre, et surtout, de prospérer dans un monde transformé.
Le point de non-retour est peut-être derrière nous, mais le futur, lui, reste devant. Et il est entre nos mains.
*Directeur général de l’Institut Léon Mba et président de l’association Les Amis de Wawa pour la préservation des forêts du bassin du Congo.
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