Tel le rocher de Sisyphe qui redescend toujours alors qu’il faut le pousser au sommet de la montagne, le dégraissage du personnel des représentations du Gabon à l’étranger, dont la nécessité a tout récemment été brandie par le ministre des Affaires étrangères, est un travail d’Hercule : trop de pesanteurs s’y opposent. Le Gabon est un pays à part, il fonctionne autrement.

Le dégraissage du personnel des ambassades du Gabon a été et reste le rocher de Sisyphe des ministres des Affaires étrangères. © blogs EducPros

 

Le ministère des Affaires étrangères, de la Francophonie et de l’Intégration régionale compte plus de 600 agents à l’étranger, ainsi que l’a affirmé dernièrement à Paris, le chef de la diplomatie gabonaise qui projet une diminution nette des effectifs de l’ordre de 30%, «car ça coûte cher à l’État gabonais». On doute cependant très fort que l’ancien Secrétaire général du gouvernement parvienne à réussir le challenge qu’il s’est visiblement fixé. Ramener au Gabon un tiers de ses diplomates et leurs familles va nécessairement coûter plusieurs centaines de millions de francs CFA. Et, au-delà du fait qu’il va d’abord falloir trouver cet argent, on se demande avec quel chronogramme, en combien d’années, Pacôme Moubélet Boubéya compte-t-il réaliser son opération «dégraissage» ? Last but not least, le ministre des Affaires étrangères semble négliger un autre fait : la résistance des diplomates et l’action des mentors de certains, pouvant aller jusqu’à faire annuler des décisions.

La diminution des effectifs dans les représentations diplomatiques et consulaires du Gabon à l’étranger est une Arlésienne. Des prédécesseurs de Pacôme Moubélet Boubéya s’y étaient essayés sans succès : Casimir Oyé Mba et Paul Toungui, notamment. Pour sa part, Jean Ping avait décidé d’une sorte de turn-over avec les agents diplomatiques envoyés à l’étranger. Ceux-ci devaient passer quatre années à l’étranger puis quatre années dans les Services centraux. La décision ne fut suivie d’aucun effet. La diplomatie gabonaise est visiblement un «mammouth» difficile à dégraisser et à faire bouger.

Chef de la diplomatie gabonaise depuis huit mois, Pacôme Moubélet Boubéya a pu se rendre compte de la «difficulté de langage» entre la Centrale et les Services extérieurs. Les chefs de mission diplomatiques, jaloux de leurs prérogatives, refusent parfois qu’on leur retire des collaborateurs souvent efficaces et compétents. Parfois, ils demandent des collaborateurs supplémentaires, car «une bonne mission diplomatique doit disposer d’un Premier Conseiller, d’un Conseiller économique, d’un Conseiller chargé de la Communication, un Conseiller chargé du Protocole, un Conseiller culturel, un Conseiller chargé de la Chancellerie, et, lorsque le Gabon n’a pas de poste consulaire dans l’État accréditaire, un Conseiller chargé des Questions consulaires», indique un ancien ambassadeur du Gabon. Sauf à vouloir faire de «la diplomatie de la vieille époque»…

Ambassadeurs récalcitrants, parrains et «remontada» du prédécesseur…

Il se trouve aussi, parmi les écueils auxquels pourrait faire face le ministre des Affaires étrangères, l’action des mentors, des «parrains». Ceux-ci refusent que les personnes dont ils ont sollicité et obtenu la nomination dans une ambassade ou un consulat soient «rappelées». Car il s’agit parfois de leurs jeunes frères et sœurs, de leurs enfants ou de personnes auxquelles ils sont intimement liés. Dans ce secteur de la diplomatie, face à la résistance de certains de revenir dans leurs administrations d’origine ou même d’être mutés dans des pays moins «côtés», plusieurs décisions ont été annulées par le passé, du fait du refus des parrains de «céder». Selon un proche de Pascaline Bongo ayant vécu cette situation, «une diplomate gabonaise en poste dans une grande capitale occidentale avait été nommée secrétaire à la présidence de la République sous Omar Bongo, mais devant le refus de celle-ci de regagner le pays, la directrice de cabinet du chef de l’État avait transformé cette fonction en «secrétaire du président de la République auprès de l’Ambassade du Gabon à Lutèce». Elle fut donc maintenue à son poste.

Les diplomates en poste depuis plusieurs années font partie de ces cas difficiles à gérer. Ils trouveront toujours mille raisons pour demeurer en poste : «J’ai refait à mes frais l’appartement, je ne pars pas si on ne me rembourse pas les frais de scolarité de mes enfants que j’ai payés de ma poche»… Mais ceux qui ont été récemment nommés aussi peuvent en faire partie. Lors de son passage au ministère des Affaires étrangères, Emmanuel Issozé Ngondet a procédé à une «remontada» des cadres de sa province d’origine dans les ambassades et consulats. Avec sa position qui est la sienne aujourd’hui  – Premier ministre-, acceptera-t-il que les «poulains» et autres membres de son «écurie», soient «reversés» à Libreville ?

600 agents : deux tiers de diplomates, un tiers de personnel local

Sur les 600 agents dont parle le chef de la diplomatie gabonaise, près du tiers (1/3) relève du personnel recruté localement, que l’on appellerait, au Gabon, la main-d’œuvre non permanente. Il s’agit généralement de chauffeurs, de secrétaires, d’assistantes, de traductrices, de gardien d’immeuble. Pour ceux-là aussi, une indemnisation est à prévoir. Le Gabon en a-t-il les moyens aujourd’hui ? Le rapatriement des diplomates généralement accompagnés de leurs familles, devrait lui aussi coûter cher : 6 à 7 millions de francs CFA, au bas mot, pour un diplomate n’ayant pas une grande famille. Mais lorsque la famille du diplomate compte les deux parents et les quatre enfants pris en charge, cette somme devient encore plus importante. Il est également à rappeler qu’aujourd’hui, un diplomate nouvellement nommé pour servir à l’étranger attend généralement dix-huit mois en moyenne pour obtenir titres de transport et appartement prêt à l’accueillir…

Face à ces réalités, l’idée de Pacôme Moubélet-Boubéya d’un dégraissage d’environ 30% des effectifs des représentations diplomatiques gabonaises, pourrait passer pour une «lubie». Le ministre des Affaires étrangères dispose-t-il de moyens pouvant lui permettre d’organiser ce retour massif des agents de l’État affectés dans les ambassades et consulats ? En combien d’années compte-t-il réaliser cette opération dégraissage ? Dans l’opinion et au sein de son ministère, peu de personnes accordent du crédit à l’idée de Pacôme Moubélet Boubéya. Et, dans le contexte de crise que traverse le Gabon, pourra-t-il en convaincre le chef du gouvernement et le ministre du Budget ?

 

 
GR
 

9 Commentaires

  1. Airborne dit :

    La faillite se fait sentir, s’il l’on va meme à reduire les personnels des ambassades ou sa fermeture. La Gabon marche a reculons en cette periode du 21e siecle. Bof « laissé nous avancé »

  2. H. VIN dit :

    Dans ce panier à crabes y a des retraités qui attendent en postes depuis 5 ans leurs titres de rapatriement,meme à coté au Cameroun .Des Ambassadeurs qui ont refusé de rejoindre leurs nouveaux postes.On trouve des « diplomates incompetents qui ne savent meme pas rediger une note verbale,mais comme ils sont de… .Y a des Ambassades ou on laisserait un Conseiller Economique point/Le pays est geré ,la location d’une residence de chef de mission c’est pas moins de 5 à 6 millions de Fcfa/mois autant pour les chancelleries on voit ça dans les les comptabilités des Ambassades après des decennies on a pas pu construire ou acheter des batiments.

  3. Allo241 dit :

    Oui. C est possible. Ces gens coûtent cher à l Etat gabonais. Loyers. Frais de tout genre pour zéro résultat.
    Nous sommes en période de crise doit on continuer à entretenir ces personnes qui pour la plupart n apporte rien au pays ? Entre rapatrier ce beau monde ou continuer à envoyer des budgets qui sont au passage pillés par ces personnes ou laisser nos ambassades à l état qu elle est la bonne solution ?
    Avant de publier ce type d article prenez soin de vérifier combien le Gabon dépense par année budgetaire pour tout ça.
    Dire que les moyens manquent pour rapatrier ces personnes et leur famille c’est du pipo.
    Les gabonais veulent le changement pas la continuité de la betise.
    Les autres pays moins nantis l ont fait pourquoi pas nous.

  4. medzomekoure dit :

    Vous avez envoyé vos parents, amis et connaissances en « diplomatie »,certains y sont totalement inutiles,donc improductifs pour le pays. Pourquoi continuer dans cette bêtise,alors que vous dites vous mêmes que le pays n’a plus d’argent?faites les revenir tout simplement,qu’ils viennent se débrouiller sur place comme tout le monde. Toutes ces ambassades ne servent à rien surtout au regard des profils de certains de nos « diplomates ».Pitié.

  5. Omva dit :

    Les missions du conseiller culturel:
    L’un des rôles d’une ambassade est de faire valoir la culture de son pays. A cette fin, le conseiller culturel pourra par exemple organiser des conférences ou des colloques avec des intervenants gabonais, monter des expositions sur tel ou tel aspect de l’art gabonais, inviter des écrivains ou de grands couturiers.
    Les postes diplomatiques les plus importants peuvent être animés par plusieurs conseillers culturels.
    A l’inverse, des ambassades plus modestes n’en sont pas dotées du tout. Ce rôle est alors assumé par l’ambassadeur. Avons nous visibilité de ce genre d’évenements dans les pays amis ? Les conseillers culturels des ambassades de « chez nous » font vraiments ça « 

  6. Akoma Mba dit :

    Ce que font les autres c’est trouver des citoyens de leur pays bien installés et qui n’ont pas besoin que l’Etat paie leur loyer et leur sécurité sociale et encore moins toutes ces dépenses exorbitantes du soit-disant diplomate africain incapable de trouver des investisseurs pour son pays

    • messowomekewo dit :

      La diplomatie ne s’improvise pas,on en a fait une chasse gardée, réservée à une caste de gabonais qui n’ont pas toujours l’étoffe,c’est pour celà que notre « diplomatie » est aphone et inaudible.Ce n’est pas une sinécure ,il faut quasiment faire don de soit pour être un bon diplomate au service de son pays.L’action diplomatique ne limite pas à aller se terrer quelque part en Europe ou ailleurs,il faut défendre les intérêts de tous ordres du pays,de jour comme de nuit, sans jamais se lasser.Ceux qui font office de « diplomates » chez nous sont plus promptes à défendre leur petit confort matériel, sans jamais se demander quel est leur véritable rendement par rapport aux attentes du pays…

  7. Célestin Ngue Bie dit :

    Comme il s’agit exclusivement de copains et coquins du système la Ision est difficile à prendre

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