À l’ère de la transformation numérique, l’intelligence artificielle s’impose comme un levier de modernisation incontournable pour les administrations publiques. Entre promesses d’efficacité et défis d’implémentation, son intégration dans la gestion des finances publiques au Gabon représente à la fois une opportunité stratégique et un parcours semé d’obstacles. Ce document explore comment cette technologie révolutionnaire pourrait transformer la gouvernance financière, optimiser les ressources et renforcer la transparence dans un pays en développement, tout en présentant les expériences internationales qui pourraient inspirer cette transition numérique essentielle.

L’IA représente un outil stratégique pour améliorer la gestion des finances publiques. Toutefois, une adoption efficace exige une attention particulière aux enjeux éthiques, sociaux et techniques. © GabonReview

 

Davy Nding Mwande est Directeur Financier à l’Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences (ANINF) © D.R.

L’intelligence artificielle (IA) constitue une avancée majeure dans de nombreux secteurs, y compris celui des finances publiques, en offrant des outils pour optimiser les processus administratifs, améliorer l’efficacité budgétaire et renforcer la prise de décision. Toutefois, force est de constater que ce domaine demeure encore embryonnaire dans les pays en voie de développement à l’instar du Gabon. Le présent document expose les domaines d’application, les avantages, ainsi que les limites et défis inhérents à l’utilisation de l’IA, tout en présentant des exemples concrets issus de l’expérience internationale.

  1. Domaines d’application de l’IA

1.1. Optimisation de la gestion financière publique

L’IA permet une meilleure gestion des recettes fiscales et des dépenses publiques en identifiant les fraudes et en optimisant les audits. Par exemple, l’IRS aux États-Unis utilise des modèles prédictifs pour détecter les comportements fiscaux anormaux, tandis qu’au Royaume-Uni, l’IA ajuste les budgets en fonction des tendances économiques. Ainsi, cette optimisation réduit les pertes financières et améliore l’efficacité de l’administration fiscale.

1.2. Amélioration des prévisions et de la gestion de la dette

L’IA offre des projections fiables sur les revenus fiscaux et les dépenses publiques, facilitant la planification économique. En France, des modèles prédictifs anticipent les tendances économiques et guident les politiques budgétaires.

Par ailleurs, les administrations utilisent l’IA pour recommander des stratégies de financement optimales et évaluer les risques liés aux taux d’intérêt. L’Italie, par exemple, exploite ces technologies pour optimiser la gestion de sa dette souveraine. Par conséquent, on assiste à une réduction importante des coûts d’emprunt à long terme.

  1. Avantages de l’IA

2.1. Renforcement de l’efficacité administrative

L’automatisation des tâches répétitives, telles que la gestion des courriels ou le suivi des commandes permet de libérer du temps aux agents publics pour des missions stratégiques. En effet, certains systèmes d’IA peuvent analyser en temps réel les niveaux de stocks pour éviter les ruptures et lutter efficacement contre le gaspillage. Dans un ministère, cela pourrait signifier une gestion plus précise des fournitures de bureau par exemple. Cela conduit à une allocation plus efficace des ressources.

2.2. Amélioration de la transparence

L’utilisation de l’IA dans l’analyse des dépenses publiques renforce la lutte contre la corruption. En Inde, la plateforme Public Financial Management System (PFMS) permet de détecter les anomalies financières. Ainsi, les fonds publics sont mieux protégés contre les abus.

2.3. Optimisation de la prise de décision

En s’appuyant sur des données objectives, l’IA aide à allouer les ressources de manière équilibrée. Au Canada, par exemple, les modèles d’IA sont utilisés pour prioriser les projets d’infrastructure ayant le plus grand impact environnemental et économique. Par conséquent, l’allocation des subventions est mieux décidée.

2.4. Prévention des fraudes

L’IA permet d’identifier précocement les contrats frauduleux et les comportements suspects. L’IRS aux États-Unis a réussi à prévenir d’importantes fraudes fiscales grâce à ces outils, ce qui limite la corruption et protège les recettes publiques.

2.5. Systèmes de gestion intelligents

Les plateformes d’IA intègrent divers aspects de la gestion, comme la logistique et la sécurité. Dans une administration publique, cela pourrait inclure la mise en utilisation de tableaux de bord pour surveiller l’occupation des locaux, la consommation d’énergie et les interventions en cours. Ainsi, les administrations améliorent leur gestion opérationnelle.

2.6. Optimisation des coûts

Les systèmes d’IA peuvent identifier des opportunités d’économie en évaluant les coûts des fournisseurs. Pour ce qui est des moyens généraux par exemple, l’IA pourrait comparer les tarifs des prestataires pour des contrats d’entretien et recommander les options les plus économiques. Cela entraîne une réduction significative des dépenses publiques.

2.7. Maintenance prédictive

L’IA identifie rapidement les problèmes éventuels grâce à l’analyse des données des équipements. Pour un bâtiment administratif par exemple, la mise en utilisation des capteurs connectés pourrait permettre de détecter des anomalies dans les systèmes de climatisation, évitant ainsi des pannes coûteuses. En conséquence, les frais de réparation sont réduits.

  1. Limites et défis

3.1. Défis technologiques

L’IA dépend de données précises. Aussi, son implémentation nécessite des coûts significatifs. Ceci constitue souvent des freins à son adoption. En effet, selon une récente étude du cabinet Deloitte, les entreprises de tailles importantes investissent en moyenne entre 5 et 10 millions de dollars par an dans les projets d’IA. Ainsi, ces coûts élevés limitent l’égalité d’accès à la technologie entre pays et organisations.

3.2. Protection des données

En cas de faille ou de non-mise en place des mesures de protection adéquates, les systèmes d’IA peuvent exposer des informations sensibles, telles que les données fiscales. Une IA analysant des dépenses publiques, par exemple, pourrait involontairement révéler des données personnelles comme les revenus ou les transactions bancaires des citoyens. Cela pourrait entraîner une perte de confiance de la part du public.

3.3. Automatisation excessive

La substitution de certaines fonctions humaines par des systèmes automatisés peut entraîner des conséquences sociales importantes, notamment des pertes d’emplois. Certains outils, par exemple, peuvent générer automatiquement des rapports financiers, réduisant la nécessité d’analystes humains. Ainsi, des tensions sociales peuvent émerger.

3.4. Intégration dans les infrastructures existantes

L’obsolescence des systèmes informatiques dans les pays en voie de développement, à l’instar de certains pays africains, rend l’intégration de l’IA complexe, en augmentant les délais et les coûts d’intégration. Cela freine la modernisation des administrations publiques.

Conclusion

L’IA représente un outil stratégique pour améliorer la gestion des finances publiques. Toutefois, une adoption efficace exige une attention particulière aux enjeux éthiques, sociaux et techniques. En investissant dans des solutions adaptées et en veillant à une mise en œuvre transparente, les administrations publiques pourront exploiter pleinement le potentiel de l’IA au service de l’intérêt général. L’ANINF qui a pour mission de créer un écosystème numérique sécurisé, innovant et souverain, capable de répondre aux défis technologiques et stratégiques du Gabon, avec la mise en utilisation de l’outil FINEPRO au sein de la Direction Financière s’intègre bien dans cet élan de digitalisation de l’administration publique.

Davy NDING MWANDE, Directeur Financier à l’Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences (ANINF)

Pour en savoir plus : https://aninf.ga/

 
GR
 

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