Autorisés à travers le nouveau Code électoral à candidater lors des prochains scrutins électoraux au Gabon, les militaires et les magistrats alimentent désormais la chronique dans le pays. Cette disposition présentée comme innovante par Hermann Immongault, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, est vigoureusement contestée par la plateforme Ensemble pour le Gabon (EPG) présidée par Alain-Claude Bilie-Nze. Dans une déclaration, le 24 janvier dernier, il a annoncé le rejet «ferme» de ce nouveau au texte, non sans se demander si les casernes militaires vont désormais être transformées en siège de partis politiques.  

Le leader d’Ensemble pour le Gabon (EPG), Alain-Claude Bilie-By-Nze, le 24 janvier 2025. © GabonReview

 

Plus que les autres moments où il a pris la parole publique, le leader d’Ensemble pour le Gabon (EPG), Alain-Claude Bilie-By-Nze, est de plus en plus critique envers le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) et surtout envers son chef, le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema. Alors que la date de la présidentielle a été fixée, l’ancien Premier ministre estime qu’il y a «précipitation», d’autant plus que le calendrier initial soumis aux chefs d’État de la CEEAC et au reste de la communauté internationale prévoyait la tenue de cette importante échéance électorale à août 2025.

«Duperie et d’une trahison»

Commentant la date de la présidentielle, il fait remarquer que «le choix du 12 avril par le CTRI -Comité pour la transition et la restauration des institutions- relève d’une duperie et d’une trahison». Il ajoute également que «le 12 avril est une fuite en avant d’un pouvoir aux abois, plombé par son lourd passif». Ce, non sans dire qu’«en quinze mois seulement, ils ont battu tous les records en matière de scandales financiers, de corruption, de violation des droits humains, de nominations népotiques et de reniements de toutes sortes».

S’il n’a pas annoncé sa candidature à cette échéance, à laquelle il devrait certainement être sur la ligne de départ, Alain-Claude Bilie-By-Nze, s’offusque encore de cette anticipation. Pour lui, «choisir d’organiser l’élection présidentielle en pleine année scolaire, c’est la preuve, s’il en fallait encore une, que ce pouvoir ne recule devant rien pour s’accrocher y compris devant le risque de faire perdre une année scolaire à nos enfants». «Car, qui dit élection au mois d’avril signifie perturbation des mois de mars, avril et mai», a-t-il indiqué.

Interpellant une fois de plus la communauté internationale qui, pour lui, par son silence, «semble porter caution à la mascarade à laquelle nous assistons», l’ex-patron de la haute administration gabonaise dit «avec force» : «le Gabon n’a pas vocation à être le laboratoire des coups d’État politiquement corrects. Le Gabon et son peuple ne subiront pas le diktat du fait accompli».

«Le CTRI est-il finalement un parti politique et les soldats, des militants de fait ?»

L’un des points ayant meublé cette sortie est la position d’EPG sur la place accordée aux militaires et aux magistrats dans le nouveau corpus juridique électoral. «Les casernes militaires vont-elles désormais être transformées en siège de partis politiques, le CTRI, est-il finalement un parti politique et les soldats, des militants de fait ?» a questionné le leader d’EPG, regrettant le fait que le président de la Transition fait «entrer la politique dans les casernes».

Le débat enfle dans le pays sur cette possibilité accordée à ces catégories de citoyens de se présenter aux élections. Les positions sont tranchées et les supporteurs, acquis à un camp comme à l’autre rivalisent d’arguments pour justifier leur position.

Raillant cette décision, très discutée de «faire entre les militaires et magistrats en politique», l’ex-chef du gouvernement reconnait néanmoins qu’ils sont citoyens comme tous les autres, ont des opinions diverses et le droit d’accomplir leur devoir civique. Sauf qu’il estime que délaisser leurs missions et s’adonner à la politique, mettra le pays en danger permanent, tant à l’intérieur que face à des menaces extérieures.

«Arrêtons de ridiculiser le Gabon»

«Arrêtons de ridiculiser le Gabon», a-t-il clamé, présentant une situation pouvant survenir : «imaginez deux ou trois officiers supérieurs, chefs de différents corps d’armée, candidats à une même élection, chacun d’entre eux à la tête de ses troupes et disposant d’armes. Qu’adviendrait-il si une crise post-électorale venait à éclater ?»

À ce propos, il prend exemple du Soudan où deux généraux, puissamment armés, et disposant de troupes, s’affrontent depuis plusieurs mois. «Les morts se comptent par milliers, les déplacés par millions, avec des familles qui errent, baluchons sur la tête, à la recherche d’un hypothétique refuge», a fait observer l’ancien Premier ministre, disant que «dans le cas du Gabon, avec ses deux millions d’habitants, ce serait l’apocalypse».

Réitérant leur position, le chef d’EPG a une nouvelle fois demandé aux militaires «d’honorer leur engagement pris solennellement et publiquement le 4 septembre 2023, celui d’organiser des élections libres, transparentes et inclusives, sans qu’ils en soient juges et parties, avant de regagner leurs casernes, tel qu’ils l’avaient promis».

 
GR
 

6 Commentaires

  1. Gayo dit :

    Intéressant. Alain Claude Bilie Bi Nze semble enfin reconnaître que certaines exclusions sont nécessaires pour préserver ou renforcer la sécurité et la stabilité du pays. Il serait peut-être temps de mettre fin à une opposition systématique, faite de discours polarisants où tout est présenté comme noir ou blanc, sans jamais considérer les zones grises. En effet, si vous estimez que l’exclusion des militaires des processus électoraux est essentielle pour protéger le pays contre des risques de déstabilisation, il serait incohérent de rejeter l’idée que l’exclusion des binationaux, des moins de 35 ans et des plus de 70 ans puisse également contribuer à renforcer l’intégrité et la stabilité nationale.

    Vous citez le Soudan pour justifier votre position sur les militaires, mais les raisons ayant conduit à exclure les binationaux, les jeunes et les anciens sont profondément enracinées dans notre propre histoire. Un « Alihanga » qui a menti sur ses origines, un Accrombessi qui a pillé le pays avant de fuir avec les capitaux, ou encore un Ali Bongo, diminué et incapable de gouverner, laissant les rênes à une bande d’incompétents : voilà des exemples tirés de notre vécu.

    Et maintenant, vous osez appeler la communauté internationale pour lui imposer votre agenda au Gabon ? La beauté de vos paroles résonne aussi fausse qu’un anneau d’or sur le nez d’un porc. Apres les évènements de 2016, où vous avez rejeté les avis de cette même communauté internationale sur votre mascarade électorale et la fraude gigantesque, vous souteniez que la communauté internationale n’avait plus aucun rôle à jouer au Gabon. Vous avez organisé les élections les plus antidémocratiques, les plus opaques et injustes de notre histoire en interdisant cette même communauté internationale d’y assister. Pourtant, elle n’a rien dit.

    La communauté internationale on la connait assez pour savoir que c`est d`abord une histoire entre gabonais, dans un pays souverain. Vous n`allez pas la manipuler.

    Les « coups d’État politiquement corrects » ne se décident pas selon les dogmes de la communauté internationale. Ce sont les Gabonais eux-mêmes qui jugent, et dans ce cas précis, c’était un mal nécessaire, « le moindre mal », comme l’a dit Ndong Sima. Vous êtes déphasé, à la fois avec le peuple gabonais et avec la communauté internationale. C`est devenu votre spécialité. C’est peut-être pour cela que vous êtes l’un des rares hommes politiques à avoir peur d’interagir avec le peuple, au point de bloquer les commentaires sur vos réseaux sociaux. Ali Bongo acceptait les commentaires sur sa page Facebook, Oligui aussi, mais vous, le « champion de la démocratie », vous vous murez dans le monologue numérique.

    Le penchant autocratique que l’on reprochait à Ali Bongo semble encore plus marqué chez vous, Bilie Bi Nze. Votre discours contradictoire – où vous affirmez tantôt qu’il faut exclure pour la stabilité du pays, tantôt qu’il ne faut pas exclure pour respecter les droits des Gabonais – trahit une dangereuse prétention à détenir la vérité absolue. Le véritable danger, c’est celui qui se croit doté de la science infuse.

    Arrêtez de mêler manipulations et sujets sérieux si vous voulez gagner en crédibilité. Vos propos selon lesquels « ils ont battu tous les records en matière de scandales financiers » relèvent davantage de votre imagination que d’une réalité objective. Ce qu’ils ont surtout battu, c’est le record en matière de transparence dans la gestion des finances publiques, révélant des scandales qui, sous Ali Bongo, restaient enfouis et impunis. Et en seulement 15 mois, le CTRI a établi un record en matière de sanctions administratives. Chaque chose en son temps.

    Nous espérons retrouver un jour une opposition qualitative, structurée autour d’analyses réfléchies et pertinentes, comme celles de Mamboundou ou Mba Abessole. Pas cette bouillie intellectuelle que vous nous servez, où des questions sérieuses se mélangent à des incantations manipulatrices dénuées d’analyses objectives. Vous n’êtes qu’un sophiste, Bilie Bi Nze. Arrêtez de vous cacher dans des salles de conférence. Le temps est venu d’organiser de vrais meetings, comme le faisaient les véritables opposants de ce pays. Et surtout, débloquez vos réseaux sociaux pour dialoguer avec le peuple, comme le font les vrais leaders. Enfin, si vous avez des idées solides, participez à des débats au lieu de vous réfugier dans des monologues remplis de contre-vérités faciles à démonter.

  2. Gayo dit :

    Alain Claude Bilie Bi Nze, vous affirmez qu’il est préférable, pour la stabilité du pays, que les militaires ne soient pas autorisés à participer aux joutes électorales. Mais pour être conséquent, ne devrait-on pas également admettre que protéger la souveraineté du pays passe par l’interdiction faite aux binationaux d’accéder à la présidence de la République ?

    Vous évoquez le cas du Soudan, un exemple lointain, mais nous avons frôlé une catastrophe avec Brice Laccruche Alihanga, qui s’est dangereusement rapproché du poste de président grâce à un immense mensonge rendu possible par sa double nationalité. Il allait le devenir si Ali ne revenait pas, il avait tout vérouillé. Ali Bongo et vous-même saviez pertinemment qu’Alihanga mentait lorsqu’il prétendait avoir un père biologique gabonais. Pourtant, tant que cela servait vos ambitions personnelles, vous avez fermé les yeux sur cette supercherie flagrante. Vous avez accepté de collaborer avec un homme d’une mauvaise foi criminelle, jusqu’à ce que vous décidiez de lui régler les comptes.

    Alihanga a pu entretenir ce mensonge au cœur de la République avec une facilité déconcertante. Si un personnage de moindre envergure comme lui a pu falsifier sa filiation pour consolider sa position au sein de l’administration gabonaise, combien serait-il encore plus facile pour un enfant adopté ailleurs, par exemple au Biafra, de tromper tout un système administratif complaisant ?

    Si Alihanga a pu maintenir une telle manipulation pendant si longtemps, il n’est pas déraisonnable de penser qu’Ali Bongo pourrait effectivement avoir des origines biafraises. C’est peut-être pour cela qu’il a trouvé acceptable qu’Alihanga obtienne frauduleusement des documents administratifs sur sa nationalité, lui permettant de gravir les échelons de l’administration gabonaise.

    Alors, Alain Claude Bilie Bi Nze, comment pouvez-vous ne pas comprendre les raisons qui ont conduit à interdire aux binationaux de devenir président ? Est-ce parce que, comme Ali Bongo, vous comptez sur des mercenaires étrangers à qui vous offririez la nationalité gabonaise comme on distribue des biscuits, pour mieux confisquer à nouveau le pouvoir ? Est-ce pour cette raison que vous appelez avec insistance la communauté internationale à soutenir votre agenda, au mépris des aspirations profondes du peuple gabonais ?

  3. Gayo dit :

    Alain Claude, même si la participation des militaires aux joutes électorales peut réellement engendrer des risques de déstabilisation, l’exemple du Soudan que vous évoquez n’est pas si pertinent. Il semble davantage s’inscrire dans vos manœuvres de manipulation.

    Dans le cas du Soudan, sous Omar el-Béchir, l’armée a été le pilier du régime pendant plus de 30 ans de pouvoir militaire. Les généraux et hauts gradés ont occupé des postes clés au sein du gouvernement, marginalisant les civils et contribuant à des décennies d’instabilité et de corruption. Ce scénario n’a rien de comparable avec la situation actuelle au Gabon, où les institutions de transition ne montrent aucun signe d’une prise totale du pouvoir par les militaires. Si tel était le cas, nous n’aurions pas vu les civils – notamment des politiciens du PDG, pourtant responsables de la ruine du pays – dominer les institutions de la transition, y compris le gouvernement.

    Ce qu’il faut garantir, c’est que, si les militaires ou magistrats souhaitent concourir à des postes politiques, ils soient tenus de démissionner de leurs fonctions avant de se porter candidats. Cette exigence est d’ailleurs la norme dans plusieurs grandes démocraties :

    – États-Unis : Les militaires en service actif ne peuvent pas se présenter à des élections. Ils doivent démissionner ou prendre leur retraite avant de briguer un mandat politique.
    – France : Les membres des forces armées doivent être mis en disponibilité ou démissionner pour pouvoir se présenter aux élections. Les magistrats doivent également renoncer à leurs fonctions judiciaires s’ils souhaitent faire de la politique.
    – Canada : Les militaires actifs doivent quitter leurs fonctions avant de participer à des élections, et les juges doivent démissionner s’ils envisagent une carrière politique.

    Ces règles, en vigueur dans des nations reconnues pour leur stabilité démocratique, garantissent une séparation claire entre les fonctions administratives, judiciaires ou militaires et les responsabilités politiques. Cette séparation est essentielle pour éviter les conflits d’intérêts et préserver l’équilibre des pouvoirs.

    Alors, au lieu d’invoquer des exemples lointains et peu pertinents, ne serait-il pas plus productif de réfléchir à des mécanismes simples et éprouvés qui pourraient être adoptés au Gabon ? Des mesures claires comme l’obligation de démissionner permettraient de protéger la souveraineté et la stabilité du pays sans verser dans des discours manipulatoires.

  4. Yann Levy Boussougou-Bouassa dit :

    Une fois de plus ce monsieur a raison. Et une fois de plus certains vont lui opposer son passif. Mais de grâce, laissez le batteur de tam-tam et intéressez-vous à son son ; laissez le doigt et intéressez-vous à la lune. Vous n’avez vraiment pas le sentiment qu’elle se rapproche dangereusement ?

  5. Akoma Mba dit :

    Tout à fait raison. La critique des chanteurs de louanges au CTRI-PDG NOUVEAU

  6. Jean Jacques dit :

    Tous les criminels corrompus, voleurs,peuvent tout faire,mais attendez vous de vivre avec les SANCTIONS LES DURES,par votre note en économie aucun pays au monde va preter son argent à un pays qui la note CCC.

Poster un commentaire