Léod Paul Batolo, ADG de Comilog : «On ne peut pas plaire à tout le monde»
«C’est notre responsabilité de les accompagner méthodiquement, de les accompagner dans nos possibilités», «nous sommes là encore pour longtemps», «on ne peut pas plaire à tout le monde», «Comilog est une société qui se porte très bien». Ce sont là les morceaux choisis de l’entretien récemment accordé, aux médias, par Léod Paul Batolo. L’Administrateur directeur général (ADG) de la Compagnie minière de l’Ogooué, premier producteur mondial de manganèse, a notamment été amené à s’expliquer sur la cité de relogement de Lékolo2, la santé de l’entreprise, la gestion de l’impact environnemental de l’activité minière, les nouvelles laveries, etc.
Question : Quelle est aujourd’hui, monsieur l’Administrateur directeur général de la Comilog, la situation de la cité Lékolo ?
Léod Paul Batolo : Nous venons d’avoir cette discussion. Vous êtes venus à Moanda, vous êtes partis visiter la cité Lékolo. Vous avez rencontré les populations. Aujourd’hui, après avoir construit 417 maisons au bénéfice des compatriotes et des populations des quartiers Léyima, Mont-Bangombé et Lékolo, nous sommes dans un processus de distribution de ces maisons.
Bien sûr, nous avons aujourd’hui des discussions avec quelques contestataires et cela fait partie d’un processus démocratique normal. Dans notre processus de distribution, nous avons un processus de plainte. Et nous gérons ces plaintes dans le cadre des discussions ad hoc correspondant à ce genre de processus.
Il ne faut pas sous-estimer le fait que nous sommes en train de déplacer 2500 âmes qui peuvent avoir des angoisses et qui peuvent avoir des raisons de douter. Et c’est notre responsabilité de les accompagner méthodiquement, de les accompagner dans nos possibilités. C’est notre responsabilité de les accompagner dans notre processus pour réussir leur relogement. Mais nous ne pourrons pas faire ça dans le désordre. Nous ne pourrons pas le faire dans une contestation violente verbalement, violente avec des mensonges, mais surtout une contestation qui est négative. On a le droit, dans ce genre de processus, de porter plainte. Mais plutôt que d’arriver sur la table de travail avec ses craintes, on les pose sur la table positivement. Il n’y a aucun des problèmes qui ne peut pas être résolu si les parties s’engagent positivement à vouloir régler la question.
Aujourd’hui, ce n’est pas le cas de tous les contestataires. Nous avons un taux de relogement qui est très satisfaisant puisque les gens demandent, et vous m’avez dit vous-mêmes lors de la conférence de presse que les gens attendent les contrats. Ça veut dire qu’il y a beaucoup de gens qui sont engagés à partir. C’est notre devoir de les accompagner. C’est également notre devoir d’écouter ceux qui ont des craintes. Et nous allons le faire. Nous allons les accompagner, pas par pas, pour les rassurer ; parce que ce n’est pas une opération qui doit être stressante ou angoissante. Par contre, on ne saura pas résoudre le problème des gens qui veulent faire le désordre.
Le problème sera résolu avec d’autres pratiques, mais peut-être ailleurs. Nous, nous sommes engagés positivement à accompagner les populations qui présentent de vraies angoisses et que nous avons le devoir d’accompagner.
Quel message pour les populations qui ne veulent pas intégrer ces maisons ?
Alors, dans le processus que nous avons mis en place, plusieurs indemnisations existent. Le relogement par compensation de maison en est une. C’est un des aspects. Mais ceux qui ne veulent pas aller dans cette cité peuvent être dédommagés financièrement. Charge à eux de trouver un terrain, charge à eux de construire la maison qui sied à leurs attentes. Cela fait partie aussi de la solution. On ne force pas les gens à partir dans cette cité. C’est une cité qui va peut-être résoudre le problème de 90 à 95% de personnes. S’il y a 5% qui ne veulent pas y aller, libre à eux. Et cette partie est prévue dans notre processus pour qu’on puisse offrir à ces populations une autre forme de compensation, qui est financière.
Comilog est fier d’avoir bâti une nouvelle ville à côté de l’ancienne. Bien sûr, mais pas que Comilog, l’État gabonais qui nous accompagne est aussi fier de pouvoir proposer à nos compatriotes des maisons modernes ; une nouvelle cité moderne qui va permettre d’améliorer les conditions de vie, les conditions d’accès à l’eau, les conditions d’accès à l’électricité, les conditions de modernité à nos compatriotes. Et beaucoup sont contents et fiers d’aller dans cette cité, et ça nous réjouit. Mais nous devons faire les choses, comme je l’ai dit tout à l’heure, méthodiquement. C’est notre responsabilité.
L’une des frustrations récurrentes est que ces maisons ne ressemblent qu’à des coffrets en béton armé…
Oui, on peut discuter de cette méthodologie. Vous savez, moi j’ai grandi dans une maison qui a été construite en terre battue. Après je suis passé dans des maisons construites en planche, et après j’ai vécu dans des maisons construites en parpaings. Le béton n’est pas un défaut. Beaucoup d’immeubles, aussi bien à Moanda, à Libreville et dans le monde entier, sont construits en béton. Le béton fait partie des matériaux de construction sélectionnés pour construire les maisons avec une solidité et un bien-être reconnus. C’est ce que nous avons fait dans cette cité. Nous avons choisi une méthode de construction qui nous permettait d’aller vite, parce qu’il fallait délivrer 400 maisons en très peu de temps, et nous avons pu, avec cette méthode, construire une maison complète, finie, en moins d’un mois. Ce que l’on ne sait pas faire avec les autres types de méthodologies de construction.
Oui, encore une fois, 90 à 95% de personnes acceptent ces maisons. Avec cette méthode, on peut construire des maisons et les 5% qui n’acceptent pas, on va les aider, par une compensation financière, à aller construire leur maison avec les matériaux qu’ils veulent. Et ça fait partie aussi de la vie. On ne peut pas plaire à tout le monde, et ce que nous faisons ne plaît pas à tout le monde. Mais ça, il faut le comprendre, l’accepter et vivre avec. 19 milliards pour construire cette cité, c’est beaucoup d’argent !
Quelle est, aujourd’hui, la situation et la santé financière de l’entreprise ? La Comilog se porte-t-elle bien ?
Vous faites allusion au prix de cette cité. C’est le prix qu’il fallait payer pour améliorer les conditions de vie de nos compatriotes. Donc, à l’intérieur de ces 19 milliards, il y a bien sûr les maisons stricto sensu. Mais, il y a eu tous les aménagements, terrassements. C’était un terrain vierge. Quand on est arrivé, c’était la forêt. On a vu tous les terrassements, tous les assainissements qui ont été faits. L’alimentation en eau, l’alimentation en électricité, plus les routes.
À l’intérieur de cette cité, on a 10 km de routes en pavés. Plus deux routes d’accès à la cité. Tout ça a un coût. C’est le coût qu’il fallait payer… Je parlais d’améliorer les conditions de vie. J’ai beaucoup de populations qui nous disent également merci. Parce qu’ils sont capables, quand ils sont malades, d’avoir un taxi qui vient les chercher devant leur maison. Qui vient les déposer devant leur maison. Quand ils ont leurs courses à ramener, ils ont un taxi. Ils ne marchent plus avec des colis sur la tête sur un ou deux kilomètres. Parce que dans certains quartiers, il n’y a pas forcément de route d’accès. Tout ça fait partie de la modernité que nous devons apporter à nos compatriotes et à nos populations.
En quelques mots, comment se porte la Comilog aujourd’hui ?
Comilog est une société qui se porte très bien. Depuis 2020, nous sommes devenus le premier producteur mondial de manganèse. Nous avons une croissance qui est établie. Nous avons eu un frein en 2023, suite à quelques difficultés liées à la logistique. Nous avons dû faire face à un éboulement en fin 2022. Et nous avons eu un déraillement en avril 2023 qui a ralenti quelque peu notre activité. Nous avons fini malgré tout à 6,6 millions de tonnes en 2023.
Notre pronostic, notre projection pour 2024 est de 7,5 millions de tonnes produites, transportées, embarquées. C’est une société qui se porte très bien avec un personnel engagé, très engagé, qui a envie de relever tous les défis, qui a des capacités de résilience. Je suis donc fier de tout cela. Et c’est une société pour laquelle les Gabonais peuvent être fiers.
Est-ce que vous ouvrez de nouveaux plateaux ?
Nous ouvrons de nouveaux plateaux. Nous sommes encore là pour longtemps. Plus de 30, 40 ans, nous y serons encore. Je ne peux pas vous donner une date parce qu’on peut parler en termes de ressources. Les ressources que nous avons sont certifiées. Aujourd’hui, nous avons des programmes d’exploration qui nous permettent d’aller chercher de nouvelles ressources dans tout le Gabon. Et nous sommes là encore pour longtemps. C’est tout ce que je peux vous dire.
Qu’en est-il des laveries ?
Le président de la République, son excellence Brice Clotaire Oligui Nguema, est venu inaugurer les nouvelles laveries. Ça montre que les actionnaires de la Comilog, donc l’État gabonais et le groupe Eramet, sont confiants puisqu’ils y ont mis beaucoup d’argent. Plus de 300 milliards pour ouvrir le plateau Okouma et construire de nouvelles laveries. Ça montre qu’ils sont confiants parce que, quand vous avez des actionnaires qui sont capables de mettre un tel niveau d’investissement, cela veut dire qu’ils ont confiance à leur société, à leurs outils.
Et ça vous donne encore un élément supplémentaire de la bonne vitalité de la Comilog. Ces laveries ont été inaugurées au mois de février pour nous permettre de vivre encore. Pour vous donner un ordre de grandeur, l’ancienne laverie a déjà presque 60 ans. Comilog a 60 ans. Nous venons d’ouvrir de nouvelles laveries, 60 ans après. Cela vous donne l’ambition et l’espérance que nous avons de voir cette société continuer à vivre longtemps. Et les niveaux d’investissement, je le redis, sont très importants. Ça témoigne de la confiance des actionnaires au niveau de la société.
L’impact sur l’environnement de ces laveries ?
Il est maîtrisé. Nous sommes certifiés ISO 14001 depuis 2012. Tout ce que nous faisons est donc tenu de respecter l’environnement, mais pas que l’environnement, la biodiversité également. Vous avez la fondation Lékédi Biodiversité à Bakoumba qui nous permet effectivement d’adresser ces questions de biodiversité et d’environnement. Je vous annonce également que nous sommes en train de vouloir entrer dans le nouveau certificat IRMA qui est très exigeant également en termes d’environnement. Et tout ça fait partie d’un programme exaltant, excitant pour tout le personnel de Comilog.
Est-ce à dire que plus de pollution à grande échelle, désormais, consécutive à l’exploitation du manganèse ?
Nous surveillons toutes nos activités et nous maîtrisons tout notre impact. Il n’y aura plus de pollution comme ça a été dans le passé. C’est-à-dire avant 2010. On avait un sujet de pollution qui est réglé depuis 2010. C’est le sujet de la rivière Moulili. Nous l’avons adressé avec responsabilité. Nous avons assumé notre passif et nous avons adressé cette question. Et nous sommes en train de vider la rivière Moulili avec une réhabilitation par valorisation de ses sédiments. Et aujourd’hui, nous sommes en contrôle de toutes nos opérations. Tout ce que nous faisons est contrôlé, monitoré. Nous avons des plans d’action qui adressent toutes ces questions d’environnement.
Propos recueillis par Désiré Clitandre Dzonteu
0 commentaire
Soyez le premier à commenter.