Le projet Grand Belinga, comme une peau de chagrin
Le Grand Belinga, autrefois considéré comme le plus grand projet du Gabon, est désormais un petit projet local sans envergure qui semble ne plus intéresser les Gabonais. Malgré son lancement discret, l’exploitation du gisement de fer de Belinga suscite des questions sur son impact quotidien et les infrastructures prévues initialement. Les bénéfices, les partenaires impliqués et les impacts sociaux, économiques et environnementaux restent inconnus, laissant planer un doute sur les bénéficiaires réels de cette exploitation. Dans un contexte où le gouvernement communique à minima sur le sujet, renforçant les craintes quant à la perte des richesses nationales sans bénéfice pour le peuple gabonais, Abslow s’interroge.
Ce pays est une surprise permanente. Le projet Grand Belinga qu’on nous vendait il y a seulement 10 ans comme étant le plus grand projet du siècle jamais entrepris par le Gabon, après celui de la construction du chemin de fer Transgabonais dans les années 70, est devenu un petit projet local sans aucune envergure qui semble ne plus intéresser les Gabonais. Les Ogivins qui en étaient fiers et en attendaient beaucoup s’en seraient-ils, même eux, désintéressés ?
Si ce n’était pas le cas, on l’aurait déjà constaté par une grande opération de communication, comme le pouvoir en place nous en a habitués chaque fois qu’il croit avoir réalisé quelque chose d’exceptionnel. Et pourtant, depuis sa mise en route, le nouveau projet d’exploitation du gisement de fer de Belinga passe inaperçu, presque comme une comète. Le gisement de fer de Belinga, projet pharaonique dont on parle depuis Léon Mba, vous rendez-vous compte ?
Sa capacité à impacter le quotidien des Gabonais est-elle devenue si banale au point qu’on a été surpris d’apprendre dans la presse que les premiers camions auraient déchargé leurs premières cargaisons de fer à la gare ferroviaire de Booué pour être acheminée au port minéralier d’Owendo pour sa destination finale. Par quelle route sont passés ces camions chargés à Belinga pour se retrouver au Port d’Owendo ? Visiblement de Belinga à Booué via Makokou et Ovan.
Et à propos de route, chaque gabonais sait dans quel état se trouve ces tronçons en ce moment. Que dire du chemin de fer et du port ? J’ai souvenir que le projet initial prévoyait la construction d’une route, d’un chemin de fer et d’un port en eaux profondes dédié à l’exportation de ce minerai au Cap Estérias. Que sont devenues ces infrastructures associées au projet Belinga originel, pour que le fer de Belinga soit aujourd’hui dépoté en gare de Booué pour le port d’Owendo après avoir cahoté sur nos traditionnelles routes sinistrées ?
Ce démarrage d’exploitation en catimini de notre fer, si elle voulait absolument cacher ces lacunes, vient au contraire révéler la grande désillusion qui caractérise aujourd’hui ce grand projet qui fut cher aux présidents Léon Mba et Omar Bongo et à leurs générations. A défaut d’avoir pu le réaliser, ils avaient au moins le mérite de rêver grand et d’avoir une grande vision de l’exploitation de ce gisement qui était une belle ambition pour le Gabon.
Entre ces rêves de grandeur et la réalité qui nous est servie, on a beaucoup perdu en épaisseur. Le projet Belinga s’est réduit en une peau de chagrin. Ce gisement de fer, l’un des plus grands au monde encore inexploité, est aujourd’hui réduit à sa plus triste expression. Il est exploité comme on exploiterait une vulgaire carrière de sable ou de gravier dans lesquelles s’activent quelques pelles mécaniques conduites par quelques ouvriers non qualifiés pour charger quelques camions destinés à ravitailler des chantiers de particuliers.
Où sont passés les milliers d’emplois qualifiés qu’on y annonçait ? Où sont passés les investissements colossaux destinés à créer, autour de ce projet minier, un écosystème économique structurant pour faire de Belinga, de Makokou, de la province de l’Ogooué-Ivindo et du Gabon, un leader mondial de l’exploitation du fer qui demeure à ce jour une matière première stratégique au regard de sa forte demande sur le marché international ?
Où est le faramineux contrat d’exploitation de ce minerai ? Quels en sont les termes exacts ? Quelles sont les partenaires associés à ce projet ? Combien chacun d’eux a-t-il investi ? Quelle est la part de l’État gabonais dans ce contrat ? Combien d’emplois a créé ce projet ? Quelle place a-t-on réservée aux populations gabonaises en général et riveraines en particulier ? Quels sont les impacts sociaux, économiques et environnementaux liés à cette activité industrielle majeure ?
C’est autant de questions qui demeurent inconnues et qui semblent être recouvertes d’une certaine opacité. A qui profitera réellement l’exploitation du fer de Belinga ? Aux investisseurs étrangers ? A l’État gabonais ? Aux membres du gouvernement ? Au peuple gabonais ? Ou seulement à certains gabonais ? Quelles en sont les retombées concrètes pour le Gabon ? Pourquoi curieusement l’initiative pour la transparence des industries extractives reste-t-elle muette devant ce projet soudain ratatiné et dont les enjeux sont inconnus des Gabonais ?
Pourquoi le gouvernement communique-t-il à minima sur un projet longtemps attendu par plusieurs générations de gabonais ? Le service minimum instauré autour de ce projet laisse légitimement entendre que le fer de Belinga connaîtra le même sort que le pétrole de Port-Gentil ; que l’uranium de Mounana ; que le manganèse de Moanda et de Ndjolé ; que l’or de Minkebe et que les bois précieux de nos forêts… Quel triste destin que celui des Gabonais, de voir leurs richesses leur filer sous le nez sans jamais en profiter !
Abslowment vrai !
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