Le Prodece agricole au Gabon : une opportunité gâchée ou un espoir à réanimer ?
Le Projet de développement des compétences et de l’employabilité (Prodece), autrefois présenté comme un levier stratégique pour l’insertion professionnelle pour les jeunes dans divers secteurs, notamment l’agriculture, peine à répondre aux attentes. Les ambitions initiales se heurtent à des retards dans la mise en œuvre, des promesses non tenues et une gestion institutionnelle défaillante. Pourtant, des initiatives isolées montrent que tout n’est pas perdu.
Lancé en 2017 avec l’appui de la Banque mondiale, le Prodece avait pour objectif de former les jeunes Gabonais dans des secteurs porteurs comme l’agriculture. Au village agricole Graine de Bolokoboué, dans la commune d’Akanda, la méthode Duale, combinant 75 % de pratique et 25 % de théorie, a permis à de nombreux jeunes d’acquérir des compétences modernes en maraîchage, élevage et transformation agroalimentaire. Ces formations, gratuites et intensives, promettaient aux bénéficiaires une insertion rapide, soutenue par des parcelles attribuées dans les ZAP et un fonds d’amorçage.
Cependant, trois ans après la fin de leurs formations, les jeunes agripreneurs se disent abandonnés. Les parcelles promises n’ont jamais été attribuées, les financements se font attendre, et l’absence de suivi institutionnel les plonge dans l’incertitude. Prud’homme, spécialisé dans la culture du piment, exprime un sentiment partagé par nombre de ses pairs: «Après les formations, nous avons été laissés à nous-mêmes. Les infrastructures, les financements, le matériel… rien n’a suivi. Aujourd’hui, nous nous battons avec les moyens du bord, mais ce n’est pas suffisant pour être productifs». Même constat pour Yannick Mvé : «On nous avait promis des terres et un soutien logistique, mais rien n’a été respecté. Pourtant, nous voulons contribuer à l’autosuffisance alimentaire du Gabon».
Le rôle des ZAP et les limites du programme
Les Zones agricoles à forte productivité (ZAP), censées accueillir ces jeunes, n’ont jamais été opérationnelles. Pire, le bois d’œuvre destiné à leur aménagement aurait été détourné et vendu, selon plusieurs témoignages. Ce scandale illustre les graves dysfonctionnements administratifs qui entravent la réalisation de projets cruciaux pour l’économie nationale.
Pour combler ce vide, l’organisation IDRC Africa, acteur majeur du développement agricole, a pris l’initiative de récupérer certains jeunes abandonnés par le système. «Nous accompagnons actuellement une dizaine de jeunes en incubation et une vingtaine en suivi sur des sites extérieurs. C’est un effort essentiel pour éviter que leurs compétences ne se perdent», explique un responsable de l’organisation. Cette action, bien que salutaire, reste limitée en raison du manque de soutien institutionnel.
Une capitalisation des acquis négligée
Un autre problème majeur réside dans l’absence de capitalisation des acquis. Combien de jeunes ont été formés ? Combien ont réussi à s’insérer ? Ces questions restent sans réponse, révélant un manque criant de suivi et d’évaluation des programmes. «L’État met en place des projets, mais ne tire jamais parti des résultats obtenus. Nous continuons à former sans jamais consolider les acquis des formations précédentes», déplore un formateur.
Cette gestion déficiente des ressources humaines formées par le Prodece souligne une absence de vision à long terme. Les jeunes formés, désormais sans encadrement, restent pour la plupart inactifs, alors qu’ils pourraient constituer une force productive clé dans le secteur agricole.
Pistes de solution : de l’espoir au réalisme
Pour transformer les échecs constatés en succès durable, une refonte structurelle et un engagement ferme des autorités sont impératifs. L’État doit avant tout honorer ses engagements en mettant à disposition des terres agricoles sécurisées et en réhabilitant les ZAP pour garantir un cadre propice à la production. Par ailleurs, la coordination entre les différents acteurs, publics et privés, doit être renforcée afin d’assurer une continuité dans l’accompagnement des jeunes formés. Investir dans les infrastructures, telles que les routes d’accès aux sites agricoles, s’avère crucial pour améliorer la logistique et faciliter la commercialisation des produits locaux. En outre, une politique claire de capitalisation des acquis doit être mise en œuvre : chaque session de formation devrait systématiquement être suivie d’une évaluation rigoureuse permettant d’ajuster les stratégies et de maximiser les résultats.
Le Prodece, bien qu’imparfait, demeure un modèle inspirant pour d’autres initiatives. Mais sans actions concrètes et réformes structurelles, le potentiel de ces jeunes formés risque de s’éteindre. L’avenir de l’agriculture gabonaise repose désormais sur des choix courageux et une mobilisation collective. Investir sur les acquis est indispensable ; autrement, tout effort ne sera que saupoudrage.
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