Des noms, de nature à nourrir l’amertume, un soutien intéressé… Tenue le 12 du mois courant, la rentrée politique du Parti démocratique gabonais (PDG) complique la lecture des événements en cours.

La déclaration de Paul Biyoghé-Mba suggérant un soutien intéressé du PDG au CTRI renforce les soupçons d’opportunisme et de «partage du gibier», compromettant la crédibilité du processus de transition. © GabonReview

 

À en juger par les commentaires, la rentrée politique du Parti démocratique gabonais (PDG) apparaît comme le point de bascule du processus en cours, un tournant dans la relation entre le peuple et le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). Depuis le 30 août 2023, aucun événement politique n’a fait autant jaser. D’abord, en raison des noms, de nature à nourrir l’amertume : un ancien Premier ministre, connu pour être l’initiateur d’une purge administrative de triste mémoire et d’outrances diverses ;  un ancien directeur général du Budget au train de vie dispendieux, devenu ensuite le principal dirigeant de la très décriée Agence nationale des grands travaux (ANGT) ; un ancien haut fonctionnaire, jadis accusé malversations financières et passé par la case prison ; une baroudeuse de la vie politique nationale, réputée lisse, sans colonne vertébrale idéologique et prête à soutenir tout et son contraire.

Le règne du soupçon

Au-delà des individus, le moment suscite des doutes : 14 mois après la chute d’Ali Bongo et à quelques encablures du référendum. Enfin, le message crée l’embrouillamini : un soutien au CTRI assorti d’un appel à voter «Oui», sans avoir eu connaissance de la mouture finale du texte. Pour toutes ces raisons, nombre d’observateurs disent avoir le sentiment d’avoir renoué avec un passé officiellement révolu, quand le PDG organisait des shows à l’américaine, financés sur fonds publics, proclamant son «attachement indéfectible» à Ali Bongo et à ses décisions, y compris quand elles semblaient contraires aux intérêts du pays ou vexatoires pour le peuple. «Le PDG et le CTRI c’est la même chose, à la différence que les uns sont en pagnes du parti et les autres en treillis», a conclu Annie-Léa Méyé, personnalité publique gabonaise. À nourrir le confusionnisme.

Tenue le 12 du mois courant, la rentrée politique du PDG nourrit tous les fantasmes. Croyant détenir enfin des éléments factuels, certains n’hésitent plus à réduire le «coup de libération» à une «révolution de palais», censée permettre au «clan Bongo» de se maintenir au pouvoir, selon l’analyse d’Albert Ondo Ossa. D’autres se projettent vers la prochaine présidentielle, annonçant une candidature de Brice Clotaire Oligui Nguema sous la bannière de ce parti, pourtant décrié pour sa «gouvernance irresponsable, imprévisible (…)». Il s’en trouve aussi pour voir une main invisible derrière tout cela ou pour trouver des causes exogènes aux événements du 30 août. Comment en finir avec ces spéculations ? Loin de lui faire grief d’avoir opté pour un processus inclusif, le CTRI gagnerait à agir dans la transparence. Autrement, ce sera le règne du soupçon. C’est, en tout cas, la principale leçon du vaudeville du week-end écoulé.

«Partage du gibier»

Pour l’heure, cette rentrée politique a compliqué la lecture des événements en cours. Loin de toute considération partisane, elle a donné de la Transition l’image d’une coterie, c’est-à-dire d’un «groupement de personnes se soutenant mutuellement, en cherchant par la lutte ou l’intrigue à faire prévaloir leurs intérêts communs.» «Le pouvoir actuel (…) nous (respecte), nous (considère) : il nous laisset tranquilles, pas de tracasserie, pas d’humiliation  ou autres postures contraignantes  ou désobligeantes», a lancé Paul Biyoghé-Mba, autoproclamé 1er vice-président du PDG, ajoutant : «Le PDG doit être disposé à apporter son soutien (…)  au président du CTRI et au CTRI (…), dès lors que nos intérêts (…) sont garantis.» Clair comme de l’eau de roche : le soutien du PDG est intéressé et nullement motivé par la volonté de contribuer à la «refondation de l’Etat». D’aucuns parleront de réalisme. Mais cette déclaration exhalera toujours des effluves d’opportunisme voire de conspiration. Si elle accrédite les accusations de «partage du gibier», elle donne au peuple des raisons de douter de la sincérité du CTRI.

Même à l’intérieur du PDG, la liaison entre le CTRI et ce parti interpelle. La grand-messe du week-end écoulé ressemblait trop à celle des années Bongo pour annoncer un quelconque changement. Dans le rapport aux institutions, la compréhension du jeu démocratique ou les relations entre coreligionnaires, elle n’augure d’aucune rupture. Certes, le CTRI se compose de militaires apolitiques, ou du moins non-encartés. Mais ce rappel a perdu de sa pertinence, nombre d’entre eux s’étant publiquement affichés avec des hommes politiques, se laissant aller à des déclarations relevant de la politique politicienne, notamment des appels à candidature. Ne leur en déplaise, les premières victimes de toutes ces maladresses sont la Transition et le CTRI, désormais soupçonné de vouloir s’accrocher au pouvoir, y compris au prix d’alliances douteuses ou d’entorses aux règles. À cette allure, le référendum risque de réserver bien des surprises.

 
GR
 

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