Alors que le climat semblait enfin s’imposer comme une priorité internationale, un sentiment de désillusion gagne du terrain. S’appuyant sur les réflexions de Bertrand Badré, Adrien NKoghe-Mba* décrypte ici ce glissement inquiétant des préoccupations mondiales : les grandes puissances semblent détourner leur attention des enjeux écologiques, au détriment des nations du Sud, comme le Gabon. Face à l’urgence climatique et à l’appel pressant du général Brice Clotaire Oligui Nguema, une question se pose : le «moment climat» est-il déjà passé, au détriment des plus vulnérables ?

Des pays, comme le Gabon, disent à juste titre : «Vous êtes à l’origine des problèmes climatiques, vous ne nous aidez pas assez, et maintenant vous semblez même hésiter à agir». © GabonReview

 

Il y a quelques semaines, lors de la 79e Assemblée générale des Nations Unies, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, Président de la Transition du Gabon, a lancé un appel retentissant aux pays industrialisés : respectez vos engagements climatiques. Pour lui, la survie des nations du Sud, comme le Gabon, dépend de la volonté des grandes puissances de tenir leurs promesses faites dans les Accords de Paris. Mais cet appel semble s’éteindre dans le brouhaha d’un monde où les priorités changent. Un monde qu’observe avec lucidité Bertrand Badré.

Badré, ancien directeur financier de la Banque mondiale et PDG de Blue Like an Orange Sustainable Capital, est une figure influente, souvent surnommé «le financier qui murmure à l’oreille d’Emmanuel Macron». Quand un homme de cette stature, au cœur des cercles de pouvoir, tire la sonnette d’alarme, on ne peut pas se permettre de l’ignorer. Dans sa dernière chronique parue dans le quotidien économique Les Échos du 02 octobre 2024 intitulée «Climat, la chaude-froide rentrée», Badré peint un tableau inquiétant : malgré l’urgence climatique, l’élite économique et politique occidentale semble de plus en plus détournée des enjeux écologiques.

Lors de la Climate Week à New York, qui se tenait en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, Badré a perçu une atmosphère glaciale. Ce qui devait être une mobilisation pour le climat ressemblait à un détournement des priorités : les grandes discussions portaient sur l’inflation, la hausse des taux d’intérêt, et l’intelligence artificielle. L’engouement pour les questions climatiques semblait avoir perdu de sa force, comme si le «moment climat» était déjà passé.

Et c’est là que l’appel du général Oligui Nguema prend tout son sens, mais rencontre un mur de silence. Alors qu’il insiste sur l’importance pour les pays riches de respecter leurs engagements et d’aider les nations du Sud, premières victimes des catastrophes climatiques, Badré observe que l’Occident est en train de tourner la page.

Le fossé, déjà immense, entre le Nord et le Sud, risque de se creuser encore davantage. Les pays riches, qui portent une responsabilité historique dans la crise climatique, donnent maintenant l’impression de reléguer ces questions au second plan. Cette indifférence croissante face aux catastrophes climatiques, comme l’ouragan Helene qui a causé des dommages évalués à plus de 100 milliards de dollars, témoigne d’un changement de priorités que Badré trouve alarmant.

Dans son analyse, il rappelle que les pays du Sud commencent à exprimer ouvertement leur frustration face à cette inaction. Ces pays, comme le Gabon, disent à juste titre : «Vous êtes à l’origine des problèmes climatiques, vous ne nous aidez pas assez, et maintenant vous semblez même hésiter à agir». Si les grandes puissances délaissent la lutte climatique, ces nations, déjà en première ligne des conséquences du réchauffement, seront laissées encore plus démunies.

Bertrand Badré nous avertit : abandonner la lutte climatique maintenant serait une erreur aux conséquences incalculables. Les Accords de Paris et les Objectifs de Développement Durable sont notre seule feuille de route viable pour éviter le pire. Pourtant, Badré perçoit un glissement inquiétant vers d’autres priorités, comme si le climat devenait une question secondaire.

Ce constat, qui va à l’encontre de l’appel du général Oligui Nguema, est d’autant plus préoccupant que nous approchons à grands pas de la COP 29, qui se tiendra à Bakou dans quelques semaines. Si une telle indifférence persiste lors de cette conférence cruciale, cela pourrait marquer un tournant décisif, non pas vers une action renforcée, mais vers un abandon progressif des engagements climatiques par les puissances occidentales.

L’atmosphère actuelle devrait donc tous nous interpeller. À quelques semaines de la COP 29, la question demeure : allons-nous laisser le climat passer au second plan ou saisirons-nous enfin l’opportunité de nous unir, avant qu’il ne soit trop tard pour tous, mais surtout pour ceux qui en paieront le prix fort – les nations du Sud ? Bertrand Badré et le général Oligui Nguema nous montrent la voie. Reste à savoir si nous serons capables de la suivre.

*Directeur général de l’Institut Léon Mba et président de l’association Les Amis de Wawa pour la préservation des forêts du bassin du Congo.

 

 
GR
 

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