Détentrice d’une licence en Gestion touristique et hôtelière, amoureuse de la cuisine traditionnelle et influencée par sa mère qui tenait un restaurant, Lisy Loussou vient de monter une toute petite entreprise qui propose des produits fumés surgelés exquis : Le Fumoir Ôtima-mê. Lisy fume poulet, cotis, dindon et queue de bœuf avec un savoir-faire traditionnel pour donner un cachet particulier à sa production, commercialisée avec compléments d’assaisonnement à la carte. Dans cet entretien, elle présente le Fumoir Ôtima-mê, sa production et ses avantages concurrentiels.

Lisy Loussou du Fumoir Ôtima-mê. © D.R.

 

Gabonreview : Qu’est-ce que le Fumoir Ôtima mê ?

Lisy Loussou : Le Fumoir Ôtima-mê comme son nom l’indique c’est un fumoir. Un espace dans lequel je propose des aliments fumés et des produits dérivés de la cuisine. C’est-à-dire tout ce qui est assaisonnement du produit fumé, accompagnements et sauces. En gros je propose du poulet en forme de cuisse et en entier. Il y a également de la poule, du dindon, de la queue de bœuf, du cotis. A cela j’ajoute du Niembwè, de l’Odika, en termes de sauce, de l’ail et du piment comme assaisonnements. Je compte diversifier la palette des offres avec le temps. Je fais un système de fumé surgelé. Du fumé, on en trouve au marché mais il n’attire pas forcément tout le monde à cause de la manière dont le produit est exposé. J’ai donc voulu moderniser ce côté fumé que nous aimons tant.

Depuis quand a débuté cette aventure ?

Le Fumoir Ôtima-mê. © D.R.

Cela fait exactement 9 mois que j’ai commencé. Je fume la nourriture de manière traditionnelle avec du bois. J’ai un artisan gabonais qui m’en livre et j’ai un ferrailleur qui m’a confectionné les fumoirs. J’ai deux grands fumoirs qui me permettent de fumer une quantité appréciable de la production par jour, de 8h à 16h. Avant d’obtenir le produit fini, il y a tout un processus en amont qui va du nettoyage à l’assaisonnement. Il m’arrive de fumer à la demande, mais dans la plupart des cas, je prépare des stocks qui répondent déjà à une certaine demande. Les produits sont proposés en paquet de 800g. Par semaine je peux vendre 300 à 400 paquets et en termes de kilos, je fume environ 100kg minimum par jour.

Pourquoi le concept fumé-surgelé ?

C’est un concept pour faciliter la préparation chez les clients. L’idée c’est de permettre par exemple à un homme qui vit seul et qui achète mon produit de se faire un repas vite et facile. En rentrant chez lui, il peut facilement le mettre au micro-onde pour chauffer, en l’assaisonnant avec une sauce crème et se mettre à table. Congeler un produit, c’est aussi conserver sa teneur et ses sucs. Surgeler le fumé permet de garder, en plus des sucs, sa saveur. Laissé à l’air libre le produit fumé sèche et perd en sucs, moi je veux garder ce côté savoureux.

Quels sont les prix et le mode de commercialisation ?

 Les prix varient de 2500 à 4000 francs CFA selon le type de produit. Nous avons commencé par un système de livraison. Mais il y a certains clients qui veulent savoir où la nourriture est stockée. Donc ils viennent sur place, dans mon espace où j’ai aménagé des congélateurs spécialement pour la production. Qu’à cela ne tienne, la plupart des clients sont livrés et cette période de confinement a favorisé ce mode de commercialisation, car les gens ont peur de se déplacer, peur d’aller au marché. J’envisage également quelques partenariats avec certaines structures qui me proposent de vendre mes produits dans leurs espaces. Toutefois, j’ai vraiment envie de rester dans des structures made in Gabon, à l’instar de la Sotrader ou encore Okani shop qui ne proposent que des produits gabonais. Aujourd’hui, pour se procurer les produits, les clients peuvent se rendre sur notre page Facebook Le Fumoir otima-mê by lv ou appeler le 074.341.170. Pour le moment nous ne livrons que dans trois communes : Libreville, Owendo et Akanda. La livraison à domicile a un coût, elle est facturée à 2 500 francs CFA pour la zone Owendo et 2 000 francs CFA pour zone Libreville-Akanda. Conformément à notre politique, la livraison se fait à partir de 4 sachets. Si les clients ne prennent que des condiments et assaisonnements, car il est possible d’en prendre sans les produits fumés, il faut que les achats fassent au moins 10.000 francs CFA pour être livrés. Les prix de condiments varient de 2 000 à 2 500 francs CFA et le prix minimum pour les sauces est de 1500 francs CFA.

Quelques produits du Fumoir Ôtima-mê. © D.R.

Pensez-vous utiliser un circuit court en se ravitaillant auprès des fermiers locaux ?

C’est exactement ce que je veux. J’ai déjà eu des contacts dans ce sens. Je ne trouverai pas forcément une ferme qui va me proposer de la queue de bœuf, mais je veux que mes produits soient issus de notre terroir. Pour le Niembwè, j’achète les noix de palme   auprès d’une maman au marché de Venez-Voir et que je pile moi-même. Il en est de même pour l’Odika que j’achète en gros et que je transforme à ma façon. Je veux un travail à la chaîne en privilégiant un circuit gabonais.

Est-ce difficile de se faire une place dans le fumoir ?

Dans ce segment, il y a de la concurrence au marché notamment avec nos mamans. Il y a également certaines grandes enseignes qui proposent du fumé mais c’est importé. Depuis que j’ai commencé, il y a certaines jeunes gabonaises qui se sont rapprochées de moi pour des conseils car, elles veulent faire comme moi et je leur en procure. Il y a de la concurrence mais elle ne me dérange pas car je n’ai pas la capacité de satisfaire toute la demande, ne serait-ce qu’à Libreville, Owendo et Akanda. C’est une concurrence que je trouve bonne car la clientèle est là et la différence se fera dans la qualité du produit offert.

Quelles sont les difficultés dans ce business ?

 Il est parfois difficile de faire accepter le produit aux clients au prix que nous proposons. Les clients ont tendance à comparer avec ce qui se vend déjà au marché, donc il faut expliquer tout le travail que nous faisons en amont et en aval. Un travail que ne font pas forcément ceux qui sont au marché. En plus, nos produits sont bien emballés, étiquetés et livrés à domicile. Notre principal défi est de faire accepter le produit au client, de lui faire comprendre qu’aujourd’hui il est bon de savoir ce que l’on mange, comment cela a été produit et par qui ? La deuxième difficulté tient au caractère rude du métier.  Le fumoir n’est pas toujours facile. C’est une activité, j’ai envie de dire, qui tue à petit feu car on reste longtemps au contact du feu, de la fumée. Cela fragilise les yeux, le torse. A la limite on met nos santés en jeu. Aujourd’hui je cherche à faire venir des lunettes pour qu’au contact du feu, les fumeuses soient protégées. Avec le temps, chercher un moyen de protéger la poitrine. Pour l’instant, nous travaillons avec des masques donc on aspire un peu moins la fumée.

Quels sont les garantis sur le plan sanitaire ?

Quelques produits du Fumoir Ôtima-mê. © D.R.

Sur la forme, avec le visuel je pense que nous avons atteint le côté propreté. Sur le fond, je suis en train d’aller vers l’Agasa et l’Aganor pour des certifications. J’ai fait de la restauration donc j’ai une idée de l’importance des normes et je veux que mes produits soient normés. J’ai une licence en Gestion touristique et hôtelière. J’ai fait de la restauration pendant quelques temps. J’étais restauratrice et chef africaine. En fait la cuisine au départ est une passion pour moi. D’où le nom « Ôtima mê ». J’ai appris à fumer avec ma mère qui le faisait car elle avait un restaurant, j’ai un peu grandi dans le fumoir. Toutefois, ce travail doit être garanti par la certification de ces organismes de contrôle et de normalisation.

Pourquoi les gens achèteraient chez vous plutôt que chez quelqu’un d’autre ?

J’ai un bon rapport avec les clients. En tant que restauratrice, je leur propose des tutoriels avec mes produits et je crois que cela les aide à mieux apprécier mes produits. Avec le temps, je proposerai directement sur la page du Fumoir ces tutoriels. Les gens me préfèreront également à cause du goût de mes produits. C’est un atout indéniable. Je ne fume pas juste pour l’aspect. Je fume en ayant à l’esprit que je dois préparer un produit qui poussera mes clients à se lécher les doigts en le dégustant. Bientôt je vais élargir la gamme de ma production avec du poisson. Pour commencer, je vais apprendre à fumer le poisson, ensuite former des gabonaises car on n’en trouve pas beaucoup dans ce segment. Je compte proposer du maquereau, du thon et du machoiron, etc.

 
GR
 

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