Le CTRI et la gestion de l’appareil d’Etat : Explorer la mémoire collective
Après une ère de tous les abus, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) ne peut laisser certaines personnalités se prévaloir d’un douteux «sentiment du devoir accompli».
Tout au long du règne d’Ali Bongo, tant de compatriotes ont enduré les pires brimades. Certains ont subi un bannissement de 14 ans. D’autres l’ont expérimenté pour des périodes plus ou moins courtes. Dans tous les cas, ils ont été ostracisés. Fort de ce constat, on ne peut ne pas le relever : depuis le coup de force du 30 août dernier, nombre de bannis d’hier sont revenus en grâce. Malgré les incertitudes du moment, ils peuvent se mettre au service de la communauté nationale. Au gouvernement, au Parlement, au Conseil économique social et environnemental (CESE) ou dans la haute administration, ils pourront faire parler leur talent. Sans préjuger de la qualité ou de la nature de leur contribution, on peut se féliciter de la volonté d’ouverture manifestée par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI).
Exigence de légalité et de justice
Pour autant, on aurait grand tort de faire comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Comme si l’on n’entendait pas les critiques d’une partie de l’opinion publique, gagnée par le fantasme d’un retour à l’ordre ancien ou apeurée par le spectre d’une Restauration à la gabonaise. Et pour cause : parmi les néo-promus, certains n’ont pas toujours brillé par leur attachement à l’éthique et à la morale. Bien au contraire. Par leurs outrances, ils ont marqué les esprits. Pour ne pas retomber dans les errements du passé, ils doivent d’abord faire montre d’un sens de l’écoute. Ce n’est certes pas une qualité très répandue au sein de l’ancienne classe dirigeante. Mais, le CTRI semble en avoir fait un pilier de sa méthode, comme en témoignent les audiences accordées aux parias d’hier. Aux élites de la Transition, il doit faire quatre recommandations : consulter avant tout choix décisif, se refuser à toute considération sectaire, respecter les opinions et s’adapter au contexte.
En absence de garde-fous, les vieilles habitudes peuvent très vite revenir, au risque de tout compromettre. Sans mode opératoire admis par tous, l’autoritarisme, le clientélisme, et la prétention messianique redeviendront la norme. Déjà, les nominations effectuées dans certains cabinets, administrations ou institutions légitiment les craintes, générant des commentaires empreints de désespoir. Ni les félicitations des zélotes ni la joie des personnalités nommées ne doivent occulter la demande d’une meilleure participation des populations à la vie publique. Ils ne doivent pas aussi faire oublier la quête de transparence dans la gestion de la chose publique. Surtout, ils ne doivent pas masquer la double exigence de légalité et de justice, le régime déchu ayant causé tant de torts à la collectivité et aux individus.
Inviter certaines personnalités à présenter des excuses publiques
Comme les dépositions des personnalités mises en cause dans l’opération Scorpion, le procès de Sylvia Bongo en atteste : le règne d’Ali Bongo fut une ère de tous les abus, les cinq dernières années ayant conduit le pays aux confins de l’anomie, le transformant en un monde où régnaient la loi du plus fort et les règlements de comptes, où tout était fonction des humeurs et intérêts de quelques-uns. Entre arbitraire, mélange des genres, violation des règles et transformation de biens publics en biens privés, les Gabonais ont tout vu et tout subi. De tout cela, ils ont soupé. D’où cet ardent désir de renouvellement des élites. D’où aussi cette peur des fantômes du passé. A cet égard, il faut considérer les critiques actuelles non pas comme des actes de défiance, mais comme l’expression d’une volonté de se défaire des stigmates d’une période particulièrement douloureuse et humiliante.
S’il veut conjurer les risques de récidive, le CTRI doit l’entendre et le comprendre. Pour reconstruire la confiance, réconcilier les Gabonais avec les institutions et leur redonner des raisons d’espérer, il ne doit pas se contenter de placer des hommes. Il ne peut se satisfaire de faire appel à toutes les compétences, sans tenir compte des états de service des uns et des autres. Avant de s’engager dans des réformes institutionnelles, il doit songer à établir un climat de responsabilité individuelle et d’équité. A cette fin, il doit inviter certaines personnalités à battre leur coulpe voire à présenter des excuses publiques pour des méfaits pas si lointains. En tout cas, il ne peut les laisser se prévaloir d’un douteux «sentiment du devoir accompli». Il ne peut non plus tenir leur mutisme pour un acte de repentance. Si le 30 août 2023 doit marquer «notre essor vers la félicité», le CTRI doit explorer la mémoire collective.
6 Commentaires
Merci ma fille (ou petite fille) Roxanne Bouenguidi, je suis d’avis. Rien que de faire LA LUMIÈRE autour des ASSASSINATS durant les présidentielles de 2009 et 2016… Ali BONGO ne peut et ne doit pas s’en sortir les mains blanches (il ne les a pas, ni son père adoptif Omar Bongo des plateaux Batékés). Pitié. A Ntare Nzame. Pitié.
Ces nominations nous rappellent la cour de recréation. On a en effet l’impression qu’il suffit de tousser un peu pour se retrouver parachuté à un poste. C’est vrai que le PT est la seule autorité de nomination, on a néanmoins une question qui taraude l’esprit. c’est quoi réellement les critères de promotion des élites dans notre pays? sous l’ancien régime, il fallait appartenir aux réseau ésotériques, être né dans « la bonne province », avoir un proche parent bien placé dans le système…la question de compétence ne se posait pas du tout, dès lors qu’un des critères ci dessus était rempli. Avec le CTRI, les choses ne sont pas claires, tant on constate comme une certaine légèreté dans la cooptation des élites, certains cadres, sans leur manquer de respect, sont désignés pour s’occuper des choses dont ils n’ont jamais entendu parler avant leur promotion, dans ces conditions les résultats ne seront pas au rendez vous…
Comme l’a si bien fait le PMT, certains postes à pourvoir doivent faire l’objet d’appel à candidature pour être sûr d’avoir un panel de cadres parmi lesquels le meilleur voire le moins mauvais sera choisi.
Nous attendons la mise en place d’une commission Vérité, Justice et Réconciliation. C’est dans cet ordre que les choses doivent se dérouler.
1- Vérité : tous ceux qui ont fait du mal au pays doivent venir publiquement dire ce qu’ils ont fait et restituer ce qu’ils ont volé, les proches que nous avons perdus ne reviendront certainement plus, hélas.
2- Justice : la justice doit passer et la loi doit être appliquée, les condamnations doivent être prononcées sans qu’au qu’une main ne tremble.
3- Réconciliation : elle ne peut intervenir que quand la population aura eu la certitude que chacun a payé pour ses fautes et que plus jamais cela ne se reproduira
En dehors de ce cadre, tout ne restera que du vent et sera à refaire.
Bonjour Monsieur Mezzah,
Comme vous, je souhaiterai la création d’une commission parlementaire dans l’ordre suivant : »Vérité, réconciliation ou justice » sur les quatorze années de la dictature d’Ali Bongo Ondimba. Il faut connaître l’histoire « noire » de notre pays (l’Algérie l’a fait, le Rwanda l’a fait). Autrement on aura une histoire faite de « pages blanches ». Entre les faits réels et les faits reportés, il y a un « continent noir ». Un vide « sidéral ».
Le seul livre d’histoire gabonais que je connaisse est celui écrit par Frédéric Meyo-Bibang, un ancien député pédégiste de l’Estuaire. Il définissait l’histoire comme « le récit de ce qui s’est passé autrefois ». Je suppose une histoire non tronquée.
Ce qui m’inquiète, c’est le « mutisme collectif ». Il y un « déni collectif » de ce qui s’est passé pendant les années ABO. « Le sentiment d’un devoir accompli » surgit de l’inconscient collectif pour devenir une théorie du refus de la réalité. Quelle histoire va t-on enseigner (raconter) à nos enfants et petits-enfants: celle fondée sur la rumeur, la légende, la mythologie, etc. Une thérapie de groupe ne s’impose t-elle pas?
Dans notre culture bantu, on ne garde jamais quelque chose pour soi. On le révèle. On le partage sous « l’arbre à palabre ». Quel est ce secret que l’on veut garder? Si on décide « collectivement » de « mettre le doigt devant la bouche », alors « collectivement » nous sommes le sponsor des « pages blanches » de notre histoire.
Cordialement.
Monsieur Le Président, organisez une conférence de presse pour :
• Expliquer vos nominations
• Dire à la population combien d’argent a été retrouvé à ce jour chez les proches du régime déchu, où se trouve cet argent, qu’est-ce que le Gouvernement compte en faire
• Expliquer pourquoi certaines personnes qui ont pris de mauvaises décisions pour le pays sont encore dehors alors qu’elles devraient être à sans famille. On peut citer par exemple Mborantsuo, Matha, Ossouka, Bilie-By-Nze, Nkoghe Bekale, Stéphane Bonda, ect…
Si vous ne le faites pas, d’autres le feront pour vous dans des termes qui ne seront pas élogieux pour vous.
» Si le 30 août 2023 doit marquer «notre essor vers la félicité», le CTRI doit explorer la mémoire collective. »
Tout est dit dans cette phrase. Merci.