Justice paralysée au Gabon : en grève les magistrats en appellent à Oligui Nguema
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Depuis un mois, les tribunaux gabonais tournent au ralenti. Face à la non-application du statut général des magistrats, le Syndicat national des magistrats du Gabon (Synamag) maintient son mouvement de grève illimitée. Dans un contexte de bras de fer avec le ministère de la Justice, les syndiqués appellent à l’arbitrage du président de la transition.
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Face à l’impasse avec le ministère de la Justice, les magistrats interpellent directement le président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema. En tant que garant des institutions et président du CSM, ils lui demandent de prendre ses responsabilités pour débloquer la situation. © D.R.
Le 13 janvier 2025, à l’appel du Synamag, les magistrats ont entamé une grève générale illimitée pour exiger l’application du statut général de leur profession. Ce texte prévoit des avantages financiers et matériels destinés à garantir l’indépendance des juges et à améliorer leurs conditions de travail. Malgré les tentatives d’apaisement du ministère de la Justice, le mouvement s’est renforcé après une assemblée générale tenue le 7 février au tribunal de Libreville. Face à l’absence de réponse concrète du gouvernement, les grévistes ont réaffirmé leur détermination, paralysant ainsi le fonctionnement des tribunaux et des cours de justice à travers le pays.
Dans un message adressé à ses collègues, le président du Synamag, Landry Abaga Essono, a salué la mobilisation des magistrats, tout en dénonçant les manœuvres du ministère de la Justice pour briser le mouvement. Il pointe notamment la note ministérielle du 24 janvier, qu’il qualifie de tentative de contournement du droit syndical en matière de service minimum. « L’administration veut vous instrumentaliser pour vous opposer à vos propres collègues », prévient-il, appelant à l’unité et à la résistance face aux pressions.
Une justice en souffrance
Au cœur du bras de fer, le Synamag dénonce un appareil judiciaire en sous-effectif, confronté à des infrastructures vétustes et à un manque de moyens matériels. Le syndicat pointe également l’absence de réformes structurelles et le manque d’initiatives concrètes pour améliorer le fonctionnement des juridictions. La seule avancée notable, selon lui, reste l’inauguration du Tribunal de Première Instance de Ntoum, qui demeure pourtant fermé depuis son ouverture officielle. « Des magistrats et des greffiers y ont été affectés, mais ils se retrouvent aujourd’hui en chômage technique », dénonce la structure syndicale.
Les conditions de travail dans plusieurs juridictions, notamment à Libreville, Mouila, Port-Gentil, Makokou et Franceville, sont aussi vivement critiquées. Le manque d’entretien des bâtiments et l’absence de sanitaires exposent magistrats et justiciables à des conditions indignes d’un État de droit.
Le ministre de la Justice est dans la ligne de mire du Synamag. Son ‘refus’ de satisfaire les revendications des magistrats repose sur un argument budgétaire : leur mise en œuvre représenterait un coût annuel de plus de 25 milliards de FCFA. Une justification que rejette Landry Abaga Essono, rappelant que d’autres institutions, notamment les forces de défense et le gouvernement, ont bénéficié de financements conséquents. « Pourquoi la justice serait-elle la seule institution à devoir renoncer à sa revalorisation sous prétexte de contraintes budgétaires ? » interroge-t-il.
Un appel direct au président de la transition
Face à l’impasse avec le ministère de la Justice, les magistrats interpellent directement le président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema. Ils lui demandent, en tant que garant des institutions et président du Conseil supérieur de la magistrature, de prendre ses responsabilités pour débloquer la situation. « Il n’y a pas d’État de droit sans justice », rappelle le Synamag, insistant sur l’urgence d’appliquer les textes déjà promulgués.
Le syndicat évoque également les engagements pris par le chef de l’État lors d’une rencontre en septembre 2023, lors de laquelle il avait promis de garantir l’indépendance de la justice. « Nous vous demandons solennellement de respecter la parole donnée et de permettre à la justice gabonaise d’être enfin indépendante et efficace.», plaide Landry Abaga Essono.
Alors que le pays s’achemine vers l’élection présidentielle de 2025, le Synamag met en garde contre les conséquences d’une justice affaiblie et instrumentalisée. « Dans l’hypothèse où vous seriez candidat, est-ce cette justice défaillante que vous présenterez au peuple pour solliciter sa confiance ? Nous, magistrats, refusons d’être les complices d’une justice instrumentalisée », prévient le président du Synamag.
À ce jour, aucun signe d’apaisement ne se profile à l’horizon, laissant la justice gabonaise suspendue dans une crise aux répercussions potentiellement profondes pour l’ensemble du pays. « Nous appelons nos collègues à la solidarité et au courage. Nous demandons au peuple gabonais de comprendre que cette lutte, bien que contraignante aujourd’hui, est essentielle pour garantir leurs droits et libertés demain », conclut le syndicat, déterminé à poursuivre la grève aussi longtemps que nécessaire.
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