Comme on le pressentait, un politique au passé chargé en remplace un autre à la présidence du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Comme si cette assemblée constitutionnelle n’avait pas une mission à «caractère technique».

La nomination de Julien Nkoghé Békalé à la présidence du Conseil économique, social et environnemental (CESE) relève à la fois du déni de démocratie et d’un manquement à l’éthique républicaine. © Montage Gabonreview

 

L’information aurait dû susciter un déferlement de questions, mais elle a été peu commentée. Comme on le pressentait, Julien Nkoghé Békalé a été nommé président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), le 14 avril courant. Comme toujours, un politique au passé chargé en remplace un autre. Comme souvent, cette nomination est offerte en guise de lot de consolation. Sans s’interroger sur d’éventuelles incompatibilités, le Conseil des ministres a placé un parlementaire à la tête de la troisième assemblée constitutionnelle de la République. Sans se poser des questions sur le rapport entre fonctions électives et fonctions nominatives, il a abrégé un mandat national. Comme si le vote populaire ne représente rien. Comme si les décisions du gouvernement passent avant les choix des populations. Comme si la souveraineté nationale appartient à l’exécutif et pas au peuple.

Une personnalité politiquement marquée, prête à défendre toutes les lubies d’un camp

Depuis 1997, la présidence du CESE échoit systématiquement ou à un baron du Parti démocratique gabonais (PDG) ou à un de leurs alliés. Généralement pourvue au terme de tractations politiciennes, elle permet de caser ou recaser des affidés en perte de vitesse ou en voie de réhabilitation. A l’exception notable d’Edmond Okemvelé, tous les bénéficiaires sont issus du marigot politique. René Ndemzo’Obiang ayant fait son entrée au gouvernement, seul un politique devait lui succéder. Et tant pis si cela emporte des conséquences dans la composition, l’organisation ou le fonctionnement de l’Assemblée nationale ! Tant pis si cela doit avoir une incidence dans une circonscription électorale ! Pourtant, d’autres options s’offraient à l’exécutif : syndicalistes, militants associatifs, fonctionnaires ou cadres du secteur privé, le CESE regorge de personnalités proches du PDG. Sauf s’il a une mission inavouée et inavouable, on comprend mal pourquoi faillait-il absolument y placer Julien Nkoghé Békalé.

Appelé à donner «son avis sur toutes les questions de développement économique, social, culturel et environnemental», le CESE est présenté comme le forum de la société civile. Comme le précise l’article 20 de la loi organique n° 002/2010, son domaine d’intervention revêt un «caractère technique». Autrement dit, ses analyses et recommandations ne sont motivées ni par la ligne d’une quelconque organisation ni par des considérations partisanes, mais par des principes scientifiques. A la différence des parlementaires, ses membres n’ont pas une obligation de popularité. A l’inverse, ils doivent être dotés d’un solide bagage technique. Julien Nkoghé Békalé offre-t-il des garanties de technicité et de neutralité ? Sans douter de ses capacités, on ne peut l’affirmer. Pis, son statut d’ancien Premier ministre en fait une personnalité politiquement marquée, prête à défendre toutes les lubies d’un camp.

L’esprit de nos lois et de nos institutions

Une fois de plus, l’exécutif s’est contenté de la légalité sans se soucier de la légitimité. Une fois de trop, il a privilégié la lettre sur l’esprit.  Que va-t-il faire maintenant ? Va-t-il demander à Julien Nkoghé Békalé de mettre sa carrière politique en sourdine ou de se mettre en réserve du PDG pour se conformer au «caractère technique» du CESE ? Va-t-il laisser son suppléant siéger à l’Assemblée nationale, au risque de se mettre en délicatesse avec la loi ? Ou va-t-il organiser une élection partielle sur le premier siège du département du Komo-Mondah ? S’il s’était posé ces questions, le gouvernement n’aurait jamais procédé à une telle nomination. On l’a certes déjà vu écouter des mandats électifs en envoyant des sénateurs à la tête de missions diplomatiques. Mais on ne saurait s’accommoder de telles pratiques. On ne saurait non plus les banaliser ou en minimiser la signification.

N’en déplaise au gouvernement, le Gabon se veut une démocratie. Or, en démocratie, le pouvoir vient de l’élection, du vote populaire. De ce point de vue, les fonctions électives priment sur celles pourvues par nomination. Même si on a vu un suppléant siéger après la promotion du titulaire à la fonction de vice-président de la République, ce mécanisme n’a rien de régulier. On ne saurait le reproduire. Même si ce n’est consigné nulle part, on ne peut écourter des mandats pour convenances personnelles ou partisanes. C’est le minimum de respect dû au peuple et au suffrage universel. C’est aussi l’esprit de nos lois et de nos institutions. Pour toutes ces raisons, la nomination de Julien Nkoghé Békalé relève à la fois du déni de démocratie et d’un manquement à l’éthique républicaine.

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GR
 

3 Commentaires

  1. Gayo dit :

    Roxanne pense vraiment pouvoir laver la tête du singe. Ils ne sont pas élus, en tout cas pas régulièrement. quelques badauds qu’ils abrutissent puis payent un billet de 5000 pour aller voter dans des élections qu’ont déserté la frange la plus consciente et la plus instruite de nos populations. C’est ca être un élu? Elu par des bœufs votants.

  2. Likassa dit :

    Juju la masto est de retour sur scène, les gens ne s’aiment pas dans ce pays.

  3. Désiré NGUEMA NZONG dit :

    Bonsoir R. BOUENGUIDI,

    La scission du PDG dans le nord du Gabon fragilise le Ministre d’Etat, ministre de la lutte contre la vie chère. En l’état actuel des choses, il ne saurait mener des activités d’influence (sa spécialité) pour proposer un successeur issu de son obédience au CESE. Il (se consacre désormais) est trop préoccupé à effectuer la campagne présidentielle pour consolider sa position au sein d’un gouvernement futur.

    La nomination de Monsieur Julien NKOGHE est politique. Un pédégiste en remplace un autre. A t-il des compétences managériales, techniques et humaines pour gérer la CESE? Faudrait-il qu’il passe un audit d’évaluation des compétences? Là n’est pas la question. On serait naïf de croire que nos institutions devraient s’arrêter de fonctionner parce qu’il y aurait des incohérences juridiques dans la nomination des dirigeants à des postes clé.

    Au final, j’ai du mal à saisir vos inquiétudes sur la nomination de Monsieur Julien NKOGHE au poste de Président du CESE. Ce Monsieur est un fonctionnaire qui doit être au service de l’Etat en toute circonstance et du PDG, parti majoritaire (contesté peu ou pas). Je n’en vois aucune incompatibilité. Peut-être qu’un MANGANGA MOUSSAVOU (économiste) ou un CHAMBRIER (économiste) aurait été utile à ce poste. Mais ils sont de l’opposition. Peut-être qu’un jour il faudra revenir sur un principe de cohabitation et mettre les compétences de nos hommes politiques à profit au service de l’Etat quelle que soit leur affirmation politique.

    Bien à vous!

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