Pour ne pas connaître d’une question, la justice feint la confusion. C’est plus simple. Mais elle mélange aussi la forme et le fond.

Sidonie Flore Ouwé, le 13 décembre 2014 à son cabinet du tribunal de Libreville. © Gabonreview/Martin Safou
Sidonie Flore Ouwé, le 13 décembre 2014 à son cabinet du tribunal de Libreville. © Gabonreview/Martin Safou

 

Peut-on manipuler un statut juridictionnel dans le but de s’affranchir de la loi ou de refuser de connaître d’une question ? Sans craindre d’être accusée de «fraude à la loi», le procureur de la République près le tribunal de première instance de Libreville vient d’y répondre. En déclarant la juridiction de droit commun incompétente pour connaître de l’affaire de l’acte de naissance querellé du président de la République tout en se prononçant sur la qualité des requérants s’agissant de la Haute Cour de justice, elle pensait sans doute s’en tirer par des arguties juridiques. En réalité, elle vient de donner du grain à moudre à ceux qui, depuis des années, dénoncent «la tour de Pise qui penche toujours du même côté» pour exprimer leur défiance vis-à-vis des institutions et particulièrement du pouvoir judiciaire.

L’argumentation qui sous-tend ce rendu de Sidonie Flore Ouwé s’appuie sur le principe de l’irresponsabilité pénale, civile et administrative du président de la République. Seulement, contrairement à la France où elle est clairement mentionnée dans l’article 67 de la Constitution, cette irresponsabilité n’est pas consignée dans la Loi fondamentale gabonaise. Peut-on alors considérer, comme elle semble l’insinuer, que cette notion puisse être assimilable aux principes généraux du droit dans le contexte gabonais ? Est-on fondé à élargir son application aux actes antérieurs à l’entrée en fonction du président de la République ?

Affirmant «le caractère sacré de sa fonction», le procureur de République près le tribunal de première instance de Libreville en déduit qu’elle ne peut «donner l’autorisation d’assigner le président de la République». Bien entendu, l’allusion au sacré, ne peut que faire bondir : elle laisse croire que le président de la République est un citoyen entièrement à part, une sorte de monarque de droit divin qui n’a de comptes à rendre à personne, y compris au peuple souverain, qui se trouve ravalé au statut de «profane». La sémantique fait et va faire des ravages : ce recours au lexique religieux là où on parle de droit ne peut qu’interpeller sur la compréhension que les uns et les autres ont des institutions. Or, si la fonction de président de la République veut réconcilier souveraineté populaire et souveraineté nationale, elle ne conserve pas moins une dimension tribunitienne autant qu’elle demeure une construction juridique. La référence au «sacré» semble d’autant plus décalée et inopportune que l’irresponsabilité pénale du président de la République n’est pas constitutionnelle, comme le démontre le silence de Sidonie Flore Ouwé qui s’est contentée de dire que «c’est une disposition qu’on trouve dans tous les pays du monde» sans indiquer la disposition du droit gabonais à laquelle elle se réfère.

Confusion

A vrai dire, le procureur de la République près le tribunal de première instance de Libreville a détourné le débat, biaisant la compréhension du sujet et refusant de répondre à la question qui lui était posée. Chacun peut aisément constater que la plainte du Front de l’opposition pour l’alternance portait sur une «inscription de faux en écriture publique» et non pas sur un «usage de faux». Autrement dit, il lui était demandé de dire si l’acte de naissance querellé peut faire foi, peut être jugé conforme à la règle et non pas de se prononcer sur le sens et la portée de son utilisation. A aucun moment, la personne d’Ali Bongo et, par ricochet l’institution qu’il incarne, n’étaient directement concernés par cette requête. En toute connaissance de cause, le juge a choisi de feindre de ne pas le comprendre. Car se contenter du libellé de la plainte serait revenu à se prononcer sur la validité de l’acte de naissance d’Ali Bongo et, par voie de conséquence, ouvrir une procédure contre l’officier d’état-civil qui l’a établi. Une hypothèse visiblement trop risquée, au goût du juge…

Tout autant décalée est la référence à la Haute Cour de justice, qui convoque les dispositions constitutionnelles pour invalider la procédure, au point de feindre de confondre la plainte de Jean de Dieu Moukagni Iwangou et celle des Casimir Oyé Mba, Jacques Adiéhénot, Luc Bengonon Nsi, Jean Ping et cie. Comme si le Front de l’opposition pour l’alternance avait parlé de «haute trahison» ou de «violation du serment». Comme si Jean de Dieu Moukagni Iwangou ne s’est pas adressé aux parlementaires. La confusion volontairement entretenue, l’abus de droit, la fraude à la loi sont des pièges. Le procureur de la République près le tribunal de première instance de Libreville s’abrite derrière le statut juridictionnel du président de la République mais laisse en l’état la question de la validité et de la sincérité de l’acte de naissance de l’actuel occupant de la fonction. Le bon sens aurait commandé d’agir en tenant compte de ce qu’Ali Bongo envisage d’être de nouveau candidat à la charge suprême dans 20 mois.

Si une maxime juridique bien connue postule que «la forme est protectrice des libertés», nos juridictions feignent toujours, dans les affaires aux relents politiques, de confondre les deux, choisissant délibérément de détourner le débat ou d’évoquer l’essence des choses, là où il ne s’agit de que d’apparences. Il faut bien faire diversion. Quoi qu’en pensent les belles âmes, cela procède de la logique de survie. Mais, cela ne règle en rien les questions juridiques et politiques. Saisi pour statuer sur la régularité d’un arrêté suite à la dissolution de l’Union Nationale le Conseil d’Etat s’était bien aventuré sur le fond du débat juridico-politique. Près de quatre ans plus tard, chacun constate qu’il aurait été mieux inspiré de s’en tenir à la requête, que sa stratégie n’a en rien servi les intérêts de ceux qu’il croyait protéger.

Il existe pourtant une notion juridique qui peut aider des juridictions accablées par leurs responsabilités : l’opportunité des poursuites, qui permet de classer sans suite une affaire, de ne rien frapper de l’autorité de la chose jugée et de laisser la porte ouverte à une nouvelle procédure tout en sauvant la face. Elle autorise le plaignant à se porter partie civile et à contraindre à l’ouverture d’une enquête mais elle est codifiée. Elle comporte donc des risques aux plans personnel, professionnel et politique. Certes. Mais que coûte-t-il à nos juridictions de ne jamais surprendre l’observateur et de systématiquement donner le sentiment de voler au secours de la majorité politique ?

Par cette ordonnance cousue de fil blanc Sidonie Flore Ouwé rend-elle service au parquet ? Rend-elle service à l’autorité judiciaire voire au pouvoir judiciaire ? Le pouvoir exécutif de qui elle dépend cautionne-t-il cela ? Le pouvoir politique qu’elle croit protéger soutient-il ces mensonges multiples ?

 

 
GR
 

7 Commentaires

  1. Kleths dit :

    Incompetence quand tu nous tiens!!

  2. Bouka Rabenkogo dit :

    Cher Pathe Barry où vois tu dans mes propos une connotation de xénophobie? Chaque pays à ses lois. Bonne ou mauvaise, la loi est la loi. Les articles 161 à 175 du Code civil gabonais précisent les termes de naissance au Gabon. La Loi fondamental votée du temps du père adoptif d’Ali Bongo fixe en son Article 10, les conditions d’accès à la fonction suprême dans notre pays. Ali Bongo les rempli t’il? Si oui, alors qu’il le prouve. Sinon vous conclurez avec moi que votre Ali n’est qu’un médiocre faussaire hors la loi. Passible de haute trahison.
    Cher Pathe Barry invites moi dans ton pays et laisses moi me présenter à l’élection présidentielle!
    Cher ami, il me semble que tu ne suis pas l’actualité dans ton pays d’accueil! Le livre de Pierre Péan n’est pas le seul facteur déclencheur du sujet Ali. Monsieur Luc Bengone Nsi et bien d’autres gabonais ont fait constater la forfaiture bien avant. Mais tout comme aujourd’hui, la mafia qui gouverne notre pays et qui y prospère, plus pour longtemps heureusement, entretien le terreau mafieux de sa survie.
    Berlin existe depuis 1948. Nous n’allons plus nous apitoyer sur ses désastreuses conséquences. La « Nation Africaine » que nous voulons tous bâtir, ne peut pas se construire ou se laisser construire sur des termes mafieux et avec des mafieux comme leader. Ali est un mafieux faussaire. Les africaines cher ami ont une civilisation millénaire de sagesse (« Sagesse Africaine »). Ali et sa bande d’apatrides mafieux sont ses fils indignent.
    Pour ma part, ses enclos seront tous brisés dès le départ de la mafia au pouvoir au Gabon. L’effet domino suivra dans toute l’Afrique et dans le reste du monde. Les blancs à la peau noire formatés pour perpétrer l’ordre coloniale et leurs maîtres seront tous chassés. Des nouvelles relations de fraternité avec l’occident et l’orient seront établies pour le Bonheur de l’Humanité tout entière (Liberté-Respect-Amour). L’Afrique est le berceau de l’humanité, le flambeau des nations et la lumière des civilisations. Nos frères des autres continents attestent que: Ce nouveau millénaire est Africain. Alors travaillons dès aujourd’hui pour recevoir nos frères qui ont enfin compris et ont rétabli eux même cette vérité. C’est une lourde responsabilité. Ne nous laissons plus distraire par ses mafieux et ses politiciens dont le degré d’intelligence ne se limite qu’au niveau du ventre et du bas ventre. L’Afrique est le continent du millénaire: « Vérité Vrais ».

    Lettre en réponse: à mon ami Burkinabé Pathe Barry du Groupe Facebook UNITED STATES OF AFRICA (ETATS-UNIS D’AFRIQUE)

  3. La Fille de la Veuve dit :

    Très bien. 18/20. Si on ajoute à cela que c’est au Tribunal civil et non correctionnel que la Plainte est adressée et qu’on s’interroge sur les raisons de l’intervention du Procureur de la République en première ligne….

  4. Léon-Paul BOUNOMBAR-MOUNGONGO dit :

    @Bouka Rabenkogo, il serait inutile de vouloir faire entendre raison à votre pseudo ami. Beaucoup parmi eux bravent les mers et les océans à la recherche d’une vie meilleure sous d’autres cieux. Le Gabon ne deviendra pas la cour des miracles, ni celle du roi Pétaud où, s’installerait la chienlit. La République a ses institutions et ses lois, il nous faut des compatriotes « intègres » pour assurer le bon fonctionnement des institutions et l’application des lois…et dieu s’y soumettra. « Ce n’est pas la loi qu’il faut craindre, mais le juge ».

  5. Mass dit :

    Absolument Léon-Paul BOUNOMBAR-MOUNGONGO!!!

  6. Le Miroir de la petite émergence. dit :

    Quand le chien défend son maître. Continue comme ça et tu auras ta gamelle remplie de croquettes. Gentille toutou.

Poster un commentaire