La récente condamnation à Paris de Jean-Luc Germani, figure du grand banditisme corse, jette une lumière crue sur les liens troubles unissant certains milieux criminels corses et le Gabon. Entre hommes d’affaires sulfureux, politiques complaisants et fugitifs en col blanc, description rapide d’un réseau d’influence qui défie les frontières et pose des problèmes d’éthique au sommet de l’État gabonais.

Du maquis corse aux forêts gabonaises, le crime organisé trace sa route, pavée de complicités au plus haut sommet de l’État. © GabonReview

 

Une décision de justice qui résonne bien au-delà des frontières de l’Hexagone. Le tribunal correctionnel de Paris a en effet frappé le jeudi 26 septembre : Jean-Luc Germani, figure emblématique du banditisme corse, a été condamné à 30 mois de prison ferme. Ce qui interpelle particulièrement dans cette affaire, c’est que le nom du Gabon ait été cité.

Un fugitif de luxe sous les tropiques

Surnommé «Lizarazu» pour sa ressemblance avec le célèbre footballeur et jugé pour l’usage de faux documents lors de sa cavale entre 2011 et 2014, Jean-Luc Germani, qui n’en est pas à son coup d’essai avec la justice, a brillé par son absence au tribunal. Et pour cause : il aurait trouvé refuge au Gabon, où il mènerait une vie presque ordinaire, employé par le PMU local, que les Gabonais connaissent bien sous le nom PMUG.

Il y a que ce qui pourrait passer pour une anecdote judiciaire cache en réalité une toile complexe de relations entre le banditisme corse et le pouvoir gabonais avant la chute des Bongo. Au centre de cette toile : Michel Tomi, propriétaire du fameux PMU gabonais et figure controversée des affaires franco-africaines.

Surnommé «le parrain des parrains», Michel Tomi est bien plus qu’un simple homme d’affaires. Décrit comme «immensément riche» par le journaliste d’investigation Pierre Péan, Tomi aurait été le grand architecte de l’implantation corse au Gabon. Il entretenait des relations privilégiées avec le président Ali Bongo lui-même, et même avec son père Omar.

Des écoutes téléphoniques, réalisées par la justice française, ont d’ailleurs mis en lumière les conversations entre Tomi et Bongo, révélant l’étendue de leurs relations d’affaires. Une proximité qui pose question, alors que Tomi (76 ans maintenant) était considéré par les enquêteurs comme proche du milieu criminel corse.

Le Gabon : un «paradis» tropical pour la mafia corse ?

Dans son livre «Compromission – La République et la Mafia Corse», le journaliste d’investigation Pierre Péan dresse un tableau saisissant du Gabon comme terre d’accueil pour certains membres du crime organisé corse. Il y décrit un pays devenu «un havre de paix, un paradis ‘sans douane et sans police’» où ces individus peuvaient opérer en toute quiétude, avec la bénédiction apparente des plus hautes autorités de l’État. C’était l’époque des Bongo.

Les activités de ces hommes d’affaires corses au Gabon sont diverses : jeux de hasard, casinos, immobilier, loisirs… Une diversification qui leur permet d’asseoir une influence économique considérable dans le pays, mais ne leur permet pas de contrebalancer ou supplanter celle des Libanais.

Il reste, en tout cas, que l’implantation présumée de ce réseau criminel organisé au Gabon soulève de sérieuses questions sur la gouvernance du pays et ses implications pour la stabilité régionale. Comment un État peut-il concilier développement économique et lutte contre le crime organisé ? Quelles sont les conséquences de telles connexions sur l’économie légale, la sécurité et la réputation internationale du Gabon ?

L’affaire Germani et la relative remontée en surface des vieilles activités du milieu corse au Gabon mettent en lumière les défis colossaux auxquels font face la justice internationale et les autorités gabonaises. Même si le mandat d’arrêt contre Jean-Luc Germani a très peu résonné au Gabon, une question demeure : le pays saura-t-il se défaire de cette image de refuge tropical pour criminels en col blanc, ou continuera-t-il à danser sur le fil du rasoir entre développement économique et compromissions dangereuses ?

 
GR
 

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