L’idée d’Ali Bongo de faire intervenir les Forces de Défense et de Sécurité pour parer à l’isolation, consécutive à la catastrophe ferroviaire du 24 décembre, des provinces de l’Ogooué-Lolo (G7) et du Haut-Ogooué (G2) ramène à une dure et triste réalité : l’armée de l’air gabonaise est pauvre en aéronefs. Elle n’a même pas un seul gros porteur. Un pont aérien sera laborieux et onéreux.

Décembre 2014, le transport sur la Voie Express de Libreville d’un Lockheed C-130 Hercules en partance pour le port d’Owendo. © D.R.

 

À la faveur de la cérémonie de présentation des vœux au président de la République par les forces de défense et de sécurité ce 5 janvier, Ali Bongo a «ordonné l’intervention immédiate des Forces de Défense et de Sécurité (qui devront apporter) les solutions pour aider les populations à surmonter leurs difficultés.» Il est question de «faire face à la situation d’urgence qui prévaut dans le Haut-Ogooué et l’Ogooué-Lolo» à la suite de la catastrophe ferroviaire du 24 décembre dernier ayant coupé ces provinces du reste du pays, la route faisant également défaut.

L’idée de Ceca-Gadis et le budget de l’armée

Envoyé en réparation au Portugal, en décembre 2014, le Lockheed C-130 Hercules gabonais n’est jamais revenu. © aviationsmilitaires.net

La déclaration du chef de l’Etat amène à se demander pourquoi, depuis l’inédit sinistre ferroviaire, l’idée d’un pont aérien n’a pas été évoquée, par les autorités, pour ravitailler les deux provinces assiégées par les forces de la nature.

Toutefois, à la faveur d’une audience avec le ministre du Commerce, Yves Fernand Manfoumbi, le 4 janvier 2023, le président du Groupe Ceca-Gadis, leader de la distribution agroalimentaire au Gabon, a émis l’hypothèse d’un transbordement aérien de marchandises vers les deux provinces coupées du pays. L’idée est d’acheminer par voie aérienne plus de 1200 tonnes de produits secs et environ 250 tonnes de produits frais. Ce «transbordement nous ne pouvons pas le prendre en charge. Nous n’avons aucun moyen de le réaliser. Nous voulons que l’Etat s’implique dans cette opération», a souligné Augustin Boumah, le chairman de Ceca-Gadis.

S’il est de notoriété publique que le Gabon équipe régulièrement son armée, ce n’est pas toujours en moyens aériens. En 2021 par exemple, il était question de consacrer 151,9 milliards de francs CFA (contre 156,2 milliards en 2020) aux Forces de Défense, soit 7,8% du budget de l’Etat. Visiblement, en termes d’équipement cet argent ne va qu’à l’acquisition de chars et autres moyens roulants ainsi qu’aux outils de répression. On se souvient notamment des quatre véhicules blindés AML90 bloqués par la Commission interministérielle française pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) alors qu’ils devaient être livrés au Gabon par la société française Sofema.

Avions vendus : où sont les moyens logistiques militaires pour un pont aérien ?

Photographié en 1972, un autre avion du Gabon ayant disparu du ciel national sans remplacement. © aviationsmilitaires.net

Et voilà que l’idée de Ceca-Gadis, combinée à celle du président de la République, portant mise à contribution de l’armée, amène à l’évidence que le Gabon n’a pas les vrais et bons moyens logistiques militaires pour un pont aérien. Si elle dispose d’un avion moyen de transport des troupes et de matériels mi-lourds, elle n’a pas de gros porteurs, pas d’avion-cargo.

Pour mémoire, acquéreur d’un Lockheed L-100-30 en septembre 1981, l’armée de l’air gabonaise l’a vendu, en 1990, à une compagnie aérienne néerlandaise. Si un gros porteur est visible aujourd’hui sur le tarmac de l’aéroport Léon Mba à Libreville, de sources militaires il appartient aux Eléments français au Gabon (EFG). Également pour mémoire, en décembre 2014, les Librevillois, assistèrent, stupéfaits, au transport sur la Voie Express d’un avion de type Lockheed C-130 Hercules. En stationnement prolongé sur le tarmac de la base aérienne 01 de Libreville pour panne, l’aéronef était alors en partance le port d’Owendo. Il devait être acheminé par bateau vers le Portugal en vue de sa réparation. L’aéroplane n’est jamais revenu. Il aurait finalement, selon le média MatindAfrique notamment, été vendu comme bien d’autres avions du Gabon.

Location onéreuse ou utilisation des moyens du bord très laborieux ?

Il n’en reste pas moins que pour parer à l’urgence, le Gabon peut entreprendre de louer un gros porteur sur le marché international de l’aviation d’affaires. Un McDonnell Douglas DC-10 se loue à 9300 € (plus de 6 millions CFA) par heure ou un Antonov An-225 à 27300 € (près de 18 millions CFA) par heure. Au regard de la situation économique du Gabon, il est à douter que l’Etat puisse dépenser autant d’argent pour l’opération de sauvetage voulue par Ali Bongo.

De petits porteurs existent néanmoins dans l’armada militaire aérien du pays. Des avions militaires existent qui sont souvent utilisés, notamment pour les besoins de transbordements de la Tropicale Amissa Bongo, la célèbre course cycliste internationale annuellement organisée au Gabon. Il y a également l’aéroplane que les Gabonais appellent ironiquement «Air Ngouoni». Cet avion militaire, un ATR, s’est spécialisé dans le transport gratuit des populations Altogovéennes sur la ligne Libreville-Franceville-Libreville. La mise à contribution des militaires gabonais n’est pas une chimère. Mais avec les petits moyens aériens dont dispose l’armée de l’air gabonaise, la mission sera nécessairement laborieuse ou très onéreuse dans l’option d’une location d’avion-cargo.

 
GR
 

7 Commentaires

  1. Mezzah dit :

    On cherche à ravitailler les populations des deux provinces par avion, mais on ne dit rien des mines de Manganèse qui doivent arriver au port d’Owendo, du bois qui doit également être transporté par la voie ferrée, des pertes que vont subir des opérateurs économiques qui se servaient de cet outil pour leur business, de l’image du Gabon qui ne pourra plus séduire les entreprises à investir au pays.
    On vous apprend que les investisseurs sont attirés par la stabilité politique c’est-à-dire une démocratie assurée et assumée et par le développement des infrastructures. Dans le cas du Gabon, quel investisseur viendra en ce moment ?

  2. Gayo dit :

    Donc Ali Bongo a vendu et détruit le peu de moyens dont disposait notre pays, détruit des infrastrures pour s’enrichir et ne laisser pour l’armée que des moyens de répression.

  3. Gayo dit :

    Ces deux provinces sont punis pour leur trahison envers la patrie pour le bénéfice des Bongos aux noms de quelques nominations pour les corrompre. Vous avez soutenu le mal.

  4. Jones dit :

    Attendons voir ce que peut faire une armée sous équipée, peu formée, désarmée et pauvre.

  5. Déborah dit :

    L’option de la route n’est pas envisageable ?! Pourtant il ya une piste ou des pistes coloniales deja existantes qui relie ces deux provinces aux autres Pourquoi ne pas rapidement avant la grande saison de pluie, engager des travaux dessus ? Juste de quoi permettre aux camions de marchandises de passer. Cela ne reviendrait-il pas moins cher que la voie aérienne ?? Vraiment incroyable l’accélération de la transformation du Gabon qu’en 2023 il n’y ait pas toujours de route praticable entre ces provinces et le reste du Gabon c’est quoi le problème des nos dirigeants sérieusement???Heureusement la mémoire des Gabonais oublie vite qu’est-ce qu’on appelle un pays émergent🚶🏻🚶🏽‍♀️🚶🏽‍♀️🚶🏽‍♀️

  6. Nicolas dit :

    Comment réélire un président quand un pays se trouve dans une situation aussi alarmante.on a besoin d’initiative et de vrai tête pensante ,en un mot de changement.

Poster un commentaire