Désiré Mounanga ne mâche pas ses mots. Aux dernières heures des préparatifs de la tournée d’Alain-Claude Bilie-By-Nze, il a dressé un tableau sombre de la situation politique et économique du Gabon sous la Transition. Il dénonce les choix du régime en place et réaffirme sa prise de position en faveur d’Alain-Claude Bilie-By-Nze. Selon lui, l’ancien Premier ministre est l’homme de la situation, un rempart contre la dérive du pouvoir actuel. «D’ici août on risquerait d’être en cessation de paiement», a-t-il affirmé. Ci-dessous, la suite et la fin de notre entretien avec cet homme d’Église.

Désiré Mounanga lors de notre entretien. © GabonReview

 

GabonReview : Quelle est votre lecture de la situation actuelle du Gabon ?

Désiré Mounanga :  Le pays traverse une crise profonde. Nous voulons amener les Gabonais à comprendre que le pays va mal. Il va mal sur le plan économique, il va mal sur le plan social. Il va mal parce que les hommes politiques actuels ont mené le Gabon sur la voie dans laquelle il se trouve aujourd’hui. Ce choix nous l’avons dénoncé. Le Gabonais aujourd’hui est confronté à un Code électoral qui est sans égal dans le monde : les militaires et les magistrats qui doivent faire la politique. Mais les militaires n’ont pas demandé à faire la politique. On n’a pas vu une seule marche où les magistrats ont demandé à faire de la politique. Parce que le général Oligui veut demeurer au pouvoir, il a dit qu’il faut changer le Code électoral. Alors, qu’il le dise. La restauration des institutions qu’il nous a promise, le 4 septembre 2023 était-ce son désir à lui de s’accrocher au pouvoir ? La seule institution qui a été restaurée c’est celle où lui-même veut demeurer au pouvoir. C’est une minorité des militaires qui s’accaparent les biens du pays. Nous pensons que c’est un choix de société inapproprié.

Le gouvernement met en avant certaines réalisations, notamment l’entretien des routes. Ne reconnaissez-vous pas ces avancées ?

Monsieur Oligui se vante de certaines réalisations, dont 600 km de routes bitumées. Mais qu’est-ce que 600 km de routes bitumées devant cet abîme de voies inexistantes dans le pays ? Les partisans du CTRI disent 600 km de routes, mais je ne vois rien en dehors du contournement de l’aéroport qui a été fait. Mais c’est un travail qui a été financé entièrement par le régime sortant. J’aurai aimé par honnêteté intellectuelle et professionnelle que le CTRI vienne reconnaître que voici une réussite de monsieur Ali Bongo. On ne peut pas comparer le pire d’hier au pire d’aujourd’hui. Si l’avenir du Gabon s’inscrit dans cette comparaison, le Gabon ne pourra pas du tout voir des lendemains meilleurs. Or, on doit plutôt chercher à se projeter vers l’avenir et un avenir meilleur, le Gabon mérite mieux.

Le CTRI a fixé la présidentielle au 12 avril, avançant ainsi l’échéance. Pourquoi ce choix suscite-t-il autant de controverses ?

Beaucoup disent que l’élection convoquée pour le 12 avril est une façon de respecter le chronogramme. Mais nous ne l’avons pas vu le chronogramme. Les militaires ne nous ont jamais présenté clairement le chronogramme. Ils l’ont toujours caché. Ce ce que les militaires ont présenté comme promesse aux chefs d’État de la sous-région c’est que, la Transition devait s’arrêter en août. Or, en ramenant l’élection au 12 avril, il y a un problème : c’est que le Gabon a trahi sa parole auprès des chefs d’État de la sous-région. Il faut donc qu’il aille s’expliquer pourquoi donc il a changé. Et en ramenant l’élection au 12 avril, on a un autre problème, c’est celui du calendrier académique. Qu’est-ce qu’on fait de l’avenir de nos enfants ?

Quels en sont, selon vous, les véritables enjeux et conséquences, notamment sur le système éducatif ?

À partir de mars, déjà en février, les enseignants ne seront plus concentrés parce que le franc électoral est celui qui permet à certaines personnes de se construire un petit avenir. La majorité des enseignants se lancera dans la campagne. Ces enseignants vont oublier les salles de classe jusqu’au 12 avril, sinon après le 12 avril parce qu’il y a le second tour de l’élection. Nous aurons nos enfants qui auront perdu une année académique entière. Comment fait-on pour rattraper ça, déjà que ce que le Gabon tente de faire jusqu’ici c’est du rattrapage ? Nous avons un gouvernement entier qui décide de détruire l’avenir de toute une génération. Les parents qui se réjouissent de ça, ce sont des parents qui ont oublié leur responsabilité parentale et qui ont une certaine inconscience.

Vous estimez que cette précipitation cache une situation économique alarmante. Pouvez-vous préciser votre analyse ?

Il y a précipitation parce que les indicateurs économiques sont au rouge. La signature du Gabon ne compte plus sur les marchés internationaux. Le Gabon ne peut pas emprunter. Du coup, il faut essayer de précipiter les choses parce que d’ici août on risquerait d’être en cessation de paiement. L’échec c’est eux qui l’ont provoqué. Ils auraient pu faire le coup d’État et placer Ondo Ossa qui a été élu par les Gabonais. Les sanctions ou les menaces qui pèsent sur le Gabon auraient été évitées, parce qu’un gouvernement légitime serait aux affaires. Ils se sont accrochés et ils croyaient que la communauté internationale devait, comme les Gabonais, acclamer. Le Commonwealth est passé ici et a alerté sur le danger. Ceux qui ont commencé à comprendre réalisent qu’ils auraient dû écouter ce que la représentante du Commonwealth.

Désiré Mounanga. © GabonReview

Alain-Claude Bilie-By-Nze semble à juste titre, bénéficier de votre confiance. Qu’est-ce qui justifie votre soutien ?

Ma dernière intervention a suscité quelques interrogations et c’est de bon augure. Je constate que les Gabonais ne connaissent pas les fondamentaux de la politique. Je constate qu’au niveau du Gabon, la politique est plus une question de rumeurs que de faits. J’en ai fait l’expérience et j’ai compris qu’il fallait être extrêmement prudent sur ce qui se dit ici au Gabon. Donc en ce qui concerne la politique du pays, les Gabonais doivent élever leur niveau. 35 ans après le multipartisme, on doit avoir une certaine maturité, une honnêteté intellectuelle et spirituelle. Bilie-By-Nze joue un rôle clé en coulisses.

Quid donc du repentir d’Alain-Claude Bilie-By-Nze ?

Quel est le chrétien dans ce pays qui doit visiter toutes les églises pour s’assurer que tous ceux qui sont dans ces églises sont vraiment repentis. Nous devons simplement considérer le cheminement que quelqu’un prend. Notre vie chrétienne ne nous autorise pas à nous baser sur le passé parce que le passé nous disqualifie de la voie céleste et c’est justement ce passé que nous avons abandonné. La foi est une relation personnelle avec Dieu. Je ne peux pas commencer à douter de la foi de quelqu’un. Auquel cas, tous devraient douter de ma foi moi aussi. Si on se lance sur cette voie, il n’y a plus de croyants, il n’y a plus de fondamentaux chrétiens ou spirituels dans une Nation. Il en va de même en politique : ce qui compte, c’est le cheminement, l’engagement actuel.

Certains jugent son passé politique compromettant. Que leur répondez-vous ?

Beaucoup parlent du passé politique d’Alain-Claude Bilie-By-Nze et quand ils parlent de ce passé, ils cherchent à le comparer à certains membres du CTRI, notamment M. Oligui. Mais, en guise d’anecdote, moi j’ai grandi dans un village et j’ai compris une chose : le chef du village qui a été établi par l’administration n’est pas toujours le vrai chef du village. Il y a toujours quelqu’un de caché et parfois méprisé, qui est le vrai chef. Les Gabonais connaissent-ils le véritable rôle de M. Alain-Claude Bilie-By-Nze dans ce pays ? Ils parlent parce qu’ils ne connaissent rien. Tous ceux qui parlent aujourd’hui en toute liberté devraient apprendre à dire merci à M. Alain-Claude Bilie-By-Nze parce qu’au sortir du 30 août 2023, si les Gabonais savaient les projets de certains faucons du pouvoir pour les privations des libertés des Gabonais, beaucoup ne parleraient pas mal de cet homme. Grâce à lui, beaucoup de Gabonais peuvent s’exprimer. Regarder d’ailleurs la manière avec laquelle les membres du CTRI n’hésitent pas à traiter ceux qui osent parler. Si les gens ne comprennent pas que la présence d’Alain-Claude Bilie-By-Nze a permis de réduire la volonté destructive du CTRI, c’est dommage. Quand je prends la parole sur la place publique, je dois reconnaître qu’il y a une partie d’Alain Claude Bilie-By-Nze pour que je puisse parler librement. Dans ce que les Gabonais mangent, il y a du Alain-Claude Bilie-By-Nze. Il y a des hommes qui connaissant les difficultés de ce pays, combattent dans le silence, qui rencontrent des bailleurs internationaux pour que les choses n’aillent pas de mal en pis.

Selon vous, Bilie-By-Nze incarne l’avenir du Gabon. Pourquoi ?

Alain-Claude Bilie-By-Nze fait partie de ces hommes. Alain-Claude est l’antidote de l’économie gabonaise aujourd’hui. C’est l’assurance tout risque de la politique gabonaise. La politique n’est pas faite pour les enfants, la politique n’est pas faite pour les émotionnels, elle est faite pour des hommes rationnels. Elle est faite pour des hommes et des femmes qui n’ont pas froid aux yeux et qui abordent chaque situation avec retenue, avec une certaine hauteur. Je prends la parole pour dire, nous avons une chance d’avoir Alain-Claude Bilie-By-Nze aujourd’hui, dans notre pays. J’ai entendu les dignitaires fangs se lever et dire qu’il était bon derrière M. Oligui parce que c’est leur fils. Je ne vais pas m’étendre sur cette posture qui est plutôt tribaliste, néanmoins, je dirai que si la communauté fang et les Gabonais en général ont donné un Oui au référendum, la Constitution à M. Oligui, je leur dis de donner la présidence à M. Bilie-By-Nze pour la simple raison que nous avons ici un véritable fils fang de ce pays.

Entretien réalisé par Alix-Ida Ndong Assoumou née Mussavu Kombila

 

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Biswe dit :

    Il eut été intéressant d’avoir un lien ou un rappel sur la première partie de cette interview!

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