Interconnexion électrique : Un éclairage nouveau
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S’il vise à en finir avec les délestages dans le Woleu-Ntem, le raccordement du Gabon et la Guinée équatoriale affirme la pertinence de l’intégration régionale. Il souligne aussi l’urgence d’y parvenir.
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Interconnexion électrique Gabon-Guinée équatoriale. Et si c’était une preuve supplémentaire de l’inanité du ‘’souverainisme économique’’ voire de l’impertinence du protectionnisme ? © GabonReview
Foule bigarré, composée de hautes voire d’illustres personnalités ; flonflons, strass et paillettes ; discours dithyrambiques, odes à la fraternité entre peuples et pays, ruban symbolique… Les petits plats ont été mis dans les grands pour la mise en service, le 22 février courant à Bitam, de l’interconnexion électrique entre le Gabon et la Guinée équatoriale. Au-delà de la question énergétique, par-delà la volonté d’en finir avec les délestages dans le Woleu-Ntem, cet événement s’inscrit dans une dynamique d’intégration sous-régionale. Depuis l’avènement du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), jamais cette problématique ne s’est invitée de manière aussi directe dans la politique nationale. Même si le lancement des travaux de bitumage de la route Ndendé-Doussala participe de la même dynamique, jamais elle n’a connu de traduction aussi concrète. Jamais, sa pertinence et l’urgence d’y parvenir n’ont été démontrées de façon aussi éclatante.
Établir des synergies avec les projets intégrateurs
Bon gré mal gré, cette interconnexion relance le débat sur l’intégration sous-régionale. Quels en sont les projets prioritaires ? A quelles échéances respectives ? Qui en assure la mise en œuvre ? A quel stade se trouvent-ils ? Y a-t-il des facteurs bloquants ? Lesquels ? Institution spécialisée de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), le Pool énergétique de l’Afrique centrale (PEAC) a arrêté une liste de projets intégrateurs prioritaires (PIP). Au nombre de ceux-ci, l’interconnexion des centrales hydroélectriques de Grand Poubara, Djibloho en Guinée équatoriale, et Memve’Ele au Cameroun. Quant à la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), elle est favorable à une connexion électrique Grand Poubara/Imboulou au Congo. Malheureusement, tout ceci est resté à l’état de projet, les gouvernements y accordant peu d’intérêt au nom d’une prétendue souveraineté énergétique ou d’une supposée «préférence nationale». D’aucuns parleront de la nécessité de réduire les risques pour les investisseurs, garantir le respect des règles du marché et du libre-échange d’électricité. Mais, rien ne légitimera le non-aboutissement ou l’abandon de projets décidés dans un cadre concerté.
Le raccordement du Gabon à la Guinée équatoriale projette aussi un éclairage nouveau sur les conclusions du Dialogue national inclusif (DNI) d’avril 2024. Manifestement acquis aux thèses protectionnistes, les dirigeants de la «Commission économique» n’avaient nullement tenu compte de la nécessité de hâter l’intégration sous-régionale. Déterminés à faire de la «préférence nationale» un pilier de la stratégie nationale, les animateurs de la sous-commission «Infrastructures, équipement et travaux publics» n’avaient pas songé à établir des synergies avec les projets intégrateurs. Avaient-ils parlé du développement des énergies renouvelables ? Jamais, ils n’ont évoqué l’existence du Centre pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique en Afrique centrale (CEREEAC), entité chargée d’accélérer la transition énergétique à travers un soutien aux Etats. Avaient-ils envisagé «l’import-export de l’énergie électrique» ? Ils sont restés aériens, se gardant de citer les projets en cours.
Renforcement de la coopération
Dans un pays où les entreprises disent payer l’électricité la plus chère de la sous-région, comment plaider pour une amélioration du «mix énergétique» sans évoquer l’urgence d’abaisser la part du thermique et de s’ouvrir en conséquence ? Dans un pays où la qualité des services d’électricité sont en constante dégradation, comment militer pour l’interconnectivité et l’interconnexion sans parler du renouvellement des équipements de production et de transport ? Comment éluder la gouvernance du secteur ? Ne fallait-il plancher sur la réforme de l’autorité de régulation ? Dans cette optique et, dans une perspective d’intégration, trois options auraient pu être envisagées : le renforcement de la coopération entre régulateurs nationaux afin de faciliter la concertation sur les échanges transfrontaliers ; la mise en en place d’un réseau de régulateurs indépendants, censé guider le travail des entités nationales et ; la création d’une autorité sous régionale ayant compétence sur l’ensemble de l’espace sous-régionale.
Selon diverses études, le prix du KWh au Gabon est largement au-dessus de tarifs pratiqués au Congo et au Cameroun notamment. Dans certains cas, des données suggèrent une sous-utilisation des capacités installées voire des pertes considérables durant le transport et la distribution. Voilà pourquoi, toute réflexion sur l’énergie doit se faire selon une approche holistique et programmatique. Voilà aussi pourquoi il faut s’ouvrir au lieu de se recroqueviller. Voilà enfin pourquoi on ne peut prétendre régler cette question en se refusant à toute forme d’intégration, en plaidant pour son clocher ou en se réfugiant derrière une rhétorique surannée aux antipodes de la mondialisation. Et si cette interconnexion était une préuve supplémentaire de l’inanité du «souverainisme économique» voire de l’impertinence du protectionnisme ?
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1 Commentaire
Déjà on écrit foule bigarrée pas bigarré…
Ensuite quand la Guinée à proposé de goudronner nos routes on a préféré rester sur notre latérite !!!
Au lieu de fantasmer d’être le mendiant des voisins, faisons des usines de production d’énérgie tellement puissantes que c’est nous qui vendrions le courant aux voisins Camerounais et Congolais…