Insalubrité urbaine à Libreville : quand l’incivisme sabote la ville

Malgré les dispositifs mis en place pour assainir la capitale, l’insalubrité persiste à Libreville. En cause, un incivisme grandissant, nourri par l’impunité, l’irrespect des règles de vie commune, et une inquiétante agressivité envers les agents municipaux. Face à cette déliquescence, la ville se débat entre efforts institutionnels et comportements démissionnaires.

Malgré les dispositifs mis en place pour assainir la capitale, l’insalubrité persiste à Libreville. © D.R.
À Libreville, les ordures jonchent les trottoirs, les dépotoirs sauvages renaissent quelques heures après les opérations de nettoyage, et les points d’apport volontaire sont désertés. Pourtant, les moyens déployés par la mairie sont visibles : brigades municipales, campagnes de sensibilisation, aménagements de structures dédiées. Rien n’y fait. L’insalubrité semble plus forte que la volonté politique.
Le constat est accablant : une partie de la population sabote sciemment les efforts entrepris. On jette les ordures en plein jour, au vu et au su de tous, souvent à proximité de panneaux interdisant formellement ces comportements. « Les gens savent que c’est interdit, mais ils n’en ont cure. Pour eux, la rue appartient à tout le monde, donc à personne », déplore un agent municipal, sous le sceau de l’anonymat. Cette désinvolture généralisée traduit une crise bien plus profonde : celle du civisme.
Un sabotage du bien commun
La situation dépasse la simple négligence. Elle devient un acte de sabotage du bien commun, alimenté par un sentiment d’impunité et une perte de repères collectifs. « Nous investissons dans le nettoyage, nous mobilisons des équipes… Mais certains citoyens semblent s’acharner à maintenir la ville dans un état de saleté chronique », poursuit l’agent municipal.
Mais plus grave encore, les agents municipaux – en première ligne – sont désormais pris pour cible. Les brigades de propreté, mises en place pour veiller à l’ordre et à l’hygiène publique, subissent régulièrement des agressions verbales et physiques. Certains sont insultés, menacés, voire frappés par des contrevenants. Des cas ont même été rapportés où des professionnels se sont opposés violemment aux équipes municipales, contestant leur autorité ou refusant tout contrôle. Une dérive inquiétante qui vient aggraver une situation déjà anarchique.
Une capitale à genoux, un civisme en lambeaux

Les brigades de propreté, mises en place pour veiller à l’ordre et à l’hygiène publique, subissent régulièrement des agressions verbales et physiques. © D.R.
L’insalubrité n’est pas qu’un problème esthétique : elle devient une menace sanitaire majeure. Ordures à ciel ouvert, eaux stagnantes, prolifération de nuisibles… La capitale devient un terreau fertile pour les maladies comme le choléra, la typhoïde ou le paludisme. Et pendant que les agents municipaux ramassent les déchets, une partie de la population les accuse d’inaction, oubliant que la propreté commence par des gestes individuels.
Le mal est profond. Libreville est en crise de civisme. Et tant que cette pathologie sociale ne sera pas traitée à la racine, aucune réforme, aussi ambitieuse soit-elle, ne pourra redresser la situation.
Où sont les sanctions ?
La question des sanctions reste posée. Si les textes existent, leur application reste timide, voire absente. Combien d’amendes ont été infligées pour incivisme environnemental ? Combien de contrevenants traduits devant les juridictions compétentes ? Le silence administratif et judiciaire entretient le laxisme. Cette banalisation de la faute illustre la démission collective. Il est urgent de rétablir l’autorité publique, y compris dans les actes les plus élémentaires de la vie urbaine. L’heure n’est plus aux demi-mesures.
La propreté n’est pas un luxe, mais un acte de respect envers soi-même et envers la communauté. Elle ne dépend pas uniquement d’un maire, d’un délégué spécial ou d’un prestataire de collecte : elle repose sur une conscience partagée. La bataille pour la propreté est aussi une bataille pour l’attractivité, pour la santé publique et pour la dignité nationale. Si Libreville veut redevenir une capitale digne de ce nom, le changement ne viendra pas seulement d’en haut. Il commence au pied de chaque bac, entre les mains de chaque citoyen.

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