Sur le fauteuil roulant que lui a prêté le Centre hospitalier universitaire d’Owendo (CHUO), Junior Good Man Renomba lance un cri de douleur. Entre son incarcération qu’il juge arbitraire, les aiguilles qui se sont implantées dans son corps après avoir été frappé presque à mort par des hommes en treillis et les asticots qui sortent de sa vessie depuis cette mésaventure, il fait le récit de l’homme brisé par l’injustice et la douleur qu’il est devenu. Il lance son cri à l’endroit du président de la Transition ou des bonnes volontés qui pourraient l’aider à retrouver sa dignité à travers des soins hospitaliers adéquats.

Junior Good Man Renomba Edidizithe présentant l’une des radios à GabonReview. © GabonReview

 

Tout aurait commencé en 2020. Un soir comme tant d’autres à Port-Gentil, Junior Good Man Renomba Edidizithe partageait une bière avec un petit de son quartier. Le hic ? Ce dernier gardait une fille recherchée. Était-ce un enlèvement ? Good Man assure qu’à ce moment-là, il ignorait que ce compagnon circonstanciel qu’il n’a plus revu depuis ce jour détenait la jeune fille chez lui, mais sa vie bascula. Une fois rentré à la maison, le fracas de la porte qui avait presque cédé sous la violence des hommes en civil, mais armés d’un couteau et d’une arme à feu l’avait alerté. «Suis-nous», avaient ordonné les deux hommes le ton sec et menaçant.

Alors qu’il tentait de s’habiller après avoir voulu se défendre, l’homme armé du couteau le poussa violemment. «Nous sommes tombés ensemble. Celui qui avait l’arme à feu a attrapé ma fille et tiré en l’air, me forçant à me rendre. Menotté, j’ai été conduit dans leur véhicule, où j’ai compris qu’ils étaient des agents en voyant leurs uniformes sur les sièges», se rappelle-t-il le cœur meurtri. Mais quels agents : ceux censés protéger ou ceux qui détruisent ? Ils l’avaient dans la foulée, emmené à l’ancienne base de l’armée française de Port-Gentil. Good Man croyait qu’il s’agissait d’une arrestation, mais ce n’était pas le cas. Là-bas, il a été roué de coups, battu presque à mort : c’était le vrai début du cauchemar

Descente aux enfers, victime inconnue

«À 15h, deux agents, le major Scott et un de ses collègues métis, sont venus avec un bâton couvert d’aiguilles et ont commencé à me torturer. Ils m’ont frappé sur tout le corps jusqu’à ce que je perde conscience», assure Good Man.  Leçon, punition pour un crime qu’il ignorait ? Les coups pleuvaient, la douleur devenait insupportable minute après minute, mais personne ne lui expliquait la raison de cette torture. «Je me suis réveillé à l’hôpital, mais trois jours plus tard, j’ai été transféré à la prison centrale de Port-Gentil, accusé de crimes dont je n’avais aucune connaissance», a fait savoir ce Gabonais de 31 ans.

Dans le pays, les magistrats sont connus pour leurs décisions arbitraires, les hommes en treillis pour leur abus d’autorité. Good Man était-il une nouvelle victime de ce système tant décrié ? Accusé de kidnapping puis d’assassinat, de viol et de séquestration, il a finalement été jugé pour violence et voie de fait. Sur qui ? Sa vie se brisa. «Trois jours après mon incarcération, j’ai perdu l’usage de mes jambes. Les médecins de l’hôpital de Tchengue ont tenté de m’aider, mais je suis resté paralysé. Pendant 4 ans, j’ai vécu en prison dans cet état, ignorant que des aiguilles s’étaient plantées dans mon corps», a-t-il confié.

Les ruines de sa vie

Le compte-rendu d’hospitalisation filmé par Gabonreview. © GabonReview

Si en prison il avait trouvé des détenus qui prenaient soin de lui dans cet état, le milieu carcéral était plutôt une condamnation à mort lente. Son existence volée depuis lors, la gangrène se propageait au fil des jours. Paralysé et brisé, chaque instant devenait une agonie. Libéré le 28 février 2024, sa santé était catastrophique. «J’ai une sonde urinaire infestée d’asticots qui sortent de ma vessie», a-t-il confié la mort dans l’âme. Grâce à des personnes compatissantes, il a pu passer des examens à l’hôpital de Tchengue. Les résultats ont révélé la présence de 32 aiguilles dans son corps : les vestiges d’une torture qui le hantera à jamais. «Aujourd’hui quand je vois un homme en tenue, ce film se retrace dans ma tête», a révélé le trentenaire.

Sa vie ne tient plus que sur des ruines. Son père est mort des suites d’un AVC lorsqu’il a appris que Good Man l ne pourra plus marcher, sa maison a été incendiée, et il s’est retrouvé à dormir dans la rue. À travers le directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères, le président de la Transition, pris en charge son évacuation sanitaire au Centre hospitalier universitaire d’Owendo (CHUO) où, on ne lui administrerait qu’un traitement à base de paracétamol et d’antidouleurs. Selon le compte-rendu d’hospitalisation, son état est resté stationnaire, le diagnostic a été la paralysie et aucune prise en charge chirurgicale n’a été faite quand bien même, «deux aiguilles sont sorties seules».

Des soins incomplets et un ultime appel à l’aide

«Les médecins m’ont annoncé par une stagiaire et sans ménagement que ma moelle épinière est sectionnée et que je ne pourrais plus jamais marcher», a-t-il fait savoir. «Aujourd’hui, on me demande de quitter l’hôpital avec les aiguilles encore présentes dans mon corps et les asticots vivants sortant de ma vessie. Mais je ne peux pas partir de là. Je lance un appel désespéré au président de la République et à toutes les âmes charitables», a-t-il déclaré. Hospitalisé en neurochirurgie, Good Man est fatigué de souffrir et souhaite que son calvaire ne devienne pas une simple histoire oubliée.

Ce, d’autant plus que certains médecins lui auraient assuré qu’une opération est possible dans son cas. Mieux, à la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS) à travers laquelle il est pris en charge à 100%, tout indiquerait qu’il est pris en charge et en évacuation sanitaire au Maroc. Comment est-ce possible alors qu’il se retrouve à demander de l’aide entre Libreville et Owendo ? Good Man à qui le médecin traitant aurait dit «les aiguilles vont sortir seules ce n’est pas une urgence», espère être évacué ou, au nom de l’humanité, recevoir de meilleurs soins pour retrouver un semblant de dignité.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Gayo dit :

    Il doit exister des centaines d’histoires similaires sous le régime injuste des Bongo, qui perpétuait l’impunité et imposait la loi du plus fort. Ce système semble renaître sous Oligui, qui s’entoure des mêmes hommes cupides et égocentriques du PDG. Cela se reflète notamment dans les amendements adoptés par le Sénat et l’Assemblée nationale, orientés non pas vers les intérêts du peuple, mais vers la préservation de leurs propres privilèges et le partage de postes et avantages immérités.

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