Alors que la Journée mondiale de l’Habitat met les défis de l’urbanisation sous les projecteurs, le Gabon se trouve à un carrefour crucial. Avec 91 % de sa population vivant en milieu urbain et des taux de chômage élevés chez les jeunes, le pays fait face à un paradoxe : une jeunesse créative et connectée d’un côté, et de l’autre, des infrastructures dépassées. Pourtant, comme le souligne ici Adrien N’Koghe-Mba*, des initiatives portées par des jeunes entrepreneurs, comme celle de Paul Alogui Lavoula qui transforme des déchets en matériaux de construction, montrent que l’innovation peut être le moteur d’un avenir urbain durable pour Libreville et au-delà.

En recyclant les déchets en opportunités, Paul Alogui Lavoula redéfinit l’avenir urbain de Libreville : un projet pour bâtir une ville durable et innovante. © GabonReview

 

Cette semaine, le monde célèbre la Journée mondiale de l’habitat, le 7 octobre, une journée dédiée à la réflexion sur l’état de nos villes et de nos habitats, mais aussi sur les défis croissants liés à l’urbanisation. Le thème de cette année, « Impliquer les jeunes pour un avenir urbain meilleur », est particulièrement pertinent dans le contexte du Gabon, où 91 % de la population vit en milieu urbain. À Libreville, la capitale, 68 % des habitants du pays sont concentrés, et pourtant, 40 % des jeunes y sont au chômage. Face à ce défi, ce thème résonne comme un appel à l’action : il est temps d’impliquer les jeunes dans la construction de leur propre avenir, ainsi que celui de nos villes.

Un paradoxe urbain au Gabon

Dans les villes africaines comme Libreville, l’urbanisation rapide représente à la fois des opportunités et des défis. D’un côté, une jeunesse pleine de potentiel, souvent bien éduquée et connectée aux technologies modernes. De l’autre, des infrastructures dépassées, un manque d’emplois et une gestion publique qui peine à canaliser cette énergie. Le Gabon est à un carrefour : avec une telle concentration urbaine, si la jeunesse n’est pas activement impliquée, l’urbanisation risque de devenir une source d’inégalités croissantes.

Cependant, au lieu de voir ce phénomène comme une crise, le Gabon peut y voir une opportunité. La jeunesse gabonaise ne manque pas de créativité, et il y a déjà des jeunes qui, loin de se résigner, se lèvent pour apporter des solutions innovantes.

Des jeunes porteurs de solutions

Parmi ces jeunes, Paul ALOGUI LAVOULA, cofondateur et président de REVADAC, est un entrepreneur visionnaire qui a décidé de transformer les déchets plastiques, les verres et les pneus usagés en matériaux de construction durable. Face aux montagnes de déchets qui envahissent Libreville, Paul ALOGUI LAVOULA a trouvé une façon intelligente de résoudre deux problèmes à la fois : celui de la gestion des déchets et celui de l’accès à des matériaux de construction abordables et écologiques. Son entreprise fournit aujourd’hui des matériaux pour des projets phares comme la Baie des Rois, un développement urbain ambitieux qui se veut la vitrine du Libreville du XXIe siècle.

La Baie des Rois, projet de réaménagement urbain sur le littoral gabonais, symbolise l’avenir urbain du pays. Ce vaste projet porté par la Façade Maritime du Champ Triomphal (FMCT), qui inclut des zones résidentielles, commerciales et de loisirs, est une source d’inspiration pour toute l’Afrique. Il reflète ce que peut devenir Libreville lorsqu’on investit dans des infrastructures modernes et durables. Et l’ironie, ou plutôt la beauté du geste, est que certains des matériaux utilisés pour construire cette nouvelle façade de la ville proviennent des déchets recyclés, produits par un jeune Gabonais, Paul ALOGUI LAVOULA. Ce genre d’initiative montre qu’il est possible, en s’appuyant sur les talents et les solutions locales, de transformer nos villes de manière innovante.

Ces jeunes, porteurs de solutions, prouvent que l’urbanisation n’est pas nécessairement synonyme de précarité. Bien au contraire, elle peut être un moteur de développement si elle est nourrie par l’énergie créatrice de la jeunesse. Mais pour que cela fonctionne à grande échelle, il faut un soutien. Les gouvernements, les entreprises et les organisations internationales doivent reconnaître et financer ces initiatives. Ils doivent offrir aux jeunes entrepreneurs comme Paul ALOGUI LAVOULA les ressources dont ils ont besoin pour prospérer et étendre leurs solutions.

L’avenir de Libreville, un laboratoire de créativité

Le thème de la Journée mondiale de l’habitat n’est pas qu’un simple slogan ; c’est une véritable feuille de route pour le Gabon. Libreville, une ville à la croisée des chemins, peut devenir un laboratoire de créativité et d’innovation pour la jeunesse gabonaise. Pour que cela se réalise, il est crucial de prendre des engagements clairs.

Le gouvernement gabonais doit créer un écosystème favorable à l’entrepreneuriat et à l’innovation. Des espaces de co-working, des incubateurs pour start-ups, ainsi que des programmes de formation aux compétences numériques et aux métiers de l’économie verte sont autant de leviers à actionner. Les jeunes Gabonais ont besoin de soutien, pas uniquement sous forme de subventions, mais d’un environnement qui encourage la prise de risque et l’innovation.

Impliquer les jeunes signifie également leur donner une place dans les processus décisionnels. Nos villes doivent devenir des espaces où les jeunes participent activement à la conception et à la gestion de leur environnement urbain. Cela peut passer par des initiatives locales de gouvernance participative, où les jeunes sont consultés pour des décisions sur des projets comme celui de la Baie des Rois ou d’autres infrastructures stratégiques.

L’exemple du continent

L’histoire de Paul ALOGUI LAVOULA, qui transforme des déchets en matériaux pour la construction de la Baie des Rois, est inspirante, mais elle n’est pas unique. Partout en Afrique, des jeunes s’engagent activement pour trouver des solutions aux défis de l’urbanisation. À Lagos, au Nigeria, l’écosystème des start-ups est en pleine expansion, et de nombreux jeunes y trouvent des opportunités dans la technologie et l’innovation. En Afrique du Sud, des initiatives de rénovation urbaine incluent directement les jeunes dans des programmes de formation et de reconstruction des quartiers défavorisés. Le Rwanda, souvent cité en exemple, a transformé sa capitale Kigali en une ville propre et connectée grâce à une vision audacieuse centrée sur les jeunes.

Libreville peut suivre cet exemple. La jeunesse gabonaise a démontré qu’elle a des idées, des projets et la volonté de les concrétiser. Mais pour transformer cette énergie en résultats tangibles, il faut une stratégie nationale qui place les jeunes au centre des priorités économiques et urbaines.

Vers un avenir urbain meilleur

La Journée mondiale de l’habitat de cette année est donc un moment de réflexion, mais aussi d’action. L’avenir de nos villes, et particulièrement celui de Libreville, dépend de notre capacité à impliquer la jeunesse dès aujourd’hui. Les jeunes Gabonais, à l’image de Paul ALOGUI LAVOULA, qui transforme des déchets en matériaux de construction durable pour la Baie des Rois, doivent être soutenus, écoutés et placés au cœur de la transformation urbaine.

L’avenir urbain meilleur que nous recherchons repose entièrement sur ces jeunes. Ils ne sont pas seulement l’avenir, ils sont déjà le présent. Il est temps de leur donner les moyens de façonner les villes de demain.

* Directeur général de l’Institut Léon Mba et président de l’association Les Amis de Wawa pour la préservation des forêts du bassin du Congo.

 
GR
 

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