Le Gabon, malgré ses ressources pétrolières abondantes, peine encore à exploiter pleinement le potentiel économique qu’offre cette industrie stratégique. À travers son ouvrage «L’opportunité économique inexploitée du Gabon : le contenu local dans l’industrie pétrolière», Guy Kassa Koumba, ingénieur et essayiste, tire la sonnette d’alarme. Ancien cadre de Shell Gabon, il appelle à un changement radical de mentalité et à la formation d’une nouvelle génération capable de saisir les opportunités économiques locales. Dans cette interview, il livre son analyse des enjeux et des solutions pour que le Gabon transforme son secteur pétrolier en véritable levier de développement national.

Ancien cadre de Shell Gabon, ingénieur et essayiste, Guy Kassa Koumba appelle à un changement radical des mentalités et à la formation d’une nouvelle génération apte à saisir les opportunités économiques locales. © GabonReview

 

GabonReview : Monsieur Guy Kassa Koumba, après presque trois décennies d’expérience dans l’industrie pétrolière, vous vous lancez dans l’écriture. Pourquoi ce choix et qu’est-ce qui vous a poussé à aborder le sujet du contenu local dans l’industrie pétrolière du Gabon ?

Guy Kassa Koumba : Mon choix de traiter ce sujet vient de mon expérience professionnelle. Travaillant dans l’industrie pétrolière depuis près de 30 ans, j’ai constaté un manque de valorisation du contenu local dans le secteur. Le Gabon, en tant que pays pétrolier, dispose de nombreuses opportunités inexploitées. Nous nous limitons à collecter des taxes et des royalties, mais il existe une multitude d’autres possibilités. Par exemple, la création d’entreprises locales spécialisées dans les services pour les multinationales pétrolières pourrait énormément bénéficier à notre économie. Mon ouvrage se veut un signal d’alarme pour éveiller les consciences sur cette question fondamentale et encourager les acteurs locaux à s’investir davantage dans ce secteur stratégique.

Vous évoquez un manque de valorisation du secteur pétrolier local. Quelles sont, selon vous, les raisons qui expliquent cet échec à pleinement tirer profit de cette industrie ?

Le principal frein à l’exploitation optimale de nos ressources pétrolières réside dans un manque de vision à long terme et une mentalité de dépendance. Pendant longtemps, le pays n’a pas eu besoin de chercher plus loin que ses ressources naturelles et son système de taxation. Mais aujourd’hui, avec la raréfaction des ressources et les défis économiques, il est crucial de réfléchir à la manière dont l’industrie pétrolière peut réellement contribuer à l’économie nationale. Nous avons longtemps laissé les multinationales exploiter nos ressources sans nous approprier une part plus significative des bénéfices. Il est urgent de changer de paradigme, de penser localement et de se donner les moyens de gérer cette industrie de manière plus autonome.

À qui s’adresse ce livre et pourquoi un tel ouvrage est-il important pour l’ensemble des Gabonais ?

Séance de dédicace de l’ouvrage L’opportunité économique inexploitée du Gabon : le contenu local dans l’industrie pétrolière . © GabonReview

Ce livre s’adresse à tous les Gabonais, qu’ils soient étudiants, citoyens, professionnels ou politiques. Le pétrole n’est pas une question réservée aux seuls responsables politiques ou aux acteurs du secteur pétrolier. C’est une ressource qui appartient à tous, et chacun doit comprendre comment il peut en bénéficier. Il est primordial que les jeunes se forment aux métiers de l’industrie pétrolière, car ce secteur est très exigeant. Les opportunités sont là, mais pour en profiter, il faut être compétent. C’est aussi un appel à une prise de conscience collective : la ressource est là, mais il nous appartient de la valoriser pour nous-mêmes.

Vous incitez les Gabonais à se former pour mieux participer à cette exploitation. Quelle est la place de la formation dans votre vision de l’exploitation du pétrole au Gabon ?

La formation est la clé de tout. Sans une compétence technique solide, on ne peut pas prétendre travailler dans un secteur aussi sensible que l’industrie pétrolière. Il ne suffit pas de vouloir ; il faut être préparé. L’industrie pétrolière peut être dangereuse, comme on l’a vu avec des incidents récents. C’est un secteur qui exige de la rigueur et de l’expertise. Les Gabonais doivent comprendre qu’en investissant dans leur formation, ils se donnent les moyens de participer activement à ce secteur stratégique. Ce n’est qu’en ayant des compétences de haut niveau que nous pourrons réellement prendre en main notre avenir économique.

Quelle est votre recommandation principale pour les autorités gabonaises afin d’exploiter au mieux ces opportunités ?

Ma principale recommandation est de croire en nos capacités. Trop souvent, nous avons cette mentalité qu’il faut attendre l’intervention d’acteurs étrangers pour réussir. Il est crucial que nous, Gabonais, développions une culture de l’autosuffisance et de la confiance en nos propres compétences. Cela passe par l’investissement dans la formation et par un soutien réel aux entreprises locales qui souhaitent se lancer dans ce secteur. Il faut également encourager une révision des politiques publiques pour permettre une meilleure intégration des acteurs locaux dans la chaîne de valeur de l’industrie pétrolière. Nous pouvons réussir, à condition de persévérer et de croire en nous-mêmes.

Vous avez mentionné que vous n’êtes pas un écrivain de vocation. Comment expliquez-vous votre démarche d’écrire ce livre malgré cela ?

L’écriture n’était pas un objectif en soi. Mais après 59 ans de vie, presque 30 ans d’expérience dans l’industrie pétrolière, je ressens un devoir de transmettre. Je ne pouvais pas garder toute cette connaissance pour moi. J’ai vu de nombreuses personnes se retrouver sans perspective dans un secteur où il y a pourtant tant d’opportunités. C’est cette envie de partager, de contribuer au changement, qui m’a poussé à écrire. Ce n’est pas l’écriture qui m’importe, mais bien le message que je souhaite transmettre : il est grand temps que les Gabonais s’approprient leur avenir économique.

 
GR
 

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