Au Gabon, les agents de la CNAMGS ont lancé, le 15 juin, un mouvement de grève avec, à la clé, un service minimum de 3h par jour. Entre revendication des acquis sociaux et prime de recouvrement pour tous, les syndiqués requièrent des avantages pour le bien-être des agents. De son côté, la direction générale, pour qui le mouvement d’humeur est illégal, s’inscrit en faux quant à la démarche du Syna-CNAMGS, tant toutes ses revendications relèvent de la compétence du Conseil d’administration ne s’étant pas encore tenu.

Le piquet de grève du 16 juin 2022 à Libreville. © D.R

 

Dès le matin le 15 juin, le Syndicat national de la CNAMGS (Syna-CNAMGS) a entamé un mouvement de grève qui devrait se poursuivre jusqu’au 23 juin, avant la prise d’une autre décision. Contacté par Gabonreview le 16 juin, le secrétaire général du Syna-CNAMGS revenant sur les raisons de cette grève, a expliqué que les agents requièrent des acquis sociaux stoppés avec l’arrivée de l’actuel directeur, Severin Anguilé. Au nombre de ces acquis, la prise en charge à 100% des agents CNAMGS en matière de santé. «On avait des structures hospitalières où on nous traitait à 100%. La direction générale payait les 20% du ticket modérateur. Il y avait aussi des pharmacies qui étaient à 100%», a fait savoir Haviny Obame.

Prêts internes à taux 0, ticket modérateur à 100%, primes pour tous, etc.

Selon le leader syndical, à l’arrivée du nouveau directeur général, un courtier d’assurance (Ascoma) a pris le relai mais le traitement ne convenant pas, le contrat a été rompu. Les syndicalistes exigent donc que soit remis en place l’ancien format. Soit, le paiement du ticket modérateur à 100%. Ils revendiquent tout aussi des prêts internes à taux 0 affirmant : «dans la maison on a toujours eu des prêts internes qu’ils remboursaient dans l’année à taux 0», le crédit automobile au même taux, pour tous les collèges, et l’acquisition des terrains. «Son prédécesseur est parti. Il a laissé 400 millions pour le paiement de ces terrains, à ce jour rien», affirme le syndicaliste. Au nombre des revendications, il compte également le montage d’une convention d’entreprise sur la base de laquelle a été mise en place une commission de reclassement.

A la CNAMGS, affirme-t-il, les agents ont été sous-employés. L’idée serait donc de les revaloriser et de dresser une grille salariale tenant compte de critères objectifs. «Des reclassements sur la base de 3 ans un échelon. On a signé tout ça, ça a été validé», a affirmé Haviny Obame, demandant la publication de la nouvelle grille et indiquant qu’à ces revendications se greffe le paiement de la prime de recouvrement. «Elle est payée sur les indemnités. C’est vrai qu’avant qu’il n’arrive, seule la direction du recouvrement la percevait mais il a demandé à ce qu’on la reverse à l’ensemble du personnel et à notre grande surprise on la verse à certaines directions et à d’autres non», a-t-il expliqué. Affirmant que les agents observent un service minimum de 3h par jour tous services confondus, Haviny Obame a indiqué que les revendications du Syna-CNAMGS datent de deux ans.

La part de vérité de la direction générale

Instantané du mouvement de grève. © D.R.

Le 16 juin, Gabonreview a tout aussi contacté la direction générale de la CNMAGS qui, de son côté, s’inscrit en faux quant à la démarche du Syna-CNAMGS. Au sujet de l’assurance santé, la direction générale se fonde sur le décret 00969/PR/MTEPS du 14 novembre 2008, instituant le régime obligatoire d’assurance maladie et de garantie sociale. Le texte de loi dispose, en son article 105, que les frais occasionnés par la délivrance de soins de santé ou de maternité sont supportés par la caisse sous forme d’une prise en charge partielle ou totale, et par l’assuré sous forme d’une participation personnelle via le «ticket modérateur».

Rappelant que les employeurs ont l’obligation de prélever 2% du salaire brut des salariés et de le reverser à la CNAMGS puis de payer 4,1% en tant qu’employeur, la direction générale souligne que ce sont ces cotisations sociales qui permettent à la CNAMGS de couvrir les risques liés à la maladie et à la maternité.

Prise en charge du ticket modérateur à 100% ou le risque pour la boîte ?

«Ce que 700 agents de la CNAMGS laissent entendre, c’est qu’ils doivent être pris en charge par la CNAMGS sur le dos des cotisants», a commenté Serge-Maurice Pambou, conseiller technique du directeur général de la CNAMGS. L’homme explique que sous la gouvernance de Michel Mboussou, les agents ont cru être pris en charge à 100% simplement parce qu’alors qu’ils devaient être prélevés dans leurs salaires, ils n’ont jamais été prélevés donc n’ont jamais payé. Ce qui a eu un impact négatif sur les finances de la Caisse. «Au bout d’un moment, le Pr Mboussou a dit qu’on arrête. C’est faux ce qu’ils disent», a-t-il affirmé, en accord avec la directrice des Ressources humaines. Les réclamations des agents sur le ticket modérateur coûteraient au minimum 900 millions de francs CFA à la CNAMGS. Ce qui représenterait un risque pour la boîte.

Selon le traité de la Conférence interafricaine de la prévoyance sociale (Cipres), les ratios prudentiels pour la pérennité d’une boîte, la masse salariale rapportée aux charges techniques, devraient être de l’ordre de 15%. Or, la CNAMGS aujourd’hui est à 28%.

Sur l’acquisition des parcelles, plusieurs propositions ont été faites, et un promoteur d’Igoumié choisi avec l’accord des syndicalistes. Le hic ? Ce dernier est en litige avec l’Agence nationale de l’urbanisme, des travaux topographiques et du cadastre (ANUTTC). «Fallait-il continuer de mettre de l’argent malgré le litige ?», a interrogé Serge-Maurice Pambou expliquant qu’en attente de la décision de justice, les tractations ont été suspendues. Aussi, le surendettement des agents aurait amené le directeur général à réexaminer certaines questions liées aux finances des agents.

De la compétence du Conseil d’administration

Instantané du piquet de grève. © D.R.

Au sujet de la prime, informe le conseiller technique, le directeur général avait donné une prime de productivité assise sur les charges techniques. Or, la Cipres dans son dernier rapport a conseillé de la supprimer, les résultats de la caisse étant négatifs. Il a donc demandé d’attendre l’arrêté des comptes qui, selon les statuts, a lieu en juin. D’attendre, notamment, le Conseil d’arrêté des comptes qui devrait se tenir au plus tard le 30 juin. Ce d’autant plus que compte tenu d’une série d’événements, les commissaires au compte n’avaient pas rendu leurs travaux. Si leur rendu est formellement parvenu le 16 juin, il faudra compter encore 15 jours pour que les membres du Conseil d’administration en prennent connaissance avant la tenue du Conseil.

Toutefois, note Serge-Maurice Pambou, «Il se trouve que la situation de la CNAMGS s’est singulièrement améliorée. Dès lors que les résultats deviennent excédentaires, la prime de productivité sera payée et elle sera plus conséquente que ce qui a été fait jusqu’à présent». «Les directions actuelles qui perçoivent ces primes, ne les perçoivent que parce qu’elles font rentrer de l’argent», a-t-il assuré. Quant au reclassement de 400 agents, l’opération devrait être enclenchée après la tenue du Conseil d’administration, selon les dispositions réglementaires «Le reclassement sera regardé dans un Conseil d’administration extraordinaire qui sera tenu après le Conseil d’administration ordinaire. Ça va se faire au plus tard le 10 juillet», a-t-il fait savoir.

Une grève illicite, selon le directeur général du Travail

En clair, selon le décret 00510/PR/MTEPS fixant les statuts de la CNAMGS, «le Conseil d’administration dispose des pouvoirs les plus étendus pour la réalisation de l’objet social de la caisse (…) il arrête les décisions relatives au statut, à la rémunération et à l’octroi d’avantages au personnel». Les syndicalistes devraient donc attendre la tenue du Conseil pour apprécier ce qui sera acté quoiqu’alors qu’ils demandent d’avoir les mêmes avantages pour tous les collèges en matière de crédit auto, le conseiller technique juge leur démarche inconséquente. «Vous ne pouvez pas demander à un cadre d’avoir les même avantages en nature qu’un agent d’exécution. Ce qu’ils disent est tout simplement inconséquent», a-t-il indiqué.

Au-delà, et à en croire un courrier du directeur général du travail donnant un avis sur la grève du Syna-CNAGMS est «illicite». D’une part, le Syna-CNAMGS a, selon l’article 383 du Code du travail, observé un préavis de grève de 10 jours francs or la CNAMGS étant un établissement public chargé de la gestion d’un service public, les syndicalistes devaient observer un préavis de 10 jours ouvrables. De même, le syndicat a déclenché son mouvement alors qu’il était négociation avec la direction générale. «On est en dialogue continue si certains veulent le rompre, c’est dommage», a commenté la directrice des ressources humaines.

 
GR
 

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