La Grande Loge du Gabon a réuni ses membres, le 9 novembre dernier, pour une assemblée générale décisive, marquée par la dualité entre l’héritage d’Ali Bongo et une volonté affirmée de renouveau sous l’égide de Jacques-Denis Tsanga. Entre tensions internes, influences géopolitiques et aspirations à une indépendance retrouvée, l’obédience se trouve à la croisée des chemins, confrontée à des défis tant internes qu’externes.

L’héritage d’Ali Bongo continue de hanter la Grande Loge du Gabon, rappelant que le poids du passé peut freiner les aspirations au renouveau. © GabonReview

 

La Grande Loge du Gabon (GLG) a tenu, le 9 novembre dernier, sa troisième assemblée générale depuis la destitution d’Ali Bongo, ancien président de la République et Grand Maître de l’obédience depuis 2009. Bien que physiquement absent, l’influence de ce dernier, selon Jeune Afrique, a été omniprésente, cristallisant les tensions et alimentant les débats sur l’avenir de l’institution maçonnique dans le contexte de transition politique en cours au Gabon.

Un rendez-vous sous l’ombre persistante de l’héritage Bongo

Malgré son absence physique, Ali Bongo Ondimba a été mentionné en qualité de «Grand Maître honoraire» sur le carton d’invitation de la cérémonie et certains documents officiels de l’assemblée. Cette mention symbolique, toujours selon notre confrère, reflète le poids historique de sa personne dans la GLG, mais pose également des questions essentielles : la franc-maçonnerie gabonaise peut-elle se réinventer sans rompre avec un passé étroitement lié à son influence ? Le maintien de son titre témoigne en tout cas d’une certaine fidélité à son héritage, mais laisse également transparaître les divisions entre ceux prônant une rupture nette et ceux désirant une continuité.

L’assemblée, sous la direction de Jacques-Denis Tsanga, élu en octobre 2023, s’inscrivait pourtant dans une tentative de renouveau. Ancien enseignant d’histoire-géographie, puis proviseur du Lycée national Léon-Mba avant de devenir secrétaire général du ministère de l’Éducation nationale et, enfin, ministre des Eaux et Forêts, Tsanga incarne une transition mesurée, s’appuyant sur des personnalités alignées avec le régime actuel du président Brice Clotaire Oligui Nguema, lui-même membre de la franc-maçonnerie. Par sa position, celui-ci renforce implicitement les liens entre la GLG et le pouvoir politique. Ce rapprochement soulève cependant la délicate question de l’indépendance de l’obédience et de sa capacité à opérer dans un cadre exclusivement maçonnique, dégagé des influences partisanes.

L’assemblée générale a également accueilli des délégations internationales, avec la participation notable de huit Grands Maîtres africains : «l’avocat Sylvère Koyo (Côte d’Ivoire), les anciens ministres des Affaires étrangères Abdoul Kabèlè Camara (Guinée) et Pierre Moukoko Mbonjo (Cameroun), Mathieu Lawson (Bénin), Boubacar Keïta (Mali), Alassane Koné (Niger), Julien Pitassa Kao (élu au Togo, et qui doit être installé en janvier 2025), et leur pair du Nigeria», selon Jeune Afrique. On y comptait également des représentants venus de France, de Turquie et de Russie. La présence russe a particulièrement attiré l’attention, témoignant de l’intérêt croissant de Moscou pour les réseaux d’influence en Afrique. Ce rayonnement international démontre par ailleurs le rôle central du Gabon dans les dynamiques maçonniques régionales, tout en exposant les défis géopolitiques auxquels la GLG est confrontée.

Tensions internes et perspectives incertaines

Malgré les efforts pour afficher une image d’unité et de renouveau, des tensions internes continuent de fragiliser la ‘’fraternité’’. Des soupçons de détournements de fonds et des accusations de favoritisme à l’encontre de figures clés, comme Jean Bambi, ancien secrétaire de la GLG, ont éclaté au grand jour. Ces dysfonctionnements amènent à des interrogations sur la capacité de l’organisation à rétablir son intégrité et à garantir une gestion transparente.

Pourtant, cette assemblée a aussi souligné une volonté manifeste de réformer l’obédience. Jacques-Denis Tsanga s’efforce de repositionner la GLG en tant qu’acteur central mais indépendant de l’appareil politique gabonais. La question demeure cependant entière : cette franc-maçonnerie, historiquement liée au pouvoir en place, saura-t-elle se libérer des influences du passé pour incarner pleinement les principes de justice et de fraternité qui dev raient la définir ?

Le rendez-vous du 9 novembre n’a pas moins été une étape importante, voire décisive, dans l’évolution de la Grande Loge du Gabon. Entre l’ombre persistante de l’héritage Bongo et les aspirations d’un renouveau sous l’ère Oligui Nguema, l’obédience se trouve à un tournant crucial. L’enjeu pour la GLG sera de définir son rôle dans une société gabonaise en mutation, tout en préservant sa crédibilité face à des attentes de transparence et d’autonomie, tant sur le plan national qu’international.

 
GR
 

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