Gouvernement Ndong Sima 2 : Une équipe quelque peu désarticulée
Recours à des personnalités vierges de tout passé politique, refus de tout conflit d’intérêts. Si ce remaniement peut avoir été motivé par des principes nobles, l’architecture du nouveau gouvernement ne paraît pas propice à la restauration des institutions.
Dans les périodes d’après-putsch, vient toujours un moment où les dirigeants essaient de resserrer les vis ou de réadapter leur stratégie. En fonction des événements ou des rapports des forces, ils finissent par réorganiser leurs équipes, procédant à des ajustements. Généralement, les compagnons de la première heure ne sont pas ceux de la fin. Un peu plus de cinq mois après son arrivée à la tête de l’État, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) n’en est pas encore là, mais il semble avoir pris conscience de la nécessité de s’adapter. Annoncé, à la surprise générale, le 17 janvier courant, le remaniement du gouvernement Ndong Sima s’est soldé par cinq sorties et huit entrées, passant de 27 à 31 membres. De ce jeu de chaises musicales, l’on peut tirer deux grands enseignements.
De parfaits inconnus du marigot politique
Il y a d’abord, le recours à des personnalités vierges de tout passé politique. À l’exception notable d’Alexandre Barro Chambrier – ministre sous Omar Bongo Ondimba et Ali Bongo, ancien candidat à la présidentielle, président du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM) – voire d’Adrien Nguéma Mba – parlementaire PDG des années 90, ancien adjoint au maire de Libreville –, tous les promus sont des novices, de parfaits inconnus du marigot politique. Trop souvent soupçonné de magnanimité à l’égard des barons du régime déchu voire de collusion avec le Parti démocratique gabonais (PDG), le CTRI laisse le sentiment de vouloir couper court à ces accusations. Par contre, en cooptant Louise Boukandou, Nadine Natalie Awanang et François Mbongo Rafemo Bourdette il donne l’impression d’accorder davantage de place aux technocrates. De même, il semble s’ouvrir encore plus à la société civile, Parfaite Ollame et Arcadie Svetlana Minguengui Ndomba étant respectivement issues du monde des lettres et de l’entreprenariat social.
Il y a ensuite, le refus de tout conflit d’intérêts, susceptible d’engendrer d’autres dérives ou de créer un contexte propice à la corruption. Même si tout cela reste à prouver, Hervé Patrick Opiangah paie manifestement pour ses relations d’affaires avec la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog). Réputé proche du président de la Transition, il renvoyait jusque-là une image de toute-puissance. Au lendemain du 30 août 2023, il joua les intermédiaires entre le CTRI et la plate-forme Alternance 2023. Derrière la nomination de Raymond Ndong Sima au poste de Premier ministre, certains avaient vu sa main. C’est dire s’il faisait partie du Saint des saints. En inaugurant le siège de sa holding, bâtiment conçu par la fille du directeur général de la Comilog, l’ancien ministre des Mines s’est fragilisé. En lui indiquant la porte de sortie, le CTRI a envoyé un message aux personnalités tentées par le mélange entre intérêts privés et intérêts publics.
Conflits de compétence
Pour autant, du point de vue technique, certains équilibres semblent rompus. Autrement dit, on peine à cerner la répartition des tâches entre certains ministères. Jusqu’où s’étendra le champ d’intervention d’Alexandre Barro Chambrier, promu à la Planification et à la prospective ? Va-t-il marcher sur les plates-bandes de Mays Mouissi, en charge de l’Économie et des participations ? Les mêmes interrogations peuvent être adressées à Maurice Ntossui Allogo, ministre des Eaux et forêts, et Arcadie Svetlana Minguengui Ndomba, désormais chargée de l’Environnement, du Climat et du Conflit homme-faune. Loin de toute mauvaise foi, on peut en convenir : la nouvelle équipe paraît quelque peu désarticulée. En tout cas, le gouvernement semble avoir perdu en cohérence. Sur la gestion des statistiques, comme sur la définition et le suivi-évaluation de la politique économique, la chasse ou la régulation de l’exploitation domestique des ressources forestières, on voit poindre des conflits de compétence.
Comme la scission du ministère en charge des Forêts, le retour du département de la Planification soulève de nombreuses questions au plan organisationnel. Comme si leurs implications n’avaient pas été évaluées en amont, ces deux décisions pourraient être à l’origine de nombreux couacs voire d’hésitations ou de retards dans la mise en œuvre des politiques sectorielles. Si, du fait de leurs relations personnelles, Alexandre Barro Chambrier et Mays Mouissi peuvent très vite trouver un point d’équilibre, on ne saurait s’avancer s’agissant des relations futures entre Maurice Ntossui Allogo et Arcadie Svetlana Minguengui Ndomba. On peut nourrir les mêmes craintes à propos du duo Laurence Ndong–Bonjean Frédérick Mbaza, l’une étant en charge de la Communication et l’autre des Nouvelles technologies de l’information. Si ce remaniement peut avoir été motivé par des principes nobles, l’architecture du nouveau gouvernement ne paraît pas propice à la restauration des institutions.
10 Commentaires
Le seul problème c’est si il y a vraiment un Premier Ministre aux commandes de cette équipe, surtout quand, parait-il, selon Nbanja, ce dernier aurait dit « si on veut m’enlever, qu’on m’enlève » et quand on observe que le Président de la République apparait comme occupant les fonctions de Président de la République et Chef du Gouvernment. Monsieur NdONG Sima ressemble fort bien à un Vice-Président des Etats Unis.
Autre chose que je trouve décevant c’est l’augmentations du nombre de ministres. A-t-on vraiment besoin d’autant de ministres et autant de doublures. Douze (12) ministres suffiraient.
« Douze (12) ministres suffiraient »: pourriez-vous préciser les noms de ces ministres et leurs champs de compétences?
Parce que c’est très intéressant ce que vous dites!
Il ne s’agit pas de noms mais plutôt de 12 Ministères. On n’a pas besoin de 4 Ministères pour l’Economie et les Finances ni d’un ministère de la Santé et un autres des affaires sociales ni de l’environnnent et des eaux et forêts. La liste de doublures est longue…
Bonjour Monsieur Akoma Mba,
Soit, peu importe les ministres qui occupent les ministères. Je suis intéressé de savoir comment vous « architecturez » le gouvernement du pays fondé sur douze (12) ministères.
Merci de votre réponse.
Bonjour RB,
Sauf erreur de ma part, la « désarticulation » de ce gouvernement vient du fait qu’il n’y a pas de parité entre homme et femme.
Il y a 8 ministres « femme » sur 31 ministres au total. Soit 26%. Comme si, au fond, la transition (la reconstruction) serait une affaire d’hommes et non des femmes. Comme si, au fond, notre pays serait devenu une « phallocrature » – contraction du mot phallocrate et dictature -(1).
Bel article!
(1) Un phallocrate est une personne qui considère les femmes comme inférieures aux hommes. Un mysogine étant un homme qui hait ou qui méprise les femmes. Une misandre est une femme qui éprouve une aversion envers les hommes.
Mon Cher Désiré, je vous donne juste un exemple. Le Ministère de L’Economie et des Finances pourrait absorber les Ministères du Budget, des Comptes Publics et de la Planification. Dès que j’aurai le temps, je vous dresserai un schéma de 12 Ministères. On n’a pas besoin de créer des Ministères de tout. On pourrait ajouter entre 5 et 7 Secrétaires d’Etat au plus et des Directions Générales. La Grande Bretagne a 19 ministres. L’Espagne 22 et les socialistes espagnols avec leurs idées à la con on rajouté des ministères. Il y en avait 18. Je vous cite des pays de près de 60 millions d’habitants et le Gabon arrive à peine à 2 millions, y compris les étrangers. Ces budgets consacrés aux Ministères où on y met tout le village comme Conseillers, Chargés de mission et j’en passe, pourraient servir par exemple à créer des airs de jeux et des parcs dans nos quartiers comme chez les autres et autant d’autres choses d’intérêt public.
Inutile de chercher d’autres exemples. On dirait qu’il ne vous lit pas …
Détrompez-vous Monsieur Mapandza. Je lis beaucoup Monsieur Akoma Mba et ses prises de position sont respectables. Notamment sur les retraites, un sujet préoccupant pour nos séniors depuis de nombreuses années. Récemment il nous a annoncé le décès d’un membre de sa famille et aujourd’hui je tiens à lui présenter mes sincères condoléances.
Monsieur Akoma Mba suppose qu’il existe un lien de proportionnalité entre la taille de la population d’une pays et la taille de son gouvernement. Il a cité quelques pays de l’Europe.
Je vais tenté ci-après une analyse statistique « primaire » à partir d’un échantillon réduit.
Grande-Bretagne 64 millions d’habitants avec un gouvernement de 19 ministres;
France 68 millions d’habitants avec 16 ministres;
Espagne 47 millions d’habitants, 22 ministres;
Italie 59 millions d’habitants, 24 ministres;
Allemagne 82 millions d’habitants, 16 ministres.
Moyenne de la population = (64+68+47+59+82)/5=64;
Nombre moyen de ministres dans un gouvernement= (19+16+22+24+16)=19.
Proportionnalité : si une population de 64 millions d’habitants a besoin d’un gouvernement composé de 19 ministres, une population de 2 millions d’habitants a de 0.625 ministre (64x=2*40, d’où x=0.625). Autant dire, aucun ministre. Mais un dictateur! D’où ma question, pourquoi 12 ministères?
Par les résultats de ce calcul, je ne partage le point de vue de Monsieur Akoma Mba sur sa règle de proportionnalité. Les problèmes sont les mêmes partout. Alors, on a besoin de différents ministères pour optimiser les besoins de la population gabonaise. Un doigt ne peut laver tout le visage!
0.625= (2*20)/64 et non 0.625=(2*40)/64. J’ai arrondi 19.4 à 20.