Avec ses forêts préservées couvrant 90% de son territoire, le Gabon se distingue comme gardien exemplaire d’un patrimoine naturel d’exception. Au-delà de cette performance environnementale remarquable, Adrien NKoghe-Mba* explore ici comment cette richesse écologique peut devenir un puissant levier d’influence et de développement économique sur la scène internationale. À l’heure où les ressources naturelles intactes deviennent aussi stratégiques que les hydrocarbures d’hier, le pays dispose d’une opportunité unique pour transformer son capital naturel en véritable avantage compétitif et diplomatique.

La nature préservée du Gabon n’est pas seulement son héritage, c’est sa carte de visite diplomatique dans un monde où la biodiversité intacte devient la ressource stratégique de demain. © GabonReview

 

Dans une étude récente de la Banque mondiale sur la « Comptabilité du capital naturel dans les pays forestiers du Bassin du Congo », un pays se distingue par la richesse et la préservation exemplaire de son patrimoine naturel : le Gabon. Avec 90 % de couverture forestière et un taux de déforestation extrêmement bas (0,5 % entre 2000 et 2020), il fait figure d’exception dans un monde où les forêts tropicales disparaissent à un rythme alarmant. Mais au-delà de cette performance environnementale, une question cruciale se pose : comment faire de ce capital naturel un véritable levier de développement et d’influence internationale ?

Dans un monde où les nations rivalisent d’ingéniosité pour affirmer leur place sur la scène mondiale, le Gabon possède un atout unique : il est l’un des derniers grands réservoirs de biodiversité tropicale en excellent état de conservation. Et cet atout, bien géré, est plus qu’une simple richesse naturelle : c’est un puissant différenciateur qui peut ouvrir des portes dans les domaines diplomatique, économique et scientifique.

Un capital naturel qui fait la différence

Ce qui rend le Gabon unique, ce n’est pas seulement l’étendue de ses forêts, mais leur qualité de conservation. Selon la Banque mondiale, le pays abrite une diversité d’écosystèmes exceptionnels : forêts submontagnardes, forêts de plaine, mangroves, qui jouent un rôle clé dans la régulation du climat mondial et la préservation d’espèces rares.

Cette richesse n’est pas qu’un héritage du passé, c’est un véritable actif stratégique. Dans un monde où les ressources naturelles sont de plus en plus menacées, disposer d’un territoire aussi préservé place le Gabon dans une position unique. Il devient un partenaire incontournable pour la recherche scientifique, la coopération environnementale et les investissements liés à la biodiversité.

Un levier pour l’influence internationale

Prenons un instant du recul. Quels sont les pays qui dominent les grandes discussions internationales ? Ceux qui possèdent des ressources rares et stratégiques. Pendant longtemps, cette équation s’est limitée aux hydrocarbures, aux métaux précieux ou aux terres rares. Mais aujourd’hui, une autre ressource devient critique : la nature intacte.

Le Gabon l’a bien compris. En protégeant rigoureusement ses forêts, il ne se contente pas de préserver son écosystème, il se positionne comme un acteur clé dans les grandes négociations mondiales sur l’environnement. Lors des conférences internationales, il peut parler d’écologie non pas en termes de promesses, mais en s’appuyant sur des faits. Alors que d’autres nations peinent à ralentir leur destruction des forêts, le Gabon peut démontrer qu’un modèle durable est possible et efficace.

Et cela va bien au-delà des discours. Cette position attire des partenariats stratégiques avec des institutions scientifiques, des organisations environnementales et des entreprises engagées dans la transition écologique. De nombreuses nations développées cherchent des collaborations pour mieux comprendre et protéger les écosystèmes tropicaux. Avec son patrimoine naturel exceptionnel, le Gabon devient un centre d’expertise et de recherche incontournable sur la biodiversité et la préservation des forêts.

Une opportunité économique à structurer

Mais pour que cet avantage se transforme en moteur de développement, encore faut-il savoir le structurer. Le Gabon ne doit pas seulement protéger sa nature, il doit l’utiliser intelligemment pour créer de la valeur.

Déjà, des initiatives émergent. Des entreprises investissent dans la transformation locale du bois, et des projets de tourisme durable se développent. Mais pour aller plus loin, il faut une véritable stratégie nationale visant à faire du capital naturel un moteur structurant du développement économique.

Le défi de la reconnaissance

Posséder une richesse naturelle exceptionnelle ne suffit pas : il faut la faire reconnaître à sa juste valeur. C’est là un défi clé pour le Gabon. Le monde doit comprendre qu’un pays qui protège ses forêts et sa biodiversité contribue autant à l’équilibre global qu’une nation exportatrice de matières premières stratégiques.

Il s’agit donc de changer la perception internationale du patrimoine naturel. Ne plus le voir comme une simple réserve écologique, mais comme un atout économique, scientifique et diplomatique. Ce changement passe par une meilleure communication, par des alliances stratégiques et par une volonté affirmée de placer la nature au centre du développement national.

Le Gabon est un pays à part. À l’heure où l’humanité cherche des solutions pour préserver la planète, il incarne la preuve qu’un autre modèle est possible. Mais pour en tirer pleinement parti, il ne suffit pas d’avoir cette richesse : il faut savoir la promouvoir. C’est le défi des prochaines décennies, et c’est une formidable opportunité à saisir.

*Directeur général de l’Institut Léon Mba et président de l’association Les Amis de Wawa pour la préservation des forêts du bassin du Congo.

 

 
GR
 

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