Gabon : Paul Igamba, le fantôme hospitalier géant de Port-Gentil
Mis en service en août 1983, l’hôpital Paul Igamba de Port-Gentil semble hanté par les démons du laxisme des autorités sanitaires du pays. Son abandon et son état de délabrement avancé suscitent bien d’interrogations.
Qu’est devenu l’hôpital Paul Igamba ? Que s’est-il vraiment passé ? Pourquoi l’Etat ne le réhabilite pas ? Autant de questions que les populations de Port-Gentil se posent depuis de longues années. Autrefois, fierté et confort moral des populations de la capitale économique en matière de santé, cette structure sanitaire a dépéri, devenant une structure fantôme sinon un ‘’éléphant blanc’’ tant personne ne s’explique son abandon.
Établissement de la CNSS rétrocédé à l’Etat, donc au ministère de la Santé
Situé non loin du Tribunal de Première Instance de Port-Gentil et haut de sept étages, il surplombe la quasi-totalité des bâtiments du centre-ville de la ville pétrolière. Comme pour un village Potemkine, sa façade n’est plus qu’un un trompe-l’œil cachant une coquille vide. Au même titre que l’hôpital pédiatrique d’Owendo et l’ancienne Fondation Jeanne Ébori de Libreville, l’établissement sanitaire avait pourtant fait l’objet d’un grand projet de réhabilitation en 2007. Entraco, entreprise adjudicataire de ces travaux, afficha alors un panneau de chantier annonçant 24 mois d’ouvrage. Rien n’a finalement été fait.
Le projet était pourtant chiffré à quelques milliards, alors même qu’un an auparavant, plus exactement le 3 octobre 2008, la compagnie pétrolière Total Gabon octroyait gratuitement à ce centre hospitalier du matériel médical d’une valeur de 470 millions de francs CFA. L’établissement sanitaire public était alors administré par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) qui, en octobre 2013, a procédé à la rétrocession des hôpitaux sous sa tutelle à l’État. Tous les ministres de la Santé qui se sont succédé depuis lors n’ont-ils donc jamais travaillé à la restauration et remise en fonction de ce qui était un établissement sanitaire de référence ?
Amiante contre conscience collective
« Je suis né dans cet hôpital. Toutes les entreprises qui s’y trouvaient quand Port-Gentil était Port-Gentil envoyaient leurs employés à Paul Igamba. Car on recevait bien, le travail était bien fait. Ils avaient tous les types d’appareil médicaux », se souvient Onanga Raymond, un Port-Gentillais interrogé sur le trottoir de l’ancien hôpital.
Il y a quelques semaines, la petite forêt qui s’était développée dans son arrière-cour a été débroussaillée et les arbustes qui y avaient pris des droits coupés. Mais, l’insalubrité y demeure autant que les graffitis sur les murs. Malgré la présence d’un gardien vraisemblablement distrait, l’endroit est « devenu un coin pour bandits. On y trouve même des préservatifs usagés, des mégots de chanvre indien, des serviettes hygiéniques usagées et abandonnées, des sous-vêtements même. C’est triste », regrette Nelly Bouanga, Port-Gentillaise se présentant comme une riveraine.
Même si, ainsi que l’assurent des sources de l’ancien hôpital, l’immeuble contient de l’amiante dans ses canaux d’aération, pouvant provoquer des maladies respiratoires graves, une opération de désamiantage n’est pourtant pas un travail d’hercule. On se souvient en effet de la société française Dauphiné isolation environnement (DI Environnement) ayant procédé au désamiantage, il y a une dizaine d’années, de la Fondation Jeanne Ébori et de l’immeuble abritant l’ancien siège social de la Banque gabonaise de développement (BGD).
Paul Igamba, adjudant infirmier de l’époque coloniale, dont le nom a été donné à cet hôpital, doit se retourner dans sa tombe. Sa stèle est là, impassible, comme si elle demandait ce que les générations suivantes ont fait du Gabon, pays si prometteur au moment des indépendances.
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