Gabon : Le regard acerbe de Ndoumbou Likouni sur la gouvernance du football gabonais
Ancien président du Comité de normalisation de la Fédération gabonaise de Football (Fegafoot), Dieudonné Ndoumbou Likouni, président de Terre de foot Gabon, commente ce 10 juin l’actualité sur le renouvellement des instances des ligues. «L’homme gabonais est le principal mal de notre football avec pour dénominateur l’argent», a-t-il dit dans l’entretien ci-dessous, non sans faire remarquer que «le processus actuel de renouvellement des Comités exécutifs des ligues est une bombe qui pourrait nous conduire devant le Tribunal arbitral du sport (Tas)».
Gabonreview : L’actualité est au renouvellement des bureaux exécutifs des ligues de football provinciales, en prélude à l’élection du nouveau bureau de la Fédération gabonaise de football (Fegafoot). Un mot sur ce processus.
Dieudonné Ndoumbou Likouni : J’avoue être très déçu par le constat que je fais sur la manipulation des statuts et Codes électoraux des ligues. Ceux qui gèrent notre football à la Fédération gabonaise de football (Fegafoot), une fois au pouvoir, ont vite fait d’oublier que la manipulation et la violation des textes, à la veille des élections, avaient débouché sur la crise de 2013 avec la mise en place du Comité de normalisation. La Fédération internationale de football association (Fifa) avait été formelle. Elle s’était opposée à toutes formes de manipulations des statuts, à la veille du processus de renouvellement du Comité exécutif. Les juristes de la Fifa, qui avaient accompagné le Comité de normalisation dans la mise en place des nouveaux statuts, avaient insisté sur les conditions de la mise en place des Commissions d’organisation des élections, avec une obligation statutaire dans le temps.(Article 5 du Code électoral alinéa 2 et 5).
Nous constatons aujourd’hui que la Fegafoot est en train de créer une situation qui risque d’être incontrôlable si les candidats lésés décident de saisir la Cour administrative ou le Tribunal arbitral du sport (Tas). Tout ce qui est fait aujourd’hui dans le processus de renouvellement des Comités exécutifs des ligues est non-conforme aux statuts de la Fegafoot, de la Fifa et des lois qui régissent le fonctionnement des associations reconnues d’utilité publique dans notre pays. Le processus de renouvellement actuel des Comité exécutif dans les ligues de l’Estuaire, du Haut-Ogooué et de l’Ogooué-Maritime est en violation flagrantes des articles 20, 22, 26, 28, 37 et 87 des statuts fédéraux. Avec une désacralisation totale du pouvoir législatif et souverain de l’Assemblée générale des ligues.
En lisant l’article 37 des statuts de la Ligue de football de l’Ogooué-Maritime (Lifom), la nomination ou la désignation de la Commission électorale ne relève pas des 26 compétences reconnues au Comité exécutif de la ligue. Je constate malheureusement que le Comité exécutif sortant s’est attribué cette prérogative de nommer la Commission électorale alors que dans son article 23 alinéa h, cette nomination relève plutôt de l’Assemblée générale, organe législatif et instance suprême. C’est une des compétences attribuées à celle-ci. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi la Fegafoot a élaboré des Codes électoraux pour chaque ligue alors que l’article 2.2 du Code électoral de la Fédération lui donne le droit de l’appliquer aux ligues qui sont des membres affiliés.
Au sujet de la Lifom, un autre exemple de violation des statuts de la Fegafoot dans son article 26 alinéa 2 est que l’élection se fait à bulletin secret. Mais curieusement, le même article 26 alinéa 2 des statuts de la Lifom parle de bulletin secret ou à main levée. Au sujet des nombreuses violations des statuts de la Fegafoot par la Lifom, notamment le dernier point qui traite de l’adoption des statuts, l’article 79 de la Lifom parle de statuts signés par la Lifom alors que ceux de la Fegafoot énoncent clairement l’adoption en date et lieu précis par un congrès. Le processus d’adoption des statuts est fait obligatoirement en Congrès ou en Assemblée générale.
Le trio composé du président sortant, du Secrétaire général et du président de la Commission électorale illégal de la ligue de football de l’Ogooué-Maritime veut utiliser, de manière frauduleuse, des statuts jamais adoptés par les membres affiliés. Ceci risque de nous amener vers le tribunal administratif ou civil pour faux et usages de faux. En tant qu’ancien président du Comité de normalisation de la Fegafoot, ancien président de ligue, mais surtout président de Terre de foot Gabon, membre affilié à la Lifom, je ferais tout pour faire respecter les statuts en vigueur à la Fegafoot.
Plusieurs candidats au niveau de l’Estuaire dénoncent des irrégularités dans ce processus. Qu’en pensez-vous ?
Je ne suis pas surpris. C’est le même stratagème. Le Comité exécutif de la Ligue de football de l’Estuaire (LFE) s’est mué en organe législatif et suprême au détriment de l’Assemblée générale souveraine, en violation de l’article 23 alinéa h au sujet des compétences du Congrès qui lui donne le pouvoir d’élire la Commission électorale et ses membres. Il y a même une contradiction notoire dans les statuts de la LFE dans leur article 28 alinéa p au sujet d’une éventuelle nomination de la Commission électorale qui devrait se faire en plein congrès. J’ai été personnellement sollicité par les 3 candidats en lice à la tête de la LFE qui m’ont demandé mon soutien. J’ai conseillé au président sortant d’organiser une élection transparente et juste.
Que suggérez-vous pour apporter de l’accalmie dans le monde gabonais du football, vous qui avez été président du Comité de normalisation en 2013, et travaillé sur les statuts non-appliqués aujourd’hui ?
Père-fondateur des statuts adoptés le 12 novembre 2013, je constate finalement que l’homme gabonais est le principal mal de notre football avec pour dénominateur l’argent qui, malheureusement, aliène le cerveau de nombreux de nos dirigeants. Fraîchement sorti des Assises qui s’inscrivent dans un nouveau départ, c’est bien triste de voir comment des forces plus obscures que celles des années antérieures sévissent encore négativement dans la gouvernance de notre sport-roi. Les statuts nés de la crise, conséquence de la manipulation du collège électoral par le Comité exécutif sortant de mars 2013, devraient être sacrés pour notre football comme l’est la Bible pour les chrétiens ou le Coran pour les musulmans, bien que ces statuts soient dynamiques et modifiables (article 30 des statuts). Le processus actuel de renouvellement des Comités exécutifs des ligues est une bombe qui pourrait nous conduire devant le Tas. Je conseille par conséquent au Comité exécutif de la Fegafoot de revoir son approche actuelle et de respecter scrupuleusement les statuts en vigueur.
L’autre actualité, bien sûr, est évidemment l’organisation des Assises du Championnat de football de première et de deuxième division, parrainées par le chef de l’Etat. Quelle appréciation avez-vous de cette démarche?
L’histoire récente des forums et autres séminaires m’oblige à ne pas plonger dans un optimiste démesuré. Je regrette que les personnes mobilisées n’aient pas scruté davantage les pistes adéquates à la recherche de fonds ou à la mise en place des actions concrètes qui pourraient créer de la richesse. Je pense que le Gabon n’est pas prêt pour la professionnalisation du football, il faut être réaliste et revenir vers un semi-professionnalisme, dans un premier temps.
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