Dans un cri d’alarme retentissant, les opérateurs économiques des secteurs nocturnes du Gabon dénoncent les conséquences désastreuses du couvre-feu instauré depuis plusieurs mois. Réunis lors d’une conférence de presse poignante, ils appellent à des mesures d’urgence pour sauver leurs entreprises et prévenir une catastrophe sociale imminente.

Les porte-paroles de la Confédération des établissements de nuit du Gabon (CENG), avec Ralph Sanbouni (3è à partir de la gauche), le jeudi 15 février 2024 à Libreville. © GabonReview

 

Dans l’ombre des nuits étouffées par le couvre-feu imposé depuis le 30 août dernier, une atmosphère de désolation s’abat sur les opérateurs économiques œuvrant dans les activités nocturnes : bars, boîtes de nuit, et autres havres de convivialité désertés. Dans un élan de désespoir teinté d’urgence, ce jeudi 15 février, leurs représentants se sont réunis dans la pénombre de l’Oxy-Plus, un club niché sur la colline Montagne-Sainte dominant le palais présidentiel. Leurs visages creusés et leurs yeux cernés trahissaient des nuits et des jours de grands soucis.

En effet, depuis bientôt six mois, plus de 2000 entreprises du secteur font face à «de véritables drames humains», selon Ralph Sanbouni, porte-parole de la Confédération des établissements de nuit du Gabon (CENG).

Oxy-Plus à Libreville, le 15 février 2024. © GabonReview

Le responsable ne mâche pas ses mots pour décrire la détresse du secteur, déjà fragilisé par deux ans de crise sanitaire relative à la pandémie du Covid-19 : «Sans actions fortes aujourd’hui, les drames économiques, sociaux et familiaux (fortement présents, mais silencieux) vont perdurer».

Dans une supplique empreinte de gravité, il s’adresse solennellement aux nouveaux maîtres du pays : «Monsieur le Président […] la première condition du bien-être, c’est la dignité par l’emploi. C’est la dignité par le travail, l’entrepreneuriat, la réalisation de soi».

Or le maintien du couvre-feu, assène-t-il, «contribue de manière directe et brutale à fragiliser une part importante du tissu social, et une part non négligeable de notre économie».

L’objectif était clair : mettre en lumière les difficultés insurmontables rencontrées depuis que le couvre-feu a jeté son sombre manteau sur le pays, ce jour fatidique du 30 août, lorsque le précédent régime a chuté sous la pression du Comité de transition.

Comprenant le Collectif des tenanciers des bars et snack-bars du Gabon, le Collectif des employés du secteur nuit, le Club de Tourisme du Gabon (CTG), ces capitaines d’industrie ont exprimé leur détresse dans des mots chargés d’émotion. Ralph Sanbouni, porte-parole éloquent de cette coalition, a décrit leur démarche comme un «cri d’alarme» destiné à résonner dans les couloirs du pouvoir.

Pour ces entrepreneurs, les tourments qui accablent leur secteur ne commencent pas à la date fatidique du 30 août, mais remontent jusqu’à l’annonce du premier cas de Covid-19 en mars 2020 au Gabon. C’est ainsi que depuis quatre ans, comme l’a déploré M. Sanbouni, «notre secteur subit, en raison de forces extérieures à notre contrôle, des tourments qui se traduisent en véritables tragédies humaines : chômage prolongé, surendettement, déchirements familiaux, et même des tentatives de suicide

Malgré leur soutien à la transition politique, ces entrepreneurs et leurs employés sont ainsi convaincus que sans mesures drastiques, les désastres économiques, sociaux et familiaux, bien que silencieux, continueront à saper les fondements de la société. Ils exhortent donc le président et son gouvernement à agir avec célérité. «Nous comprenons votre engagement envers le bien-être de la population gabonaise», a déclaré le porte-parole, «mais le bien-être commence par la dignité offerte par l’emploi et l’entrepreneuriat. Et actuellement, le maintien du couvre-feu menace directement cette dignité

Allègement du couvre-feu et mesures compensatrices

Dans une proposition courageuse, la confédération des établissements de la nuit et assimilés demande non seulement un réaménagement des mesures sécuritaires en cours, mais également des mesures de compensation pour restaurer la dignité perdue et redresser un secteur en berne depuis quatre ans. Pour un allègement du drame socioéconomique vécu, ils appellent à un renforcement de la sécurité aux frontières et dans les zones sensibles, au maintien si besoin des barrages et contrôles de véhicules aux points stratégiques, ainsi qu’à des allégements fiscaux significatifs, tels que l’exemption de la TVA jusqu’en 2025 et des réductions d’impôts jusqu’en 2025. De plus, ils exigent la non-suspension, par la SEEG, de la fourniture de courant pour les établissements en difficulté jusqu’à fin 2024.

Dans un geste de solidarité, les opérateurs économiques de la nuit appellent leurs pairs à unir leurs voix pour renforcer leur cause commune. Une assemblée générale est d’ailleurs prévue pour le 24 février, où ils espèrent insuffler une nouvelle énergie à leur lutte acharnée pour la survie de leur industrie et de leurs communautés d’employés.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. JL.B dit :

    La crise du covid n’a t-elle pas sérieusement éduqué sur la dangerosité de cette mesure de couvre feu prolongé sur l’économie gabonaise ? Combien de commerces et d’établissements vont devoir fermer avant de lever cette mesure ? Savez-vous dans quelle précarité vous plongez des centaines de familles gabonaises, gagne-petit et vivant de cette économie de nuit ? La menace fantôme qui oblige à interdire de circuler entre 00h et 05h, quelle est elle vraiment ? Si tout est restauré, gouvernement et institutions, alors laissez nous respirer, vivre et nous battre pour notre survie. Comment peut-on ne pas le voir et continuer à ignorer le sujet ?

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