Si les linguistes de l’Université Omar Bongo (UOB) ont recommandé l’introduction des langues maternelles dans les programmes scolaires, le 21 février, en marge de la célébration de la Journée mondiale des langues maternelles, le Pr Daniel Franck Idiata assure que c’est une utopie dans le cas du Gabon. «Point de langue maternelle autre que le français en réalité».

Sur les antennes de Radio Gabon, Daniel Franck Idiata a défendu ses idées sur les langues maternelles. © D.R.

 

«La Journée mondiale des langues maternelles est une très belle initiative. Mais en même temps c’est une utopie dans le cas du Gabon parce que malheureusement, point de langue maternelle autre que le français en réalité», a déclaré sur les antennes de Radio Gabon, le Pr Daniel Franck Idiata. Le linguiste qui rappelle que la langue maternelle est la langue de première acquisition d’un enfant souligne aussi que le français au Gabon est une langue maternelle pour une majorité d’enfants, notamment ceux vivant dans les villes. «Donc, dire qu’on célèbre les langues maternelles avec en arrière-plan les langues gabonaises, c’est une aberration, c’est une escroquerie intellectuelle et culturelle», affirme-t-il.

Introduire ces locales à l’école : «une aberration»

Si le département des Sciences du langage de l’Université Omar Bongo (UOB) a célébré cette journée sous le thème « Introduction des langues maternelles dans le système éducatif gabonais pour un bilinguisme additif de l’apprenant gabonais », le Pr Franck Idiata est sceptique.  «C’est pour cela que j’expliquais aux collègues à l’UOB au moment de la rencontre scientifique que c’était une absolue aberration», insiste Daniel Franck Idiata. Qu’à cela ne tienne, dit-il, il faut se mobiliser pour célébrer les langues gabonaises qu’elles soient appelées langues endogènes, langues locales ou langues vernaculaires. C’est-à-dire, les langues des communautés nationales, celles des communautés autochtones «qui étaient là avant l’indépendance du pays».

L’intégration des langues gabonaises dans le système éducatif est-elle vraiment une entreprise vouée à l’échec ? Daniel Franck Idiata y croit fermement. «Je n’y crois plus du tout. Pendant 20 ans on a essayé de se battre». A en croire son propos, la Fondation Raponda Walker avec son programme « Rapido langue », a essayé d’insérer ces langues à l’école, sans succès. De même, les établissements confessionnels «se sont débrouillés» pour financer ces programmes, sans accompagnement de l’État, et le succès n’a jamais été au rendez-vous. C’est vraiment dommage, car «la langue est un outil essentiel de cette identité», dit-il.

«Une langue nationale, une escroquerie intellectuelle»

Au Gabon, le débat sur les langues maternelles passionne aussi bien les linguistes que l’opinion en général. © D.R.

Dans le pays où la reconnaissance d’une langue nationale alimente bien le débat, le linguiste assure que «une langue nationale, c’est une escroquerie intellectuelle». Il conçoit mal le fait qu’on attribue un statut de langue nationale à une langue vernaculaire qui aurait un statut au détriment des 51 autres. «Quel est l’intérêt si l’objectif est de préserver notre culture et l’ensemble du patrimoine linguistique national», questionne-t-il. Il assure qu’il sera difficile pour les ethnies du Gabon d’accepter qu’on impose une langue.

Dans ce cas, reconnaît-il, il faudrait établir des critères. Pourquoi pas un critère numérique ? Ce critère ferait par exemple du fang la langue nationale, les fangs étant selon lui, démographiquement les plus nombreux. Mais qui va se défaire de sa langue pour embrasser cette langue nationale ? «Donc c’est compliqué. C’est pour cette raison que moi je pense que c’est un vœu pieux de dire une langue nationale». Il suggère plutôt de promouvoir toutes les langues nationales pour leur permettre de résister car, laisse-t-il entendre, dans une centaine d’années plusieurs pourraient disparaître avec leurs derniers locuteurs. L’idée, a-t-il présenté, est de faire en sorte que «les communautés se battent pour valoriser leurs langues, leurs cultures, et que l’État soutienne ces communautés» dans cette quête de résilience.

 
GR
 

12 Commentaires

  1. Roger dit :

    Commençons à parler d’abord la langue de l’amour. Et tout ira bien pour le Gabon.

  2. medzomekoure dit :

    « mais qui va se défaire de sa langue pour embrasser cette langue nationale » M. Idiata , il n’est pas forcément question de se défaire de sa langue, il s’agit pour nous gabonais d’avoir une ou deux langues comprises et parlées par tous.Cela peut nous permettre de communiquer entre nous sans être espionner par ceux qui ne sont pas des nôtres. c’est aussi une occasion pour mieux nous connaître, renforcer nos racines culturelles…
    Le français demeurera la langue que nous parlerons hors du Gabon et avec des étrangers.
    Ce problème de langue nationale est fondamental pour notre identité.

    • Serge Makaya dit :

      Rien que d’en exclure une (même si l’ethnie est minoritaire), vous verrez des mécontents. A plus forte raison si l’ethnie est majoritaire, idem…

      Pour moi, ça importe très peu la langue. L’essentiel pour une nation, c’est comme écrit Mr Roger (plus haut) c’est de s’aimer entre nous.

      Entendons par « s’aimer », le fait de ne pas privilégier son ethnie, son clan, Mais de toujours voir en priorité GABON D’ABORD. C’était le slogan d’Omar Bongo, sauf qu’il était rusé tout simplement comme le diable. Et tout ce qui vient du diable ne peut être que MAUVAIS.

  3. Lomani dit :

    Bonjour ,

    Pr IDIATA a parfaitement raison; nous allons plutôt créer un conflit interculturel qu’autre chose en choisissant une langue parmis les autres comme langue nationale.
    le mieux c’est de favoriser l’apprentissage de toutes les langues du gabon à nos jeunes apprenants pour essayer de rattraper le tire.
    comme il explique la fondation raponda walker c’etait battu pour ça ..moi je me souviens encore bien de ce projet quand j’etais à l’ecole primaire. il n’est pas trop tard mais il faut eviter les tempêtes culturelles pourraient se lever du fait des sensibilités atteintes.
    car dans un PAYS OU EST PAS DEJA UNIS POUR CHOISIR UN DIRIGEANT DU FAIT DES APPARTENANCES DE CHACUN , « ON NE PEUT PRETENDRE A L’Unifié EN IMPOSANT UNE LANGUE
    MATERNELLE AU PROFI DES AUTRES »

    c’est mon point de vue!

    • Fille dit :

      @Lomani : tout à fait d’accord avec vous. Il faudrait commencer par enseigner des bribes de chaque langue du Gabon aux enfants afin que les gabonais apprennent à mieux se connaître et à se comprendre. L’idée d’une langue nationale est à mon sens pas d’actualité car les bases de la nation sont encore très fragiles. Miser sur l’éducation et l’enseignement des futures générations de gabonais. Ce sont celles-là qui lorsqu’elles seront prêtes dans 100 ans ou plus choisiront ensemble la langue nationale du Gabon. C’est vrai, aujourd’hui c’est utopique tellement les uns et les autres vont trouver là une bonne raison de se détester, mais le jour viendra où ce sera possible. L’utopie est un Rêve et le Rêve porte l’Homme. Qui ne rêve point ne voit pas plus loin que le bout de son nez et s’asseoit sur sa matière grise provoquant cette maladie qui nous touche sévèrement : la paresse intellectuelle.

  4. Rembourakinda dit :

    Vous me faites rigoler !!! Je suis galwa, mes parents parlaient couramment fang parce qu’ils avaient vécu plusieurs années dans le Woleu Ntem. Ils ne m’ont pas appris à parler fang. Je le comprends, je parler un peu, mais loin du pays je rame. J’ai découvert un site qui m’a initié à l’obamba, j’ai adoré, c’est très beau. Tout ça pour vous dire que quand on veut on peut. Mais le gabonais est paresseux, il aime la facilité, le tout cuit. Nous sommes des bantou, pas des français, si nous ne défendons pas notre patrimoine millénaire, personne ne le fera à notre place. Quand je viendrai, si la situation politique s’améliore, je vais tout faire pour maîtriser le fang, mitsogo, le Punu, l’obamba teke, ndzebi. Toutes les langues bantoues se ressemblent, si vous en parlez une, il vous est facile d’étendre votre registre. Le français que nous parlons au pays est une sous langue car il n’y a pas de bibliothèque dans nos écoles. Mettez vous au boulot.

  5. Diarra dit :

    Sans être chrétien, j’approuve ce passage de la Bible (1 Co 1-13) : »En effet, si je parlais les langues des hommes et même celles des anges mais sans avoir l’amour, je ne serais rien de plus qu’une trompette claironnante ou une cymbale bruyante.
    2 Si j’avais des prophéties, si je connaissais tous les secrets et si je possédais toute la connaissance, si j’avais même dans toute sa plénitude, la foi jusqu’à transporter les montagnes, sans l’amour, je ne serais rien.
    3 Si même je sacrifiais tous mes biens, et jusqu’à ma vie, pour aider les autres, au point de pouvoir m’en vante, sans l’amour, cela ne me servirait de rien.
    4 L’amour est patient, il est plein de bonté, l’amour. Il n’est pas envieux, il ne cherche pas à se faire valoir, il ne s’enfle pas d’orgueil. 5 Il ne fait rien d’inconvenant. Il ne cherche pas son propre intérêt, il ne s’aigrit pas contre les autres, il ne trame pas le mal. 6 L’injustice l’attriste, la vérité le réjouit.
    7 En toute occasion, il pardonne, il fait confiance, il espère, il persévère. 8 L’amour n’aura pas de fin. Les prophéties cesseront, les langues inconnues prendront fin, et la connaissance particulière cessera. 9 Notre connaissance est partielle, et partielles sont nos prophéties.
    10 Mais le jour où la perfection apparaîtra, ce qui est partiel cessera.
    11 Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais et je raisonnais en enfant. Une fois devenu homme, je me suis défait de ce qui est propre à l’enfant.
    12 Aujourd’hui, certes, nous ne voyons que d’une manière indirect, comme dans un miroir. Alors, nous verrons directement. Dans le temps présent, je connais d’une manière partielle, mais alors je connaîtrai comme Dieu me connaît.
    13 En somme, trois choses demeurent: la foi, l’espérance et l’amour, mais la plus grande d’entre elles, c’est l’amour. »

  6. Allogo Bikoro dit :

    Sur le premier point « Gabon d’abord », c’est le leitmotiv de Léon MBA.
    Sur le second point, les élucubrations du politicien Idiata, qui ne sont pas étayées par des preuves scientifiques, n’engagent que lui-même.
    Dans tous les pays du monde, à commencer par nos ancêtres les Gaulois et leurs voisins espagnols,c’est l’idiome le (ou les) plus largement usité (s) que l’Etat érige en langue (s) nationale (s). Il y a plusieurs régions en France et en Espagne (comme la Corse, la Catalogne) où les populations ont conservé la langue de leurs ancêtres. Pourquoi, au Gabon, cette réalité fait frémir certains compatriotes?
    Vous ne trouvez pas que ce serait merveilleux que tous les gabonais puissent se communiquer entre eux sans qu’un français, un ivoirien …ne comprennent le moindre mot?
    Pour moi, c’est le raisonnement du politicien cité ci-dessus qui est une vaste « escroquerie intellectuelle »
    Sans rancune…

  7. Viovio dit :

    Tout à fait d’accord avec l’avis de Rembourakinda. En effet, il faut garder l’esprit ouvert à l’apprentissage de l’inconnu, cela est enrichissant! Etre multilingue est un atout majeur et un défi que chacun peut relever s’il le souhaite, dans un environnement « mondialisé » et à la pointe de la technologie. Pour ma part, ayant eu la chance de beaucoup voyager et côtoyer diverses cultures (africaines,européennes, asiatiques), j’ai développé une aptitude de compréhension telle que j’ai de bonnes notions parlées des langues étrangères.
    Pour les langues de mon pays le Gabon, par curiosité et envie d’apprendre, je fournis au quotidien des efforts de recherche avec les personnes que je rencontre sur mon parcours pour apprendre et approfondir mes connaissances linguistiques. C’est ainsi que je comprends et manipule une bonne dizaines de nos langues vernaculaires.

  8. NGOMAH dit :

    ..tout comme objecter l’avènement d’une telle éventualité relève de l’hypocrisie intellectuell.
    Sans être linguiste, enseigner les langues locales n’est pas irréaliste, s’est fait par le passé et justifierait au moins la mission conservatrice de patrimoine de l’école de l’école.
    Le noyau d’un tel projet est la conception pédagogique théorique, exploitable en situation d’apprentissage en situation de classe réelle ou virtuelle; est-ce vraiment une utopie pour le faire pour les langues gabonaises où celles qui ont déjà été enseignées? Ma question s’adresse aux disciples Mgr Raponda Walker

  9. Goita dit :

    un peuple sans conscience historique est appelé a végéter dans le concert des nations. Il faut d’abord retourner aux sources, quelle est notre histoire? la vraie et non celle que le colon nous a imposé.

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