Gabon : Anarchie à la mairie de Libreville
Il faudra au moins toute une mandature pour que la mairie de Libreville soit gérée comme une institution normale, et non comme l’épicerie de quartier qu’elle est aujourd’hui. Il y a aujourd’hui que Christine Mba Ndutume, l’édile, est l’objet d’accusations récurrentes de «mollesse» vis-à-vis des décisions dictées d’ailleurs. Petit catalogue des critiques internes envers la mairesse de la capitale gabonaise.
La mairie de Libreville est décidément une succession de scandales, de décisions irréfléchies, de gestion »artisanale » du bien public. Il faudra beaucoup de temps pour ramener les choses à la normale au Boulevard Triomphal Omar Bongo, siège de l’hôtel de ville de la capitale. Il faudra au moins toute une mandature pour que la mairie de Libreville soit gérée comme une institution normale, et non comme l’épicerie de quartier qu’elle est aujourd’hui. L’ensemble des syndicats municipaux a appelé à «une grève générale illimitée» depuis le 11 août. La mise en place d’une délégation spéciale parait aujourd’hui une nécessité objective pour redresser la situation générale.
Christine Mba Ndutume est l’objet d’accusations récurrentes de «mollesse» vis-à-vis des décisions venues d’ailleurs. D’abord sur le choix des hommes et des femmes… Et des exemples il y en a. Notamment, la nouvelle Inspectrice générale municipale était encore étudiante en juillet dernier. Sans réel vécu professionnel malgré son «pedigree», elle a bénéficié d’un parachutage à son poste. De même, l’une des chargées d’études du maire est étudiante en deuxième année dans une école supérieure privée de Libreville… Elle est la fille de Christine Mba Ndutume. Le népotisme est à l’œuvre.
Arrivée au poste de maire de la capitale en juillet 2021, Christine Mba Ndutume a montré, en 13 mois, toute l’étendue de son incompétence, toute la panoplie de son incapacité à gérer une telle institution.
La mairie de Libreville, un empire balloté au bord de la chute
«Incompétente, bien sûr. Pas préparée pour occuper une telle fonction, cela paraît évident», estime un responsable syndical. «Après le temps des illusions et d’une certaine mafia incarné par Léandre Nzué (entre mars 2019 et septembre 2020) et par Serge William Akassaga (septembre-décembre 2020), on pensait assister à un »retour du réel » que devait symboliser Eugène Mba, banquier connu pour sa rigueur et son tact politique, mais il s’est plutôt laissé taper sur les doigts ; nous sommes aujourd’hui dans »le temps de l’angélisme » avec Christine Mba Ndutume qui paraît négliger les attentes non seulement des Librevillois, mais aussi et surtout celles des agents municipaux», poursuit le syndicaliste.
La mairesse préfère prendre ses «instructions» en haut lieu et semble ne pas tenir compte des résolutions du conseil municipal. «Depuis son arrivée au Boulevard Triomphal, l’ancienne 2ème adjointe au maire du 4ème arrondissement récompensée uniquement pour son militantisme a fait perdre au titulaire du poste de maire de la capitale tout pouvoir réel de décision. L’actuelle maire attend toujours que les décisions viennent d’autres hautes sphères de l’État. Elle saute à pieds joints sur les «instructions verbales» que lui donneraient des personnes se réclamant de l’entourage présidentiel. Résultat des courses de cette exploitation politique excessive : la mairie de Libreville devient un empire balloté et prêt à la chute.
«Et si encore il n’y avait que cette obéissance saugrenue aux »instructions » venues d’ailleurs, on pourrait excuser», affirme un autre responsable de syndicat, «mais il n’y a pas que cela. Il y a des faits de corruption et d’enrichissement illicite. Il y a le racket des agents de l’inspection générale municipale qui n’est pas sanctionné. Il y a aussi le très fort taux d’absentéisme de ceux qui perçoivent de gros salaires et qui ne viennent au bureau qu’à l’approche de la fin du mois… La situation globale est grave ici», note un autre chef de syndicat.
Pas le profil requis
Autre aspect qui choquerait les agents municipaux. La représentation de leur institution sur la scène internationale. La mairie de Libreville n’est plus dignement représentée. «Invitée à des rencontres de haut niveau avec d’autres maires de commune, l’édile de Libreville a souvent eu du mal à lire ses discours». Il est vrai que l’idée de faire d’elle la »patronne » de la commune de Libreville n’est pas venue d’elle-même. Il y a que, le 14 juillet 2021, le Parti démocratique gabonais (PDG) avait créé la surprise en portant son choix sur cette conseillère municipale du 4ème arrondissement.
Retour sur une tragi-comédie en deux actes dont l’issue reste imprévisible
ACTE 1.
Lorsque l’ancienne secrétaire dactylo, récompensée pour son militantisme, affirme qu’elle prend ses ordres à la présidence de la République et à la Primature, elle ne sait pas qu’elle est en faute. Elle ne sait pas qu’elle ne devrait plutôt mettre en œuvre que les résolutions du conseil municipal ! L’incompétence semble être devenue la norme. Le pays est-il si désespérant au point de ne pas trouver des hommes et des femmes aux profils requis ? Léandre Nzué non plus n’avait le bon profil pour être un des successeurs de Lubin Martial Ntoutoume Obame, de Jean Avenot Davin. Son successeur Eugène Mba (janvier-juillet 2021) était trop timoré, trop effacé, trop peu autoritaire, trop peu charismatique, pour être maire de Libreville. Il aurait dû rester à la banque.
Libreville, capitale du Gabon, n’a pas eu beaucoup de chance au cours de cette mandature. Aucun des profils choisis depuis 2018 n’était le bon ! Tous des seconds couteaux, comme si une obsession de banaliser la fonction de maire de Libreville taraudait l’esprit des grands décideurs.
ACTE 2.
Les scandales liés aux salaires. Lorsqu’ils arrivent à la mairie, certains directeurs généraux désignés ailleurs viennent avec des salaires décidés par leurs mentors, augmentant ainsi inéluctablement la masse salariale de l’institution. Plus de 19 milliards sur les 27 milliards de francs du budget municipal sont consacrés aux salaires
Mise en place d’une Délégation spéciale ?
Peut-être faudrait-il créer, comme le souhaitent de hauts cadres de la mairie, une délégation spéciale qui remettrait à plat toutes les incongruités vécues actuellement. L’histoire récente de la mairie de la capitale marquée, pour tout dire, par tant d’insuffisances et de comportements déviants, suggère l’instauration, pour 12 mois, d’une délégation spéciale. Celle-ci viendrait liquider tous les passifs de l’hôtel de ville et des arrondissements. En commençant par ramener les effectifs à une taille normale. Combien d’agents faudrait-il dans chaque arrondissement ? Combien d’agents faudrait-il à l’hôtel de ville ? Comment et sur quels critères accorder la promotion aux cadres municipaux au lieu de se résigner devant l’arrivée de personnes arrivées en parachute ? Aujourd’hui, sur sept directions générales, seules deux d’entre elles sont occupées par des cadres-maison. Comment mettre en place une structure de contrôle pour limiter le «racket organise» au profit de certains responsables municipaux ?
De l’avis de nombreux cadres de longue durée dans la maison, pour repartir du bon pied, la mairie de Libreville donc a besoin d’une administration provisoire de douze mois. Douze mois pour ne pas céder à la routinisation. Douze mois pour mettre fin à ce profond malaise.
3 Commentaires
Cet article retrace parfaitement la situation qui prévaut à la mairie de Libreville. Une seule précision : la fille de la maire n’est pas chargée d’études du maire, mais chargée d’études de l’inspecteur général municipal.
La mairie est le microcosme de vitre pays. L’anarchie est plus phénoménale ailleurs que là .
Soyez sincères et ouverts d’esprit.
Qui peut pété la seeg 😁😁