Douze ans après la diffusion d’une vidéo à l’effet dévastateur, Ali Bongo semble miser sur l’allégeance et la solidarité illusoires des membres de la Grande loge du Gabon (GLG).

Perçue comme une marque d’allégeance au grand maitre et non à l’obédience, l’initiation est vue comme un gage de fidélité au président de la République, par ailleurs grand maître. © Gabonreview

 

Tout au long du week-end écoulé, ce sujet a tenu l’opinion en haleine. Aujourd’hui encore, il suscite analyses et commentaires. Douze ans après la diffusion d’une vidéo à l’effet dévastateur, intitulée «Intronisation d’Ali Bongo à la Grande loge nationale du Gabon», la 38ème assemblée générale de la Grande loge du Gabon (GLG) défraie la chronique. Entre anecdotes et publication de la composition du bureau, tout est porté à la connaissance du public. A quelle fin ? Croyant impressionner en affichant leur proximité supposée d’avec certaines sphères, de nombreux francs-maçons y trouvent leur compte. Espérant intimider l’opposition en apportant la preuve de l’allégeance d’une élite supposée, Ali Bongo y a intérêt. A neuf mois de la prochaine présidentielle, il lui semble nécessaire de se poser en homme de réseaux. Il lui paraît utile de faire étalage de ses probables soutiens. Et tant pis si tout cela sème le doute sur sa capacité à respecter son serment ou à s’acquitter de ses engagements vis-à-vis de la communauté nationale !

Idées reçues

Pourtant, en 2010, une manœuvre similaire produisit des effets pervers. Contraints d’avouer leur appartenance, de nombreux francs-maçons furent personnellement mis en cause par leurs proches. Si la Franc-maçonnerie s’en trouva folklorisée, certaines loges furent obligées de se démarquer et d’établir le distinguo entre la GLG et elles. Quant à Ali Bongo, il n’en tira aucun bénéfice, sa gouvernance comme son action ayant constamment été chahutés, comme en atteste le raidissement de son régime. Pourquoi reproduire un stratagème aussi contre-productif ? Au Gabon, franc-maçonnerie et pouvoir politique ont toujours été imbriqués. Perçue comme une marque d’allégeance au grand maitre et non pas à l’obédience, l’initiation est vue comme un gage de fidélité au président de la République, par ailleurs grand maître. Entre mélange des genres et biais cognitif, d’aucuns assimilent l’appartenance maçonnique à une garantie de fidélité au régime.

En demandant le renouvellement de son bail, Ali Bongo s’est laissé aller à ce type d’idées reçues, misant sur une allégeance et une solidarité illusoires. En le reconduisant, ses «frères» ont eu la même attitude, confortant les accusations d’arrivisme et de couardise portées à leur encontre. En se confondant en confidences, ils ont porté atteinte à la crédibilité de leur association. Ne leur en déplaise, de nombreux lieux communs ne font plus recette, l’histoire ayant apporté de cinglants démentis. Ainsi, en 2009 comme en 2016, la présidentielle mit en scène de nombreux francs-maçons. Dans l’un et l’autre des cas, cette appartenance commune ne fut pas suffisante pour garantir la victoire du candidat du Parti démocratique gabonais (PDG). A chaque fois, il fallut recourir à des méthodes peu orthodoxes : tripatouillage des procès-verbaux, violence policière ou armée et instrumentalisation de la Cour constitutionnelle.

Leçons du passé

Pour cette seule raison, on ne peut se laisser impressionner par la manœuvre du week-end écoulé. Au-delà, on ne peut s’accommoder de ce mélange des genres. Encore moins banaliser cette propension à subordonner l’affiliation politique à l’appartenance à une association ésotérique.  Comme les différentes religions ou cultes traditionnels, la Franc-maçonnerie est une affaire privée et personnelle. Y adhérer ne sera jamais une affaire publique ou un acte d’intérêt général. Comme le Christianisme ou l’Islam, comme le Bwiti, elle ne doit ni offrir des passe-droits ni déboucher sur du chantage. Au-delà, elle ne saurait influencer les choix politiques, la liberté de conscience et la liberté d’opinion étant deux principes constitutionnels d’égale valeur. Ali Bongo veut-il être certain de disposer d’un électorat captif ? Cet objectif doit être assigné au PDG et à aucun autre cercle.

Comme tous les potentiels candidats à la prochaine présidentielle, Ali Bongo doit confier la mobilisation à son parti politique. Autrement dit, il appartient au PDG d’établir un climat de confiance avec les citoyens. Il lui revient de se mettre à l’écoute des populations et de leur décliner son bilan. Au lieu de mélanger ésotérisme et politique, le pouvoir doit se mettre au travail. En 2016, certains francs-maçons avaient désapprouvé le dénouement de l’élection. Même s’ils l’exprimaient sous cape, ils s’étaient montrés particulièrement dépités, laissant éclater des velléités de dissidence. La GLG s’en souvient-elle ? Veut-elle continuer d’empêcher à «la lumière qui éclaire (ses) temples (…) (d’) illuminer la cité» ? Où l’on en vient à se demander si elle a tiré les leçons du passé. Où l’on se demande si la Franc-maçonnerie gabonaise est un ordre individualiste et misanthrope, sectaire et profane.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. CYR Moundounga dit :

    Bjr. Morceau au choix: « Ainsi, en 2009 comme en 2016, la présidentielle mit en scène de nombreux francs-maçons. Dans l’un et l’autre des cas, cette appartenance commune ne fut pas suffisante pour garantir la victoire du candidat du Parti démocratique gabonais (PDG) ».

    1- Le contexte de 2023 étant encore plus incertain que celui de 2009 et 2016 toutes choses étant égale par ailleurs, les garanties le seront elles aussi ? Amen.

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