Des étudiants en colère pour n’avoir pu entrer en possession de leur bourse, des institutions qui sifflotent le blues de la dèche, des élus qui maugréent pour la même raison, des grands chantiers à l’arrêt… l’évidence saute aux yeux : le pays est indubitablement en difficulté financière.

800 étudiants en colère paralysent le Trésor public pour réclamer le paiement de leur bourse © Info241.com/Binto Media
800 étudiants en colère paralysent le Trésor public pour réclamer le paiement de leur bourse © Info241.com/Binto Media

 

Le vendredi 10 octobre dernier, des étudiants rassemblés au Trésor Public depuis 5 heures du matin, pour certains, en vue d’attendre l’ouverture des grilles, n’ont pas perçu leur allocation d’études. Les distributeurs de billets affichaient «Fonds Insuffisants», selon certains d’entre eux tandis que d’autres parlaient de «machines plantées». Ils ont alors exprimé un peu brutalement leur mécontentement, entrainant par voie de conséquence les Forces de Police à les déguerpir des lieux… Où est passée leur bourse ou encore, d’une manière générale, où est passé l’argent ? Car, comme la bourse des étudiants, de nombreuses factures ne sont pas payées par le Trésor Public. Le Gabon est-il devenu insolvable ?

Le 27 février dernier, Christophe Akagha Mba, éphémère ministre de l’Economie et de la Prospective (tout juste 279 jours à ce poste, faut-il le rappeler), rejetait l’idée selon laquelle les caisses de l’Etat étaient vides, et affirmait que tous les indicateurs macro-économiques étaient au vert, que le taux de croissance se situait autour de 5;5%, et que les salaires des fonctionnaires étaient régulièrement payés. Pourtant, en dépit de ces «bonnes nouvelles», les finances de l’Etat paraissent à l’étiage. L’Etat a de plus en plus de mal à honorer ses engagements financiers.

Au titre de ces engagements financiers qui trouvent tout le mal du monde à être honorés, se trouve la Prime d’Incitation à la Performance (PIP). Le gouvernement semble avoir trouvé tous les subterfuges pour en différer, jour après jour, date après date, le paiement. Quand il annonce que le paiement se fera fin-septembre, c’est le 29 septembre qu’une circulaire du Premier ministre exige des ministres que leurs collaborateurs soient notés avant de percevoir la prime, et que chaque ministère doit élaborer sa fiche d’évaluation et de notation en se basant la loi relative au Statut général des fonctionnaires. Lorsque la date du 10 octobre est annoncée, c’est ce même jour que les secrétaires généraux de ministère sont convoqués au Secrétariat général du gouvernement pour se faire remettre les imprimés (fiches) d’évaluation et de notation. Ainsi, les services de la Primature ont finalement décidé d’élaborer une fiche d’évaluation commune à toutes les administrations. Peut-être que le 30 octobre, un autre subterfuge sera trouvé… pour en renvoyer à nouveau la date de paiement. Les centrales syndicales des agents de l’Etat commencent à exprimer une certaine impatience. La PIP va-t-elle faire tomber le gouvernement ? Elle l’a en tout cas déjà ébranlé : le ministre qui en aurait proposé l’idée et qui n’a pas su porter le dossier a été limogé. Visiblement, avant d’en proposer l’idée, Serge Maurice Mabiala n’avait pas suffisamment réfléchi à la source de financement de la prime ou alors avait-il soupesé la capacité des Fonds communs à être redistribué à un plus grand nombre. Il va pourtant falloir bien payer la PIP aux 70.000 agents publics !

Toujours est-il qu’aujourd’hui, on avance, pour son paiement, soit la fin du mois d’octobre (après les salaires), soit début-Novembre. Mais payer la prime du troisième trimestre au début du mois de novembre, voilà qui ne fera pas rire beaucoup d’agents de l’Etat… Renvoyer indéfiniment le paiement de la prime aux calendes grecques ne révèle-t-il pas que le Gabon a effectivement d’énormes difficultés financières, pour ne pas dire qu’il se trouve en cessation de paiement ou en état d’insolvabilité ? En tout cas, en dehors de la PIP, un grand nombre d’actions gouvernementales n’ont pu se tenir ces dernières semaines ou ne pourront se tenir cette année pour faute de financement.

Prévus du 1er au 3 octobre dernier, les Etats généraux de la Communication n’ont pu se tenir, et ont été reportés à une date ultérieure… faute de financement. L’équipe nationale de basket n’a pas pu prendre à une compétition africaine de jeunes pour laquelle était qualifiée… faute de financement. Le Salon de l’Agriculture, prévu le 16 octobre de chaque année, n’est pas annoncé… faute de financement. Les travaux de construction du Complexe omnisport Omar-Bongo qui devait accueillir la Can 2012, et dont la livraison finale devait intervenir en octobre 2012, sont à l’arrêt… faute de financement. D’autres grands travaux dits «chantiers de l’Emergence» sont soit à l’arrêt, soit ralentis… faute de financement. La Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite se plaint de ce que, depuis quelques mois, son budget fonctionnement n’est pas mis à sa disposition, bloquant ainsi son fonctionnement… faute de financement. Le Conseil national de la Communication (CNC) est dans la même situation. Le distributeur Sogapresse lui a coupé la fourniture de journaux pour une petite ardoise de 2,7 millions de francs CFA tandis que son intendance n’est plus assurée… faute de financement. Récemment, à l’Assemblée nationale où les indemnités de session ne sont plus versées qu’au compte-gouttes depuis quelque temps, une certaine exaspération s’est fait sentir. En effet, face au ministre du Budget et des Comptes Publics, Christian Magnagna, des députés se sont écriés : «les chiffres que vous nous donnez là sont-ils vrais ? Dîtes-nous la vérité, Monsieur le Ministre !». Selon le président d’une Commission, «les députés sont de plus en plus convaincus que les lois des finances qu’on leur demande de voter sont bâties sur du pipeau».

Qu’un tel sentiment en vienne à traverser les rangs de l’Assemblée nationale amène à l’évidence que s’il n’y a pas encore péril en la demeure, il y a tout de même quelques difficultés, et celles-ci obèrent le fonctionnement de plusieurs administrations. Au ministère du Budget par exemple, lorsque les administrateurs de crédits vont présenter leur demande de financement (budget), il leur est pudiquement répondu que le Gabon est en récession, et que toutes leurs demandes ne sauraient être honorées. Mais la récession signifierait-elle l’insolvabilité ?

«Les budgets sont votés, mais l’argent physique est invisible», dénonce un sénateur de la majorité, membre de la Commission des Finances, qui ajoute «j’espère que le non-paiement des bourses des étudiants ne va pas entraîner un jour le non-paiement des émoluments des agents de l’Etat ; ce serait la catastrophe !». Les manifestations d’étudiants du 10 octobre dernier sont donc révélatrices d’un profond malaise : les caisses de l’Etat sont à l’étiage. Mais la situation est d’autant plus incompréhensible que les matières premières, rente prédominante du Gabon, se vendent normalement. D’où viendrait cette quasi cessation de paiement ? Comment expliquer cette insolvabilité qui saute à l’évidence ?

 

 
GR
 

23 Commentaires

  1. Jean-jacques dit :

    je ne pense pas qu’il manque de l’argent au Gabon le vrai problème c’est le manque deplanification et programmation c’est tout.

  2. olivier dit :

    c est a cause de Ping

  3. Mandela dit :

    Les Députés doivent tout simplement faire leur travail et convoquer directement le Premier Ministre !!!

    L’Assemblée Nationale n’est pas le siège d’un Parti Politique où la pensée unique PDG devrait primer sur la mandat du Peuple.

    Les Députés siègent au Parlement pour représenter les intérêts des populations !!!

    Je vous demande de faire preuve de courage et sachez que devant la nation c’est bien l’histoire qui vous jugera, pour les actes que vous aurez poser pour préserver vos petits intérêts en regardant votre pays sombrer avec l’avenir de vos enfants.

  4. témoin occulaire dit :

    Tout ça c’est la faute aux opposants et aux ministres qui ont été virés.

  5. LA VISION dit :

    Sur ce site j’avais déjà annoncé que l’etat aurait du mal à tenir sa promesse sur la PIP et que d’ici DECEMBRE ca va chauffer dans tous les ministeres et syndicats.

    Aujourdh’hui ce sont les etudiants, demain ce sera qui?
    La réponse est toute trouvée les fonctionnaires.
    Le vrai problème est que les matières premières du GABON continuent à être vendues comme avant mais l’etat connait des difficultés à payer les fonctionnaires.

    Les députés qui manquent de courage ne convoquent pas le gouvernement à s’expliquer sur l’etat de la situation financière du pays.

    Dans l’article on pourrait encore ajouter de nombreux evenements renvoyés ou factures non réglées faute de moyens financiers.

    Sommes nous diriger par de vrais amateurs?

  6. Moure Tabe dit :

    techniquement, les difficultés de trésorerie peuvent s’expliquer par le décalage entre les rentrées de fonds dans les caisses du trésor (taxes, impôts, recettes de ventes de matières premières etc) et les décaissements (paiement des salaires, remboursement des échéances de la dette, décaissements à l’occasion des travaux d’investissement, etc). Tous les pays du monde connaissent ces décalages; pour y faire face notamment aux USA, le Trésor américain procède à des émissions de « bons du trésor » tous les jeudi, ces bons sont souscrits par le public et les fonds d’investissements; d’où l’importance de l’existence de marchés de capitaux efficaces (i.e importants volumes et fluidité de titres, bonne organisation, solvabilité…)

  7. Bil Ngana dit :

    Tout ceci n’était-il pas prévisible ? Lorsqu’un certain éminent Professeur, pérorant un jour sur les antennes d’une TV nationale, avait annoncé tout ce mic-mac financier, n’est-ce pas nous l’avons tous traité de tous les noms, dont le plus familier à l’époque était « Oiseau de mauvaise augure » ? Certes, peu après, nous avons prié secrètement en espérant qu’il se trompe, du moins au cours des dix prochaines années. Certains faits nous paraissent, de ce fait, assez curieux. Par exemple, le précédent « Trésorier Payeur Général » (TPG), une femme, a été limogée il y a seulement quelques mois comme une malpropre, après avoir, dit-on, refusé de décaisser d’importants fonds pour un règlement obscur. La bancarisation des fonctionnaires payés sur bon du Trésor a été menée tambour battant. Puis, plus récemment, la presse rapporte qu’il y aurait un TPG véritable tapi derrière le TPG officiel, affirmant qu’il s’agirait d’un certain directeur de cabinet du Président de la République. Rien n’est payé, dit-on aussi, sans l’aval de ce monsieur. Ainsi, si « les matières premières, rente prédominante du Gabon, se vendent normalement », comme le précise l’article de Gabonreview, y aurait-il une volonté manifeste de bloquer la marche de l’Etat et le fonctionnement de ses institutions par des individus sans aucune attribution constitutionnelle ? Comment appelle-t-on ce délit, si c’en est un ? Et dans quel but ?

  8. petit piment dit :

    pitiéééééééé de nous, le poisson meurt de soif dans les eaux de l’ogoué

  9. accrombessi a le vent en poupe dit :

    ACCROMBESSI a fait bloquer l’argent du Gabon dans le compte d’opération de la banque de france. les nègres sont enchainés et n’ont pas de moyens de défense. Nous avons tous que le budget de l’état est alimenté mensuellement par les impôts, les taxes, les amendes, les licences, les patentes, les réserves financières, les ventes de matières premières, les emprunts d’équilibre etc… Au 10 ième mois d’exercice budgétaire, c’est mal fondé de parler de carence budgétaire ou de tension budgétaire. sure sure, il y a un démon qui fait la mafia avec les recettes financières du gabon en les plaçant en bourse pendant 3 mois avant de ventiler le trésor publique souverain. ce micmac est connu depuis 1967. On arrive pas à gérer un petit peuple de 1,5 millions d’habitants avec un budget autant que le cameroun de 21 millions d’habitants. je vous demande de démissionner si vous étiez un être humain 🙂

    • sm dit :

      Accrombessi n’a rien a voir avec les comptes d’opérations, faut pas raconter n’importe quoi, ce système obscur a vu le jour bien avant votre naissance, allez y plutôt demander des comptes à la France, aujourdh’ui, on ne sait même pas de combien on dispose dans ces comptes obscurs…qui appauvrissent encore plus les faibles

  10. le puant dit :

    Sm stp question !
    Le gabon pays souverain , oui ou non !?

  11. Le citoyen libre dit :

    «j’espère que le non-paiement des bourses des étudiants ne va pas entraîner un jour le non-paiement des émoluments des agents de l’Etat ; ce serait la catastrophe !». Si Monsieur le Senateur de la majorité qui bouffe l’argent du pays, bien vous verrez la realité en face, le Gabon va droit au mur si ALI est encore president apres 2016.
    Votre champion ALI dit que le Gabon a eu 8% de croissance en 2013, mais où cette croissance ?

  12. ndjobi otala dit :

    le GABON est presque l’unique pays à octroiyer sans complaisance une boursse aux eleves tout comme aux étudiants.
    C’est assez equeurant de vous entendre dire que les caisses de notre etat sont vide alors qu’a chaque fin du mois tous les agents publique persoivent leur salaire meme ceux qui sont en greve et qui ne travail pas.
    pourquoi trouver vous toujours la fatalité partout? renseigner vous comment et quels sont les conditions d’obtention d’une boursse dans d’autres pays qui n’ont meme rien à envier au GABON

  13. Da Truth dit :

    A lire les commentaires de certains ici,je me rends compte que bcp de compatriotes sont foncièrement mauvais en souhaitant le pire au Gabon tout en se réjouissant à l’avance même…Quelque que soit vos divergences avec les autorités en place,vous ne pouvez en aucun cas souhaiter le mal de votre(notre) cher pays ;a moins que vous ayez un autre pays de rechange et même .Sachez-le en agissant ainsi,vous ne faites pas mieux que ceux que vous accusez d’antipatriotisme et de fossoyeurs des deniers publiques.
    Depuis un temps certains disaient Haut et fort ici, que les caisses de l’État sont vides(certains persistent encore bien que leur nombre ait été revu à la baisse)…car lorsqu’il n’y a pas d’argent ,il n’y a pas d’argent mais bizarrement il nous reste 2 mois avant la fin de l’année mais les salaires des fonctionnaires sont toujours payés et même très souvent avant le 25(que ceux qui estiment que je ne dis pas la vérité me disent le contraire)et les ex fond-communs avaient même été payés dans les ministères qui ont l’habitude de les percevoir,les bourses des étudiants gabonais au pays ou à l’étranger sont payés (malgré quelques retards ou problèmes organisationnels)et même bon nombre de nos petits frères continuent d’aller poursuivre leur 3eme cycle en France aux frais de l’État(ce qui a toujours valu aux étudiants gabonais respect et envie des autres africains en France).Les rappels ont été payés et même aux ayant droits de ceux qui sont décédés !!!! Je pari même que bon nombres des internautes ici,ont même déjà rempli leur fiche d’évaluation pour percevoir la PIP qui est en train de se faire dans les différents services des ministères de la place mais ils ne viendront jamais le dire ici et gabonreview,ne fait aucunement mention de cela(il se peut qu’il n’aie pas l’info,je le leur concède volontiers)…Cela revient à dire que soit les caisses de l’État sont vides et que le Président rempli les caisses du trésor à coup de baguette magique(car je ne vois pas comment il en sera autrement)et là,ceux qui le disent ont raison ou que les caisses n’ont jamais été vides et que ceux qui colportent ce genre de nouvelles racontent des salades…enfin qu’est-ce à comprendre ????
    Je ne suis pas un Fan du Président de la République et je n’ai même pas besoin de l’être mais en tant qu’individu réfléchi,le bon sens voudrait que l’on reconnaisse de manière objective les efforts qui ont déjà été entrepris et ceux qui restent à faire sans verser dans la mauvaise foi,la médisance et le manque de respect…

  14. Ekryskey dit :

    Voyez-vous mes Compatriotes, notre prétendu argent nous a tant donné l’illusion d’une stabilité, d’une prépondérance, je dirais même d’une hégémonie, qu’ayant longtemps adopté une posture du dos rond, petit pied sur grand pied, pour moi quoi makaya, notre économie de rente, chargée de dépenses parasitaires et percluse de dettes a tôt fait de devenir poussive.
    Quelqu’un a parlé d’un pays voisin qui avec peu, fait autant que nous, sinon mieux, ayant à sa charge 21millions de bouches à nourrir, contre 1million et demi que nous sommes. Mais prenons le temps de regarder autour de nous. Malabo fait quel miracle, n’est ce pas la même ressource, allez voir du côté de Brazzaville et vous aurez peine à croire à la transformation. Je ne parle pas des richesses seulement, mais des hommes. Quand une économie s’essouffle, il faut la laisser souffler et c’est la cas. Qui ne sait pas que le pétrole est train de tarir et que de toutes les façons il se vent mal ces derniers jours. Vous voulez que le Gabon affiche une stabilité, c’est bien, mais travaillons et sachons bien nous répartir le fruit de notre labeur. A l’allure où vont certains pays dont nous nous étions amicalement moqués, si nous ne les prenons pas par le maillot, ils feront une échappée qui nous fera regretter le souffle que nous avons perdus à nous bomber le torse comme les primates de la Lopé. Notre mythe est mort et c’est nous qui serons bientôt des exilés économiques. C’est seulement à ce moment que nous comprendrons le vrai sens du changement des mentalités.
    Oui, c’est vrai que l’argent commence à manquer, c’est vrai qu’il est peut-être mal géré. Mais nous avons une ressource intarissable. C’est la terre. aucun pays du monde civilisé n’a émergé sans le concours de l’agriculture. Le Café et le Cacao poussent bien dans nos forêts, sans oublier l’hévéa qu’on ne mange pas. Alors où est le problème. En réalité, nous ne sommes que trop peu nombreux pour nous partager autant de richesses. La terre gabonaise est si généreuse qu’elle a jusque là pu assouvir nos faims, mais ne le sera jamais autant, lorsqu’il s’agira de satisfaire la cupidité de tous.
    Mon pays va mal…..
    mon pays va mal, de mal en mal…

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